ABC a écrit :Quand il y a eu téléportation de l'état quantique d'un système sur un autre système (un autre système identique du point de vue de sa structure. A ce jour on sait téléporter, par exemple, l'état de polarisation d'un pôvre et unique photon sur un autre photon), le nouveau système a exactement l'état quantique de celui qui a été télécopié. Par contre, l'information relative à l'ancien système n'est plus disponible.
Nicolas78 a écrit : 01 mai 2018, 23:03Ha bon ? Ok ! mais alors, qu'entend tu part "ne serait plus disponible" ? La mort physique (le corps d'origine existe encore) ? Ou une disparition pure et simple durant le transfert ? Nan parce-que, un transfert dit "ressuscité", ça me parait un peut exagéré nan ?
Le mieux pour répondre à ta question, c'est de rentrer encore un peu plus dans le détail de la téléportation de l'état de polarisation du photon A2 détenu par Alice sur l'état de polarisation du photon B détenu par Bob EPR corrélé au photon A1 d'Alice (cf. Protocole de téléportation quantique ).
Avant téléportation, l'état du qubit A2 d'Alice (l'état de polarisation du photon d'Alice dont on veut téléporter l'état de polarisation sur le photon B de Bob EPR) s'écrit :
psi_A2 = alpha /0> + bêta /1> (1) où, selon la convention usuelle dans la représentation de cette polarisation sur la sphère de Poincaré :
- /0> désigne la polarisation circulaire droite (représentée par le pôle sud)
- /1> désigne c'est la polarisation circulaire gauche (représentée par le pôle nord).
Si on faisait des mesures de polarisation circulaire de photons tous dans l'état quantique psi_A2
- /alpha/² serait la fréquence avec laquelle le résultat de mesure de polarisation circulaire obtenu serait un état de polarisation circulaire droite
- /bêta/² serait la fréquence avec laquelle le résultat de mesure de polarisation circulaire obtenu serait un état de polarisation circulaire gauche.
- Alice fait d'abord interagir son photon A1 (celui qui est EPR corrélé au photon de Bob) avec le photon A2 dont elle veut télécopier l'état (sur le photon B de Bob),
- Elle réalise ensuite une manipulation appelée opération d'Hadamard (2) sur son photon A1,
- Elle réalise enfin une mesure dite de Bell sur sa paire de photons (A1, A2).
- soit l'état /0> (pour A1) /0> aussi (pour A2)
- soit l'état /0> /1>
- soit l'état /1> /0>
- soit l'état /1> /1>
A l'issue de cette mesure de Bell, du point de vue d'Alice, l'état du photon de Bob se retrouve instantanément :
- soit dans l'état α|0⟩ + β|1⟩
- soit dans l'état β|0⟩ + α|1⟩
- soit dans l'état α|0⟩ − β|1⟩
- soit dans l'état β|0⟩ − α|1⟩
...Et pourtant, dès que Bob reçoit le résultat de mesure de Bell d'Alice un peu plus tard (par voie classique, en se trainant à la vitesse maximale de la lumière), Bob a juste une petite opération a réaliser sur son photon B pour le remettre dans l'état α|0⟩ + β|1⟩ initialement occupé par le photon A2 :
- soit rien
- soit sigmax
- soit sigmay
- soit sigmaz
Bref, c'est en ce sens que Bob a, par son action, ressuscité (réincarné serait une terminologie plus appropriée en fait) le photon A2 "mort" par dislocation du côté d'Alice à l'issue de la mesure de Bell réalisée par Alice sur sa paire (A1, A2).
J'en profite pour soulever une petite question qui me vient, question à laquelle je ne trouve pas de réponse immédiate au moment où je l'écris. Je viens de prétendre que l'information initiale sur l'état du photon A2 n'est pas vraiment objectivement perdue. Elle est seulement complètement mélangée avec Alice, son appareil de mesure et son environnement. Mezalor, qu'advient-il du no-cloning theorem affirmant qu'il n'est pas possible de cloner un état quantique ?...
