Kraeplin a écrit :En effet, nous disposons d'échelles objectives fondées sur le développement. Par exemple, l'échelle qualitative de Piaget: sensorimoteur, préopératoire, opératoire concret, opératoire formel.
Encore faut-il démontrer que "le développement" est une valeur objective et que le choix de s'en servir comme étalon d'une morale ou d'une culture est également un choix objectif. Personnellement, j'en doute fort.
In fine, la vie n'ayant pas de but, tout jugement de valeur qui se veut objectif se retrouve miné par des problèmes de régressions infinies ou de limite arbitraire qu'on tentera de camoufler.
Je ne dis pas ça pour faire valoir un relativisme, mais prétendre que la science peut réellement déterminer objectivement la valeur de la culture et l'étalon de la morale, c'est plus faire du scientisme que faire de la science.
Je suis profondément, et depuis longtemps, allergique au racisme, mais avec le temps je deviens également allergique à l'angélisme

qui cherche du racisme partout et nous interdit de porter un jugement critique à propos des conduites, des croyances ou des valeurs propres à d'autres groupes culturels.
Le problème de ce discours, qui est sans doute juste, c'est que c'est qu'il est souvent compliqué de différencier ceux qui revendiquent authentiquement une philosophie universaliste et critiquent donc les autres cultures pour promouvoir ce qu'ils estiment être un progrès, et ceux qui se servent de ce discours pour camoufler une volonté de hiérarchie justifiant la domination des un sur les autres et les discriminations.
A mon sens, l'angélisme il n'est pas que d'un seul coté.
Il est effectivement parmi les adeptes de ce qu'on appelle, sans doute un peu facilement, la bien-pensance ou le politiquement correct, qui préfère condamner tout azimut par peur de donner de la voix à ceux qui avance masqué, au risque de devenir oppresseur de la liberté de pensée et de s'exprimer.
Mais il est au moins autant parmi ceux qui vont contre ce politiquement correct au nom d'une liberté individuelle de critiquer et parce qu'ils refusent un trop grand relativisme, mais qui refuse de voir qu'il y a nombre de monstre tapis dans l'ombre de cette critique, qui n'attendent que de s'emparer de sa légitimité pour promouvoir tout sauf des idées de progrès et des valeurs universelles.
Pour faire une métaphore un peu moisi

, il me semble aussi naïf de croire que mettre des digues fait disparaître l'eau, que de croire qu'on ne risque pas l’inondation si on les enlève.
uno a écrit :
Le problème est que ce qu'on appelle la gauche régressive et son influence, semble réellement avoir castré nos société occidentales dans la confiance et la supériorité que l'on devrait accorder à certaines valeurs fondamentales.
Je ne pense pas qu'on puisse faire porter uniquement cette évolution à la gauche, qu'il faudrait d'ailleurs définir (on voit aujourd'hui, du moins en France, au travers du procès en vrai gauche que se font différent courant politique, à quel point il n'y a aucune définition de consensus. Cela dit, hormis pour de brêve période d'union, il n'y en a jamais eu en réalité).
Je reviens à la colonisation, mais il ne faut pas oublier que l'universalisme et l'idée de progrès, ça engendre aussi bien l'émancipation politique des citoyens face aux monarchies et aux Eglises que l'excuse de la mission civilisatrice au service d'intérêt impérialiste.
On a vécu une longue phase d'hégémonie européenne et américaine sur le monde, où l'on pouvait d'autant plus facilement se permettre d'être persuadé de la supériorité de nos valeurs qu'il n'y avait aucune opposition crédible.
Mais la situation a changé. Les victimes de nos excès nous renvois nos crime à la figure, les autres partis du monde entendent elles aussi faire valoir d'autres valeurs et nous mêmes, au nom de certaines de ces valeurs, nous avons entrepris de faire la critique de leurs excès et de leurs bienfaits.
La phase de doute n'est pas née de la gauche, ni d'hier, elle est inhérente à des sociétés qui se sont construit sur un modèle d'universalité parfois impérial et qui voit cette croyance mise à mal par l'effondrement de l'empire. On oscille donc entre repli, nostalgie, déni, culpabilité, acceptation maladroite et tentative de réaffirmation différente de nos valeurs.
Si la gauche que vous dénoncez s'enferme dans un relativisme qui ne défend plus rien d'autre qu'un statu-quo qui ne satisfait personne, une certaine droite s'enferme dans un déni du changement et un rejet du monde qui se traduit par l'idée que les doutes sur nos idéaux ne sont que des intrusions extérieures, presque microbienne, et qu'il suffirait de purifier la société pour revenir au fondamentaux, quitte à abandonner l'universalité de ceux-ci et à promouvoir la civilisation pour ceux qui sont civilisés et rejeter à la frontière la barbarie.
D'une certaine manière, l'histoire se répète et il y a quelque chose de très religieux dans les réponses qu'on apporte à ce malaise culturel. Les religions aussi, quand il y a des périodes de crises, voit s'affronter les partisans du maintien d'un statu-quo parfois oppressif et ceux qui veulent régénérer la foi en revenant à une forme de pureté idéologique, quitte à laisser sur le carreaux tout ceux qui seront hérétique selon cette pureté.
Amusant, d'ailleurs, on s'inquiète des crises internes de l'Islam, partagé entre adepte du consensus mou et intransigeants agressifs, mais la lutte actuelle en Europe entre la sociale démocratie mourante de ses contradictions et l'extrémisme, souvent de droite, prêt à rejeter à la mer ceux qui ne sont pas assez pur pour leurs visions fantasmées de la nation harmonieuse et revivifiée, n'est pas sans analogie possible.
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)