Bonjour loupa. En préambule, je tiens à dire que tu as toute ma sympathie, que je n'ai pas assez étudié la question pour avoir une opinion sur ces syndromes et qu'en tant que techno-utopiste je ne peux que comprendre la frustration face aux réaction du type "Et comment tu ferais dans un monde post-apocalyptique?" :-)
Loupa a écrit :Par exemple, dans le domaine des troubles de l'apprentissage,
Note que dans le domaine, une bonne dose de scepticisme est tout de même inévitable. Les études expérimentales sont difficiles et longues à mener, de vieilles idées subsistent très longtemps dans la profession, et les personnes qu'un diagnostic imparfait a tout de même aidé vont le défendre bec et ongle s'il est remis en cause.
Ajoute à ça qu'il est très tentant pour des praticiens ou labos peu scrupuleux de créer de toute pièce un diagnostic, un syndrome, accompagné d'un remède miracle. Ajoute également que notre société intègre une bonne dose d'idéologie méritocratique et que cela fait de l'apprentissage et de l'éducation un étalon de la valeur d'une personne dans la société et tu as une recette explosive pour dérégler les compas du scepticisme!
L'étude de l'apprentissage, c'est un domaine dur, contre-intuitif et sensible. Je suis souvent très critique aussi quand j'entends des pédiatres extrapoler en conseil à la population des résultats anecdotiques mais je me souviens aussi qu'ils font ce qu'ils peuvent dans un domaine où on a très peu de certitudes.
Loupa a écrit :« Si j'en ai pas besoin, c'est le cas aussi de toi. »
J'ai souvent lu ça dans les témoignages de personnes qui ont un handicap peu visible et qui semblent tout a fait fonctionnel dans certains aspects. Dire "articule!" à un bègue, "vois le bon coté des choses" à un dépressif, "concentre toi" à une personne ayant des troubles de l'attention, ça ne marche pas mais c'est pourtant l'instinct qu'on a tous.
C'est assez triste car pour le coup, c'est notre propension à l'empathie qui nous induit en erreur: on se met à la place de la personne (c'est la définition de l'empathie) et on lui conseille ce que nous ferions en pensant réellement l'aider.
Loupa a écrit :Une professeur en histoire, pourtant bien renseignée sur le caractère nocif de la pauvreté, est intervenue auprès de moi, après que je lui ai expliqué mon problème de dysgraphie ou de dyspraxie, pour me dire, suite à mon argument qui était : « C'est comme la personne aveugle. Cette dernière doit avoir des moyens pour pallier ses handicaps ou des personnes à qui elle peut se confier et être capable de vivre selon ses compétences avec de l'aide. »
Ceci : « On va pas se mettre à faire tous les livres en braille pour elle ! Elle doit s'habituer à vivre aveugle car les autres ne feront pas tout à sa place. »
Hé hé, ça ressemble à de la rationalisation. Je soupçonne que tu lui proposais quelque chose comme la possibilité de rendre des devoirs sous forme numérique quand elle t'a répondu ça? Ça la forçait à faire plus de boulot pour traiter ton cas particulier. Si elle admet que ton argument est correct, il devient injuste pour elle de te refuser un traitement adapté mais elle se révolte car elle sent injuste que ce soit à elle de faire un effort supplémentaire pour un seul élève alors qu'une autre distribution aléatoire lui aurait donné une classe ne demandant pas ce travail supplémentaire.
Elle n'a d'ailleurs pas tort, mais mettre dans la balance cette injustice qu'elle subit contre celle que tu lui demandes de reconnaître, c'est s'exposer à un concours d'injustices et à la suspicion que sa vraie justification soit la paresse. Du coup elle prend le premier argument qui passe et elle le balance. D'ailleurs son affirmation est correcte: il serait injuste de forcer à tout le monde d'apprendre le braille mais c'est juste à coté de la plaque dans ce cas particulier.
Loupa a écrit :Surtout, ces handicaps invisibles (dyspraxie, dysgraphie, dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, TDA/H, etc.) sont remis en doute par des personnes... qui ont étudié à l'université !
Quelque part, c'est plutôt logique: le statut d'un universitaire vient en grande partie de sa capacité à étudier avec ténacité des sujets difficiles. Dire qu'il faut tolérer à certains des erreurs ou des difficultés qu'on ne leur passerait pas à eux menace leur statut, ouvre à des possibilités de triche et leur semble injuste (encore une fois à cause de cette fameuse empathie!). C'est un raisonnement inconscient, mais je pense qu'il est assez fort et dur à combattre.
Moi même, quand je reçois des mails d'un ami dyslexique, j'ai du mal à ne pas penser "il pourrait faire un effort quand même!" mais je me force alors à me souvenir que s'il sait écrire un texte sans faute, ça lui demande un effort immense et de nombreuses relectures. Si j'ai du mal à accepter ça de mon ami dont je connais la condition, j'imagine l'enfer que ce doit être face à des inconnus qui ne connaissent pas ce handicap!