...Bon ben finalement j'ai la réponse. Les coefficients alpha et bêta sont, certes, toujours présents dans l'état quantique superposé de la paire de photons d'Alice, de l'appareil de mesure de Bell, d'Alice et de son environnement...
...mais personne ne peut récupérer ces coefficients car on ne sait pas mesurer la fonction d'onde (le vecteur d'état quantique en termes plus corrects) d'un système quantique unique. Ce que l'on mesure, c'est la fonction d'onde que prend ce système à l'issue de la mesure réalisée.
(1) Les autres polarisations se positionnent sur la sphère dite de Poincaré (ou sphère de Bloch). L'état d'un qbit que se soit :
- l'état de polarisation d'un photon,
- l'état de spin d'un électron,
- l'état fondamental ou excité d'un quelconque système quantique quelconque à deux niveaux,
(2) L'opération d'Hadamard (réalisée par une porte d'Hadamard) transforme (opération unitaire, donc sans perte d'information) :
- les qubit d'état /0> en (/0>+/1>)/2^(1/2),
- les qubit d'état /1> en (/0>-/1>)/2^(1/2).
(3) Du point de vue d'un observateur éloigné de la mesure de Bell réalisée par Alice et de son environnement (environnement contenant toujours toute l'information), l'ensemble paire de photons + appareil de mesure de Bell + Alice + son environnement est dans un état quantique superposé. Cet état quantique superposé est la somme de 4 états quantiques. Chacun de ces 4 états est associé à l'un des 4 résultats de mesure de Bell évoqués.
Mezalor, quand la mesure est-elle définitivement terminée ? Quand la mesure de Bell a-t-elle donc donné, objectivement, pour tout observateur, un résultat de mesure unique bien déterminé et non une superposition de résultats (et une superposition d'états de l'observateur, de son appareil de mesure et de leur environnement en raison du phénomène, réversible comme tous les autres, de décohérence) ?
Selon le point de vue majoritaire, le point de vue selon lequel l'information se conserve contre vents, marées et trous noirs, les évolutions de systèmes physiques sont toutes systématiquement unitaires et de ce fait déterministes, isentropiques et réversibles. Une mesure quantique n'est donc jamais objectivement terminée. En particulier, elle est terminée pour Alice alors qu'il n'en est rien pour Bob si l'on en croit la causalité relativiste et, plus généralement, si l'on est convaincu que les symétries qui fondent notre physique à un niveau fondamental (tout particulièrement la symétrie CPT et les symétries de jauge associées aux 4 interactions fondamentales) présentent un caractère plus fondamental que la fuite d'information à l'origine des évolutions irréversibles base de l'écoulement irréversible du temps.
(4) Selon le point de vue positiviste (majoritaire), du côté de Bob, la fonction d'onde de la paire de photons EPR corrélés (A1, B) (qu'il partage avec Alice) n'a pas changé d'un iota. Ce qui est marrant c'est que, malgré ce, quand Alice et Bob se rencontrent, ils n'ont jamais le moindre désaccord. L'intersubjectivité est parfaitement respectée. C'est bô l'amour !...
...Mais loin des yeux, loin du coeur ! Quand les actions d'Alice et de Bob sont séparés par un intervalle de type espace, chacun a sa fonction d'onde personnelle pour représenter la même paire de photons EPR corrélés. J'ai encore un peu de mal à avaler ça, et c'est pour cette raison que je préférais, par le passé, admettre que l'effet EPR violait l'invariance de Lorentz en cachette (envisageant ainsi que c'était l'invariance de Lorentz qui était une émergence thermodynamique statistique plutôt que l'écoulement irréversible du temps). Bon... EPR s'en sort, à ce jour, avec un non lieu. Il a d'excellent avocats je dois dire.
PS : je ne sais pas bien qui on doit féliciter, mais je reste scotché par la quantité et la qualité des informations que l'on parvient à trouver en math et en physique sur wikipédia.