Dave a écrit :Comme tu me l'as expliqué, c'est dans l'idée de développer et d'exprimer ma propre façon de comprendre les points critiques de cette présentation que tu y vois une utilité
Il y a aussi que la discussion risquait de tourner en rond dans des généralités puisque, de votre aveu, il n'y avait plus grand-chose à dire. Je pense que de reprendre la question selon cet angle permet de dire quelque chose de neuf.
Je mets ma propre critique à la fin du message. Je l'ai écrite avant de lire la vôtre - ce qui la rend la juxtaposition étrange sur le plan du style, j'admets - mais ai revu quelques points pour éviter des redites trop criantes.
La présentation a écrit :Un point de vue sceptique sur la théorie de l’évolution
La théorie de l'évolution est une théorie scientifique officielle. [...]
Ce que vous dites n'est pas faux mais à partir du moment où l'on admet qu'une théorie scientifique peut (voire doit) être critiquée, il n'y a aucun problème à adopter un point de vue sceptique qui peut être parfaitement valide en autant qu'il réponde aux règles de la démarche scientifique. En rester à un niveau philosophique n'est pas prendre en considération ce qui fonde le point de vue "sceptique". Et c'est là qu'il y a un problème: le "scepticisme", ici, n'est pas fondé sur des faits et ne respecte pas du tout les critères scientifiques. Déjà, il est fondé sur un appel à l'ignorance doublé d'une pétition de principe.
La présentation a écrit :Alors que la question des origines de la vie est difficile, le développement de la démarche scientifique et l’avancement des sciences ont fortement alimenté la polémique entourant ce débat. Néanmoins, de nombreuses questions scientifiques demeurent toujours, celles-ci n’ayant pas été adéquatement répondues par la théorie de l'évolution.
[...] La théorie de l'évolution ne se réfute pas à l'échelle de la molécule
Votre commentaire n'est pas juste. La théorie de l'évolution pourrait être réfutée à l'échelle de la molécule (et pas seulement par des lapins au Cambrien). Si on devait
démontrer un exemple de complexité irréductible au niveau moléculaire cela poserait un sérieux problème pour l'évolution. Le truc est que les défenseurs de la complexité irréductible ne démontrent rien, ils se contentent d'affirmer en ajoutant, au mieux, quelques modèles mathématiques biaisés.
Le point le plus problématique de ces deux phrases, celui qui montre que l'auteur ne sait pas de quoi il parle ou, s'il le sait, tente une manipulation rhétorique fallacieuse: l'auteur parle d'évolution dans la première phrase et d'abiogenèse dans la seconde. Il suggère que l'évolution est fausse parce qu'on ne connait pas l'origine de la vie. C'est totalement faux parce qu'on peut étudier l'évolution séparément de l'abiogenèse. Vous le dites plus loin dans votre critique mais c'est vraiment ici, au départ, que c'est un problème.
Comment les premières cellules auraient-elles pu apparaître?
Drôle de formulation laissant penser que les premières cellules n'apparaissent pas forcément de ce qui n'est pas, au départ, des cellules? Pourquoi ne pas simplement se demander comment les premières cellules ont apparu?
Effectivement, la formulation est comme une négation de la réalité (puisque les cellules sont, elles ont forcément dû "apparaitre"). C'est une approche par la négative qui, à mon avis, trahit le fait qu'il ne se pose aucune question véritable sur les origines car la réponse est "dieu l'a fait"... ce qui ne répond certainement pas au "comment".
On peut quand même - charitablement - laisser une certaine latitude sur la formulation pour en pas tomber dans le piège de l'hyper-critique. Même si je suis d'accord avec certains de vos commentaires qui suivent, je ne les reprends pas pour ne pas alourdir le message inutilement.
Comment est-ce que des systèmes complexes tels que la génétique moléculaire ou le système nerveux central auraient-ils pu se former graduellement?
