Je remonte cette enfilade car sur le
site de l’A.S.(sic)C.Q., on trouve actuellement une nouvelle manifestation de gloriole aussi triomphaliste que fallacieuse. Comme ce texte va disparaitre un jour, autant le citer au complet :
"
Compte Rendu de la conférence au CEGEP de Drummondville, le 14 avril 2011
Nous avons été chaleureusement reçu par le groupe GEE (Groupe Évangélique Étudiant) et par l’auditoire d’une quarantaine d’étudiants, professeurs et professionels. Laurence a présenté une conférence qui expliquait les deux théories sur l’origine de la vie, soit la théorie de l’évolution et la théorie de la création. Il a démontré la différence entre une hypothèse scientifique, une théorie scientifique et une loi scientifique et ensuite il a présenté des observations dans la nature et des lois fondamentales en science qui ne laissent peu de doute sur l’impossibilité de la théorie de la macro-évolution et la plausibilité de la théorie de la création. Laurence a souligné que seulement le modèle de la création correspond aux critères de scientificité tels que l’expérimentation et la réfutabilité. Finalement, il a dévoilé les failles dans la logique évolutionniste et le danger des paradigmes évolutionnistes pour la science moderne.
Naturellement, la période de questions fut des plus animée mais le tout c’est passé dans un environnement de respect et d’échange mutuel."
Il est déjà assez
particulier de se vanter d’avoir été invité par un groupe évangélique pour donner une "conférence" prétendument scientifique. On peut douter fortement que Laurence Tisdall ait "démontré la différence entre une hypothèse scientifique, une théorie scientifique et une loi scientifique" puisque, selon ce qu’on trouve sur le site de son association, le créationnisme est 100% d’inspiration religieuse : "Bienvenue! Pour ceux qui n'ont jamais entendu parler du créationnisme, il s'agit de la théorie qui trouve ses origines dans le livre de la Genèse et qui s'oppose à l'évolutionnisme". À quoi on peut ajouter qu’il est certain qu’on ne peut s’attendre à un minimum d’objectivité de la part de quelqu’un qui est bien plus croyant que scientifique* (mais qui essaie de faire croire que
ses maigres qualifications scientifiques font de lui une autorité sur cette question).
Comme je n’ai pas vu la conférence, je ne peux me prononcer sur les « failles » et autres « dangers » dont il a parlé. Mais, je suppose que ce sont les fantasmagories habituelles (« l’évolution mène au nazisme », « évolution pas bon parce que contre la Bible », etc.). J’imagine aussi que les « critères de scientificité » sont ceux qui ont été développés par leur équipe de propagande et
dont Juju-Caliméro s’est fait le héraut**.
Ce que je regrette le plus, c’est de ne pas avoir entendu la partie sur en quoi le « modèle de la Création » correspond à des critères scientifiques. Particulièrement, j’aurais aimé l’entendre développer les expériences*** ayant démontré factuellement l’existence de son Dieu ainsi que celles ayant permis de mettre à jour les propriétés de Celui-ci. Savoir comment on "réfute" l'idée d'un dieu capable de tout aurait aussi été un plaisir. Mais, comme il est écrit que Tisdall n’a fait que "souligner", on peut penser que Tisdall ne s’est pas foulé pour défendre de manière sérieuse son point (il a sans doute été question du flagelle bactérien... à l'A.S.(sic)C.Q., on change difficilement une argumentation miteuse).
Il peut bien se vanter du "respect mutuel", lui-même est très loin de respecter ceux qui viennent l’écouter en leur proposant ce genre de « contre-vérités ». Car, comment appeler cela autrement? Tisdall ne peut défendre que son modèle
béni chéri est virtuellement absent de la littérature scientifique qu’en ignorant totalement cette littérature*
4. Sauf qu’à la longue cette ignorance n’est pas une excuse dans son cas: quand on a la prétention de parler de quelque chose, la moindre des politesses serait de se renseigner sérieusement avant de parler et il a amplement eu, au cours de ses 20 ans (au moins) de "métier" comme conférencier créationniste, le temps de se renseigner sur la science et l’évolution plutôt que de continuer à se battre contre les épouvantails qu’il en fait.
L’évolution est encore au cœur de la science, celle qui fait de la recherche donc des découvertes (deux exemples récents en *
4). Le créationnisme, lui, continue à se révéler juste bon comme source de « conférence » dans des CEGEP (au mieux), pour essayer de convaincre à coup de rhétorique fallacieuse que l’ignorance, la stagnation et la stérilité intellectuelles sont des qualités.
Jean-François
* Ajout: que Tisdall est moins un scientifique qu'un missionnaire de la foi est parfaitement évident quand on constate les principaux sujets de ses conférences... dont "
l'évangélisation au 21e siècle" qui, ironiquement, est annoncée sur la même page que le "compte-rendu".
** C’est tellement nul qu’il n’est même pas intéressant d’en faire la critique. Par contre, c’est très révélateur de l’inculture de et de la façon de (dé)raisonner de ce genre de créationnistes.
*** Dans le texte, il est question d’"observations" mais il est clair qu’une observation subjective faite par quelqu’un qui ne comprend rien à la démarche scientifique, ou qui agit comme s’il ne voulait en tenir compte, ne peut que le ramener à sa conclusion (tout aussi subjective) sur l’impossibilité de l’évolution. Je doute Tisdall envisage la question de l'objectivité scientifique
*
4 Ironiquement, j'ai lu le texte de l’A.S.(sic)C.Q. la même semaine où je suis tombé sur deux articles absolument fascinants, publiés dans des revues scientifiques de référence:
- Lutes AA, Baumann DP, Neaves WB, Baumann P. (2011)
Laboratory synthesis of an independently reproducing vertebrate species. Proc Natl Acad Sci U S A. (
http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1102811108). Une étude sur des lézards qui démontre
expérimentalement la possibilité de la spéciation par hybridation interspécifique un point qui demeurait contesté, surtout dans le cas des vertébrés.
- Prud'homme B, Minervino C, Hocine M, Cande JD, Aouane A, Dufour HD, Kassner VA, Gompel N. (2011)
Body plan innovation in treehoppers through the evolution of an extra wing-like appendage. Nature 473:83-6. (
Information vulgarisée et en français disponible sur cette page.) Une étude anatomique et génétique sur des insectes de la famille des membracides, qui démontre que le « casque » de ces insectes est en fait une paire d’appendices semblables aux ailes qui sont apparus parce qu’une mutation a rendu certains gènes insensibles à l’action d’un gène inhibiteur du développement des ailes. Il s’agit donc de l’apparition d’un caractère (impossible selon nos créationnistes habituels) dû à la répression d’une activité génique inhibitrice. Ce caractère a ensuite pu se modifier intensivement au sein des différentes espèces actuelles car il n’est pas nécessaire au vol (ce sont des "ailes" qui trouvent d'autres fonctions (protection, camouflage)). Un magnifique exemple d’évolution qui s’ajoute aux nombreux autres que ceux qui s’intéressent vraiment à la nature (plutôt qu'à leur dogmes stériles) reconnaissent.