Loutredemer a écrit : Je ne veux pas dramatiser
Mais au final, c'est globalement ce que vous faites. Au final, j'ai un sentiment ambivalent vis à vis de la réaction, à mon sens, presque hystérique, d'un certain nombre de personnes, qui réclament des mesure de sécurité dont on n'a pas vu d'équivalent depuis la guerre d'Algérie et qui parfois n'ont même pas eu d'équivalent depuis la dictature de Pétain.
On voit assez clairement qu'une partie de la population ne sait plus ce que c'est que de vivre sous une forme de menace et surtout n'a pas la moindre idée de ce que c'est réellement un état de guerre. Ca me rend à la fois fier du chemin parcourue en Europe pour pacifier nos sociétés, et inquiet de la tentation à aller vers des formes d'Etat policier sur un malentendu.
Même sans aller chercher des exemples de pays qui vivent une situation mille fois pire que la notre, quand on connait un peu l'histoire du terrorisme en Europe, ce qui est mon cas, je pense qu'on ne peut qu'être frappé par la disproportion entre le danger réel et le discours martial des autorités et surtout la naïveté, à mon avis, de penser qu'il soit possible d'arriver à une société du risque 0 sans en passer par une forme de totalitarisme extrême (bien plus extrême d'ailleurs que ce qu'on a pu expérimenté dans l'histoire sur ce sujet).
J'ai tendance à me dire que si la Gestapo n'a jamais pu faire cesser les actes de résistance alors qu'elle n'avait pas à se soucier de question de droit ou de liberté, même en considérant la technologie moderne, c'est illusoire de croire qu'on pourra, nous, réussir, sans attenter gravement aux libertés publiques. Et c'est en ça que ça m'inquiète, parce qu'attenter au liberté publique si on était réellement dans un contexte de guerre telle qu'on pouvait l'entendre à l'époque, j'aurais pu trouver ça légitime, mais j'ai du mal à trouver ça légitime pour un contexte où le risque terroriste est marginal parmi tous les risques qui pèse sur le pays.
eatsalad a écrit :Après les évèenemnts de vendredi, oui je pense que ca rassure
La prolongation de l'état d'urgence, j'en viens à me demander si ça n'est pas aussi un moyen de passer outre un certain dysfonctionnement de la justice ou du moins une lenteur problématique. On est très fort en France, depuis pas mal d'année, pour trouver des bricolages et des arguments de circonstances permettant de faire quand même un peu fonctionner l'Etat malgré des blocages dû au fait qu'on n'a jamais réellement repensé sa manière de fonctionner depuis des décennies.
Par exemple, le discours actuel comme quoi les dépenses de sureté engagées après les attentats nous affranchiraient de la question de contrôler les déficits publics me parait une imposture et un effet d'aubaine. Avec 75 milliards d'euro de déficit par an, sachant qu'on s'était engagé de toute manière à réformer pour le réduire, ça me semble pas impossible de trouver un moyen de diminuer quelque part pour financer ailleurs sans alourdir la facture. J'aurais même tendance à penser que c'est d'autant plus le moment de réformer, car l'émotion populaire peut servir de point d'appui pour justifier d'aller contre ceux qui bloquerait le changement.
Du coup, et c'est peut-être complotiste de ma part, mais je finis par me demander si la prolongation de l'Etat d'urgence ne relève pas de la même logique, à savoir profiter du moment d'émotion pour permettre à la police de faire son travail sans contrainte judiciaire mais aussi sans s'attaquer à une réforme de la justice et des fonctionnaires de justices qui demanderait d'aller contre quelques unes des milliers de rentes de situations qui pullulent dans la fonction publique.
Mais bon, c'est peut-être complotiste comme raisonnement, donc je n'en fais qu'une hypothèse.
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)