Toutes les observations corroborent pourtant une évolution progressive de la complexité
Pas "toutes" puisqu'on connait de nombreux cas de simplification évolutive. De plus la majorité des être vivants actuels sont des unicellulaires pas franchement plus complexes que les métazoaires complexes comme les céphalopodes, ou l'humain, si vous voulez

Je ne souligne pas le point gratuitement: dire que l'évolution est un progrès vers quelque chose est un peu faux. L'évolution est un changement qui, autant qu'on le sache n'est pas absolument dirigé vers quelque chose. Cela dit, une tendance à l'augmentation de la complexité - telle qu'on la conçoit habituellement - pourrait être obligatoire si elle reflète une forme d'entropie.
Mais, il est vrai que la formulation montre encore l'approche par la négative: l'auteur ne part pas de ce qui est connu en faveur du développement graduel des systèmes complexes mais suggère qu'il n'y a aucun élément de réponse (ce qui est parfaitement faux).
En raison que la théorie de l'évolution se base sur certaines hypothèses très improbables, est-il possible que l’évidence scientifique nous mène à envisager une théorie différente qui fait appel à une création?
Même si certaines sous-hypothèses de « cette » théorie sont moins probables, ça n'implique pas que toute la théorie soit improbable[/quote]
Les 2 problèmes de fond avec cette affirmation sont a) la confusion entretenue entre évolution et abiogenèse et b) le flou sur la "création" (que vous soulevez).
Est-ce que le gouffre séparant matière animée et inanimée peut être comblé grâce aux principes qui régissent la matière et l’énergie?
[...]« Est-ce que l'explication de la formation des premières cellules peut être comblée grâce... » est une meilleure formulation de la question
Effectivement, le problème est encore l'approche négative de l'auteur et son absence de curiosité. La formulation suggère que le problème est insoluble a priori (sauf par "dieu", mais chut) et que les moyens connus ne permettent de réponse.
Tenter d'avancer une réponse, même théorique, ne me semble pas nécessaire ici. En fait, si vous spéculez trop vous vous placez au même niveau d'incertitudes que lui ce qui peut être vu comme un appui à ce genre de démarche.
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J'aimerais faire la remarque suivante pour terminer. La science s'est progressivement définie et s'est construite justement par opposition aux discours religieux (et même aux discours ordinaires) utilisant plutôt un langage formel
On pourrait vous répondre que la théologie aussi utilise un langage formel (comme certains discours philosophiques). Le problème est qu'il est grandement détaché de son support empirique. La démarche scientifique privilégie le support empirique. Et c'est à ce niveau que se révèle la totale inutilité des hypothèses "divinités"
Tant qu'on en reste à un niveau rhétorique, on peut dire n'importe quoi tant que le discours reste intrinsèquement cohérent. En ceci, pourquoi les théologien ne pourraient-il pas utiliser l'"incomplétude" pour justifier la divinité comme explication à l'intérieur d'un modèle méta-matérialiste? Tant qu'on n'a pas à justifier les idées par des faits (observables), on peut dire ce qu'on veut.
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Avant de proposer ma critique, j'ai une question: est-ce que vous trouvez que le côté créationniste est clair dans le résumé? En d'autres termes, est-ce que deux mentions de "création" et une de "créateur" sont suffisantes pour signaler à n'importe qui - pas seulement à ceux connaissent le sujet - la nature du créationnisme qui motive la position.
Voici ma critique, j'ai laissé quelques redondances d'avec la vôtre. De manière générale, je procède un peu comme vous avec un paragraphe qui s'attache au texte et un/des paragraphes qui commentent à un autre niveau:
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Un point de vue sceptique sur la théorie de l’évolution"
Omission notable: le point de vue est moins sceptique que dogmatique car il est subordonné à une
vision biblique fondamentaliste des choses.
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Alors que la question des origines de la vie est difficile, le développement de la démarche scientifique et l’avancement des sciences ont fortement alimenté la polémique entourant ce débat. Néanmoins, de nombreuses questions scientifiques demeurent toujours, celles-ci n’ayant pas été adéquatement répondues par la théorie de l'évolution."
