je me permets de poster ceci, écrit hier :
L’avortement, l’ADN, l’humanité…et les levures.
C’est un argument régulièrement avancé par les individus qui s’opposent au droit à l’avortement (qui se qualifient de « pro-life »/ « pro-vie » alors que les faits montrent l’inverse) que de dire « le fœtus est un individu à part entière, il a de l’ADN humain, c’est un humain à part entière ! »
Il y a donc l’idée que tout individu avec un génome humain serait ontologiquement (oui, j’adore ce mot) et surtout biologiquement un humain à part entière.
Mais il faut savoir qu’en biologie, l’individu ne commence pas au zygote et ne s’arrête pas au parent. En effet, l’individu est une part d’un cycle. Dans le cas humain, ce cycle est – fonctionnellement et temporellement déséquilibré vers le stade dit « diploïde », c’est-à-dire avec deux exemplaires de chaque chromosome (stade dit « 2n »). Vous qui lisez ce message et moi qui l’écris avons tous deux exemplaire de chaque chromosome, sauf les chromosomes sexuels pour les hommes (et un autre chromosome dont je ne parlerais pas). Nos gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) présentent en revanche un seul exemplaire de chacun de nos 22+1 chromosomes !
Néanmoins, en observant la nature, on comprend que cette définition de l’individu est restrictive. Chez pas mal d’espèces, comme certaines levures, le cycle n’est pas si déséquilibrés. Les individus haploïdes ont une vie propre, ils se nourrissent, respirent peuvent se reproduire… et, parfois, le stade diploïde peut être transitoire …voire absent ! Et on dans ce cas, c’est juste une fusion de deux individus, ce qui permet de brasser leurs gènes.
Vous pourriez alors me dire « oui, mais nous ne sommes pas des levures ». Ce à quoi je vous répondrais « parles pour toi, eyh, champignon troglodyte ! »…euh.
Le problème, c’est que nos gamètes…vivent également. Elles consomment des nutriments dans leur environnement, y rejettent des déchets, respirent…De fait, biologiquement parlant, les gamètes sont des individus humains autant que vous et moi. Et nous sommes la fusion de deux individus qui nous ont précédés et qui ne sont pas nos parents.
Et vous vous dites « oui, mais les gamètes ont juste une copie de l’ADN des parents ! Troglodyte toi-même ! ». Sauf que non. On vous a peut-être expliqué pendant vos cours de biologie de collège/lycée que c’était juste une moitié des chromosomes, mais dans les faits, l’ADN des gamètes n’est JAMAIS juste la moitié de l’ADN du parent. En effet, les effecteurs cellulaires qui manipulent l’ADN font TOUJOURS des erreurs. En changeant des bases, en inversant des bouts de chromosomes, voire en copiant… Même génétiquement, les gamètes sont des individus à part entière.
En d’autres termes, prétendre s’appuyer sur une définition biologique de l’individu pour dire que l’avortement est un meurtre revient – et sans exagération ! – à considérer que l’ovulation sans nidation est une non-assistance à personne à danger (ouais, les « règles ». Mais c’est plus classe dit comme ça) et la masturbation masculine de véritables génocides. Car dans ces cas ce sont bien des individus qui disparaissent.
S’attacher à vouloir la survie d’un individu sous prétexte qu’il est humain avant même qu’il ait l’équipement physiologique nécessaire pour ressentir, penser, souffrir, rêver….revient donc à tracer arbitrairement une limite dans un cycle et, là encore, supposer une essence à l’être qui arriverait à partir du moment où deux individus fusionnent…
Si ce n’est pas l’âme, qu’est-ce que c’est ?
Et, au risque d’être sec (à défaut d’être sexe) l’âme est un concept philosophique sans rien de tangible. Donc irrationnel. En soit, libre à chacun de croire en des choses irrationnelles. Mais l’ennui, c’est lorsqu’au nom de cette croyance irrationnelle, on lutte pour restreindre les libertés d’autrui. Et, plus encore, lorsqu’on attente à la vie humaine. Celle qui dépasse juste l’individu défini uniquement génétiquement
A contrario, les femmes qui ont recours à l’avortement, objectivement, sont capables de rire, rêver, ressentir, souffrir…mais ça sera l’objet de mon prochain message sur le sujet.