Youpi! Un débat dans lequel je ne suis pas d'accord avec Bettlejuice! Je soupçonne que je vais apprendre des trucs.
Déjà, une petite correction pour Denis:
Denis a écrit :Ils ont décidé de ne pas payer leurs dettes ?
Pas exactement. Le jeu de la dette grecque, depuis plusieurs années, consiste à échanger des restructurations de dette contre des réformes nationales. "Si tu baisse les retraites de 10% et que tu vires 5000 fonctionnaires, je t'autorise à avoir un déficit de 5% ce mois-ci.". Depuis son arrivée au pouvoir, Syriza a continué ce jeu, le couteau sous la gorge (pensez: les autorités européennes peuvent assécher les finances grecques en une seule semaine).
Mais ils ont décidé de négocier plus durement, en refusant certaines choses inacceptables et inefficaces selon eux. Ces dernières semaines, si j'ai bien suivi, les points de friction étaient au nombre de deux: les retraites, que l'Europe demande de baisser à des niveaux que Syriza considère incompatibles avec la survie, et la sortie de ce jeu de négociations en cycles court: l'obtention d'un temps de négociation plus long et de l'établissement d'un plan à long terme pour la Grèce.
Les autorités européennes ont trouvé ces demandes inacceptables et ont donné à Tsipras l'image d'un leader capricieux qui refuse la négociation et handicape son pays. Elles ont affirmé qu'il rejette des offres extrêmement raisonnables et qu'il est incapable de concessions réalistes. Il a fait ce référendum pour montrer que le peuple grec le soutient dans cette démarche.
Autrement dit, tout ce que le peuple Grec a dit c'est: "Cette offre n'est pas acceptable en l'état." La suite dépend principalement de l'Europe. Syriza a annoncé qu'ils seraient aujourd'hui de retour à la table de négociations. Si l'Europe ne propose rien d'autre, logiquement, ils ne devraient pas changer la structure de la dette et la Grèce sera en cessation de paiement très rapidement. Plusieurs choix s'offriront alors à elle, dont une sortie de l'euro.
BeetleJuice a écrit :Je m'excuse, je suis un peu virulent, mais j'en ai juste marre de cette espèce de polarisation et d'hystérisation du débat qui conduit à chercher qui est le méchant et qui est le gentil dans cette histoire, en oubliant toute mesure, tout recul et parfois même toute décence en se servant de ce cas grec très complexe comme épouvantail et étendard d'une conviction politique.
Et personnellement, autant le manichéisme m'énerve quand il est systématique, autant je trouve que ici, il y a des injustices assez claires, des fautes non punies et des coupables non repentis. Alors d'accord, résistons à la tentation de dire que comme il y a des méchants, les gens en face sont forcément gentils, mais je réfute la théorie de l'eau tiède qui dirait que la vérité est dans un juste milieu entre deux camps qui en se valent forcément parce qu'ils ne sont pas d'accord. (C'est peut être un peu virulent, mais sans haine hein

)
Alors si on doit parler de morale et de peuple grec, je tiens à rappeler quelques notions:
- Les punitions collectives, c'est nul
- Le peuple grec a fait ce que le droit l'autorise à faire pour corriger sa faute: elle a changé de gouvernement (et pas en élisant des nazis, contrairement à ce que prévoyaient les marchands de peur)
- Le type qui était à la tête du département de Goldman Sachs qui a aidé à maquiller les comptes de la Grèce est aujourd'hui le président de la BCE (Mario Draghi)
Donc parlons de morale si vous voulez, mais d'un point de vue moral, le peuple grec a largement payé ses "fautes" et les vrais responsables, dont seulement la moitié sont en Grèce, n'ont absolument pas été punis et dans le cas de Draghi ont même été récompensés.
Mais perso je trouve étrange de parler de morale, car ce n'est absolument pas la question. Je le déplore un peu, mais la morale est tout à fait exclue du fonctionnement européen et du fonctionnement de l'eurogroupe. Si on parle de morale, alors on lance un débat sur la façon dont on intègre ça dans le fonctionnement de l'Europe. Est ce qu'on peut punir la Grèce pour une faute? Si oui, il faut que ce soit dans le cadre d'un tribunal, avec des droits à la défense, une enquête, et une inculpation de tous les responsables. C'est le B.A.-BA de la justice: si on ne l'applique pas à tous, ça devient de l'injustice. Donc parlons de morale si vous voulez, mais dans le cadre d'une réforme européenne. En parler juste dans le cas grec quand ça arrange certains c'est juste tenter d'être arbitre dans une partie de calvinball.
La question de la crise grecque est: "Comment sortir de cette crise?" C'est une question technique et politique. La solution qui a été essayé au début de la crise est de faire une cure d'austérité: rééquilibrer les dépenses publiques devait permettre à la Grèce de renouer avec la croissance. D'année en année, ça a foiré:
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La question est: pourquoi? En fonction de la réponse à cette question, tu es dans un camp ou dans l'autre. Il y a en gros deux hypothèses:
- Le gouvernement grec a mal appliqué les consignes de la troïka et a fait la sourde oreille à leurs suggestions.
- Les consignes de la troïka ne permettaient pas à la Grèce de s'en sortir.
Et de fait, quand on regarde les stats, on constate que le gouvernement Grec a fait d'énormes efforts pour augmenter les recettes et diminuer les dépenses. Par exemple, l'état Grec est aujourd'hui à l'équilibre si on ne compte pas le poids de la dette (1% du PIB en excédent). La France n'y parvient pas et l'Allemagne y est parvenu pour la première fois depuis la guerre seulement l'année dernière. On peut arguer que ce n'est pas assez, mais les efforts et les sacrifices sont quand même là et bien documentés.
Par contre, de plus en plus d'économistes, y compris l'ancien économiste en chef du FMI, disent qu'une des prémisse
de base de leur politique était erronée. En 2008, le FMI considérait que pour chaque euro que l'état économisait, le PIB diminuait de à peu près 0.5 euros. Il était donc plus rentable pour l'état de diminuer des dépenses et donc ses dettes que de faire par exemple un plan de relance. Or, en 2013, cet ancien économiste en chef affirme (et se retrouve ainsi en ligne avec quelques économistes de renom) que ce coefficient n'était pas 0.5 mais plutôt de 1.3. Et là, ça change tout: une politique visant à réduire la dépense publique se met à aggraver la crise. La dette de l'état est un problème à résoudre mais surtout pas pendant la crise. Au contraire: c'est l'état qui doit s'endetter pour réinjecter de l'argent dans l'économie et les dettes doivent être payées une fois la croissance (ou au moins l'équilibre) revenu.
Le FMI en 2008 reçoit un zéro pointé, mais comme ne disent pas les Grecs, errare humanum est, perseverare diabolicum. En 2015, le FMI continue à demander au gouvernement de dégager des excédents budgétaires énormes alors qu'il sait désormais que ça aggrave la crise. Il y a là une faute technique flagrante (doublée d'une faute morale pour ceux que ça intéresse) et personne ne demande pour autant à DSK ou à Lagarde de se serrer la ceinture pendant quelques années.