Si le propos est globalement juste car trivial, la juxtaposition des deux phrases entraine une confusion entre abiogenèse et évolution, confusion entretenue par le terme "origine". S'il s'agit de l'origine des formes actuelles du vivant, la question tient de l'évolution donc est réglée scientifiquement parlant (sauf pour certains croyants). S'il s'agit de l'origine de la vie, c'est d'abiogenèse qu'il faut parler et, dans ce cas, il faudrait commencer par distinguer le vivant actuel des formes de vie (et de proto-vie) qui constituent cette "origine". Parler de la complexité du vivant actuel est prendre le résultat de près de 4 milliards d'années d'évolution pour l'origine de la vie. Disons que cela peut entrainer de gros biais d'interprétation.
Pour un religieux qui pense que la vie a été créée surnaturellement, sous une forme à peu près actuelle, il y a moins de 6 000 ans, la distinction entre évolution et abiogenèse ne se pose pas de manière aussi nette. Sauf que la biographie de l'auteur suggère une conférence scientifique.
"
Comment les premières cellules auraient-elles pu apparaître ? Comment peut-on concevoir le passage de la matière inanimée à la vie ? Comment est-ce que des systèmes complexes tels que la génétique moléculaire ou le système nerveux central auraient-ils pu se former graduellement ?"
Des tentatives pour répondre à ces questions, basées sur les
connaissances actuelles, existent dans la littérature scientifique*. Est-ce que le conférencier a tenté de présenter ce genre de réponse où s'est-il contenté de présenter "la complexité" comme si ces tentatives n'existaient pas vraiment? Je ne sais pas mais je doute fortement qu'il ait réellement mis du contexte. Cela parce qu'il mélange constamment évolution et abiogenèse:
"
En raison que la théorie de l'évolution se base sur certaines hypothèses très improbables, est-il possible que l’évidence scientifique nous mène à envisager une théorie différente qui fait appel à une création ? "
D'autre part, comme le terme utilisé est "évolution", voilà une franche
contre-vérité déguisée en affirmation factuelle: quelles sont donc ces "hypothèses très improbables"? La descendance avec modification ou la sélection naturelle, ou encore l'âge de l'univers? Tous ces faits sont pourtant confirmés par de très nombreux résultats expérimentaux.
S'il s'agit d'abiogenèse, la question des "hypothèses" demeure: quelles sont donc ces hypothèses "improbables"? En quoi s'intéresser aux propriétés de la matière ne pourrait générer de réponses à la question de l'origine de la vie?
Il faut par ailleurs relever que les double-standards créationnistes jouent à fond: la question de la "probabilité" n'est valable que pour les "hypothèses" (et faits) scientifiques. Mais, vu qu'il s'agit de suggérer qu'une action divine est une bien meilleure explication, il faudrait encore démontrer que l'existence du créateur est nettement moins improbable. Il faudrait démontrer que postuler cette existence permet d'apprendre quoi que ce soit sur les "origines de la vie" (que l'on ne présuppose pas déjà). Ce côté-là est escamoté même s'il sera quand même question du créateur dans la phrase de conclusion.
Le point 1 de la liste ne me semble pas trop problématique si on excepte l'exagération "le
gouffre séparant matière animée et inanimée ". Toutefois, j'ai l'impression que, ici comme ailleurs, Robichaud a été grandement muet sur les modèles scientifiques avancés pour expliquer l'abiogenèse. Après tout, sa conférence portait moins sur l'"évolution" que sur sa (pré)supposée impossibilité. Entretenir la confusion est un excellent moyen de construire des épouvantails.
"
Sachant que la théorie de l’évolution a été formulée dans un contexte où la structure et les mécanismes de la cellule étaient inconnus, quel est l’impact de l’avancement des connaissances sur ce débat ? Cette section vise non seulement la complexité cellulaire, mais également la nature, l’expression et la modification (mutations) de l’information génétique."
