Miraye a écrit :Il faut choisir ? C'est une vraie question.
Je ne me sent pas trop incohérente à voir l'histoire comme plusieurs choses en même temps quand on regarde de différents point de vue. Un plan général pour le cadre (les sociétés entières mais aussi leurs environnements) qui (plutôt qu'une orientientation) rend certains points plus accessibles et probables que d'autres. Un plan serré avec les humains et les circonstances qui s'intriquent. Et d'un autre point de vue une succession de probabilités qui se réalisent dans un système "chaotique"...je ne sais pas je suis peut être un peu mêlée avec l'histoire.
Pour être honnête, je pose ici un débat profond d'historiographie et plus généralement en épistémologie des sciences sociales. Savoir si les sociétés humaines sont un modèle déterministe ou plus chaotique, savoir si les acteurs sont entièrement contraint par le contexte ou capable d'autonomie est une vieille question non résolue.
Cela dit, dans les deux cas, comme je l'ai dit, la question de Pepejul n'a pas grand sens et à plus sa place en littérature, dans le domaine de l'uchronie, où l'on postule à priori du récit que l'histoire est telle qu'on a tendance à la croire, à savoir qu'elle est le fait de grands acteurs privilégiés ou de grands évènements importants, qu'il suffit de modifier pour modifier l'avenir du tout au tout.
Quand à la question de Pepejul, je pense qu'il faudrai aussi définir de ce qu'on attend du pouvoir
Oui, aussi.
Pour compléter mon message précédent, et pour dissiper un éventuel malentendu, j'ai l'impression d'avoir compris ce que vous vouliez dire, la cohérence c'est d'appliquer le même référentiel aux choses "similaires"
Il n'y avait pas de malentendu. Mais c'est effectivement ce que j'essaie de dire. Evidement, je ne suis pas dupe du caractère utopique d'une telle rigueur intellectuelle, il faudrait alors lutter contre notre propre cerveau, qui est habitué faire l'inverse et puis la vie serait sans doute ingérable si on était parfaitement cohérent.
Je dis surtout que j'aimerais voir plus de soutiens et d'opposants à Castro se poser un peu plus de question de ce que ça dit sur eux même de le condamner ou de le révérés, surtout quand ils prétendent être leader d'opinion. Peut-on faire l'éloge d'un dictateur quand on est soit même démocrate sans, en quelque sorte, se trahir ? A l'inverse, si on est progressiste (même s'il faudrait définir le terme) peut-on commander en bloc un dictateur qui a un bilan qu'on peut (qu'on doit) discuter, mais qui à l'air d'être plus positif que négatif du coté du niveau de de vie des cubains ? Peut-on dénoncer la propagande et la guerre idéologique des USA sans prendre en compte les tentatives d'exports de la révolution cubaine et le risque que le bilan de Castro soit, au moins en partie, un village Potemkine ? De même, peut-on dénoncer le bilan de Castro sans tenir compte de l'hostilité des USA ?
Encore une fois, j'ai pas les réponses, j'aimerais juste que ceux qui prétendent choisir un camps dans la lutte mémorielle autour du Castrisme soit moins prompt à la sentence et un peu plus à l'interrogation sachant que l'histoire n'a pas rendu son verdict et que même quand elle le fera, ça sera à chacun d'en tirer une position morale.
Je sais ça fait très préchi-précha et eaux tièdes comme position, mais ça m'agace de voir trop de personne oublier qu'il fut un dictateur pour vanter son bilan social et trop de personne oublier qu'il fut un dirigeant cubain en pleine guerre froide quand il s'agit de le condamner. Même si à titre personnel, étant démocrate, j'aurais du mal à l'absoudre, quand bien même son bilan serait aussi mirifique que nous le vante la propagande d'Etat cubain.
ma question (vraiment innocente) est : Est il plus efficace en histoire de choisir une grille de lecture "majoritaire" plutôt que d'avoir plusieurs grilles de lecture que l'on applique suivant le contexte, point de vue ?
Comme dit au dessus, il y a un vieux débat en science humaine, pour savoir si l'individu est acteur ou pas et donc si les sociétés doivent être vu comme une somme d'individu dont le collectif est une propriété émergente ou si elles sont un élément à la base émergeant, mais qui a si bien conditionnés les individus que leurs individualités peut être considéré négligeable et la société prise comme un ensemble.
Les deux approches ont leurs adeptes dans toutes les sciences humaines, avec des résultats des deux cotés, donc il n'y a pas vraiment de grille de lecture parfaite. Pour l'histoire spécifiquement, par exemple, les historiens annalistes en France (héritiers de l'histoire marxiste et inspiré à la base par la naissance de la sociologie et de l'économie comme science sociale) sont plutôt dans une approche "majoritaire", où l'individu est un point dans la foule et où c'est la foule qu'on étudie pour faire l'histoire, en mettant l'évènement comme le degré le plus petit de l'étude et le temps long, celui de la géographie et des civilisations, au sommet, avec entre les deux le temps des sociétés, un temps plus sociologique, chaque niveau contraignant le suivant, si bien que l'évènement n'est que d'une importance très relative face aux invariants du temps long.
A l'inverse, d'autres courants, comme la micro-histoire (à l'origine italienne), inspirées par certaines méthodes de l'anthropologie et certains apports de l'archéologie, étudie plutôt les individualités comme témoin d'une époque et considère qu'il faut redonner du crédit à l'évènement comme élément signifiant.
A mon sens, il n'y a pas de meilleure approche, même si elles sont un peu contradictoire dans leurs principes et manière de voir l'histoire. Les deux ont des lacunes et des avantages, ça dépend du sujet d'étude et de l'angle de recherche. Ca dépend aussi grandement de l'abondance des sources.
Mais on s'éloigne un peu de Castro là

This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)