La manière de poser les choses laisse croire qu'il y a un problème. Sauf que, depuis des décennies, les connaissances modernes sur l'évolution intègrent le côté moléculaire à l'évolution. Et ce, sans véritable problème. Bien sûr, cela parfois demande de modifier notre compréhension des mécanismes évolutifs mais ces connaissances renforcent l'idée que l'évolution est un fait plutôt qu'elles ne l'affaiblissent.
S'il s'agit d'abiogenèse, il y a encore confusion persistante entre "formes actuelles" et "formes originelles" du vivant. Parler des mécanismes génétiques actuels pour prétendre qu'ils empêchent l'idée d'abiogenèse demande que l'on démontre préalablement que ces mécanismes étaient déjà présents aux "origines".
En plus, c'est sûr que si on fait l'impasse sur tout "avancement des connaissances" qui n'entre pas trop dans une vision biblique des chose, l'évolution (l'épouvantail brandi, plutôt) paraitra dépassée par comparaison. Mais pour ce faire, il faut rejeter beaucoup de ces progrès. D'ailleurs, ça nous amène au troisième point:
"
Comment est-ce que l’écart entre l’organisme vivant et la cellule peut être comblé sachant que l’organisme possède des caractéristiques qui dépassent celles de ses cellules constitutives ? Cette partie explore non seulement les caractéristiques propres à l’anatomie et à la physiologie de l’être supérieur, mais également de certains aspects (intellect, émotions) difficiles à réduire matériellement"
L'utilisation du terme "être supérieur" pour désigner l'humain dénote que le Robichaud n'a pas de bonnes notions en biologie et qu'il laisse parler sa foi (la "supériorité" provenant de la relation (amour-haine) avec dieu selon sa vision biblique des choses). L'humain n'est pas particulièrement supérieur aux autres animaux, sinon de part les propriétés intellectuelles que lui confère son cerveau élargi; cerveau qui est la matière à la base de ces "certains aspects" auxquels il est fait allusion.
Là encore, je doute que Robichaud a présenté correctement les connaissances scientifiques, si il a abordé le sujet évidemment. En a-t-il parlé autrement que sous la forme de l'argument par l'ignorance: "on n'a pas de réponse à telle ou telle question compliquée (présentée comme plus insoluble qu'elle ne l'est en réalité), alors arrêtons de chercher car la réponse est la magie du créateur"? On peut en douter.
De plus, l'être réellement supérieur ne devrait-il pas être le créateur? Et qu'est-ce qu'on en connait avec un minimum de certitude du créateur? Rien. Depuis plus de 2000 ans, pour en rester au seul christianisme, on n'a non seulement rien appris mais la divergence d'opinions s'est aggravée (
on peut en juger par le nombre de dénominations). Il est donc compréhensible que le conférencier évite le sujet délicat de l'existence du créateur. Mais, cela fait que la dernière phrase n'est pas intellectuellement très honnête:
"
Le but de la présentation n'est pas de présenter un créateur en tant que tel, mais de montrer les hypothèses derrière l'évolutionnisme et de présenter certains points en faveur d'une théorie de la création."
Il est parfaitement illogique de parler des "hypothèses derrière l'évolution" (dont il ne sera même pas vraiment question en fait**) si le but est de parler de la création. C'est juste que, chez de nombreux adeptes de cette vision religieuse des choses, le créationnisme se définit par son opposition à la science, une volonté anti-scientifique.
Pour reprendre les termes de
l'A.S.(sic)C.Q.:
"
Bienvenue! Pour ceux qui n'ont jamais entendu parler du créationnisme, il s'agit de la théorie qui trouve ses origines dans le livre de la Genèse et qui s'oppose à l'évolutionnisme."
Jean-François
* Un exemple parmi des milliers: Arendt D, Tosches MA, Marlow H (2016 )From nerve net to nerve ring, nerve
cord and brain — evolution of the nervous system. Nature Reviews Neuroscience 127: 61-72.
** Elles ont été qualifiées de "très improbables" c'est tout ce qu'il y a à retenir.