John Difool a écrit : 21 juil. 2018, 15:42Dans le cas du dé, ne trouves-tu pas qu'il est
raisonnable de considérer que les seules forces qui s'exercent sur lui lors de son lancer sont celles décrites par la mécanique newtonienne. Et que par conséquent, les équations qui régissent le système S seront de la forme :
\(\frac{\partial S(t, X)}{\partial t} = F(S(t,X)) \)
Ce qui,
par définition d'un système déterministe qui t'a été proposé plusieurs fois, à savoir : "système dont l'état futur est la conséquence seule de l'état présent", implique
directement que le mouvement du dé est déterministe. J'insiste là dessus : TOUTES les équations qui ont la forme ci-dessus sont déterministes PAR DÉFINITION.
Et il s'avère que, même en physique quantique, la loi d'évolution de l'état quantique d'un système isolé est régie par une équation déterministe...
- Oui mais cette équation d'évolution concerne une grandeur non observable : l'état quantique (1).
- ce qui est observable, le résultat d'une mesure quantique, ne respecte pas le caractère déterministe d'une telle équation d'évolution.
Toute notre physique, qu'elle soit micro ou macroscopique est, à un niveau fondamental, régie par la physique quantique.
John Difool a écrit : 21 juil. 2018, 15:42J'ai l'impression que la critique que tu nous fais (tu me corrigeras si je me trompe), est qu'on ignore si les forces du cadre de la mécanique Newtonienne qui s'exercent sur le dé sont bien les seules à considérer.
Ah non ! On ne l'ignore pas du tout. On sait très bien que le cadre Newtonien est, certes très utile et tout à fait suffisant dans bon nombre d'applications pratiques, mais que, fondamentalement, en l'état actuel de nos connaissances (et non selon nos connaissances de la fin du 19ème), le cadre correct est celui que nous offre la physique quantique.
Cela dit, la discussion déterminisme/indéterminisme est subtile. Certains physiciens (pour la plupart dans le camp minoritaire des réalistes) continuent à préférer croire en une sorte de déterminisme un peu caché. En effet, cette discussion passe par une interprétation de la notion d'état quantique encore en débat.
Toutefois, le caractère observable du déterminisme (l'aptitude à faire des prédictions de plus en plus proches des résultats d'observations) est désormais considéré comme un combat perdu. Il ne s'agit pas du fait que la majorité des systèmes physiques est régie par le chaos déterministe. En effet, du moins dans le cadre de la physique classique, la possibilité de réaliser des prédictions valides sur des durées de plus en plus grandes par rapport au temps de chaos d'un système régi par une dynamique du chaos déterministe reste ouverte (du moins au plan du principe). Il suffit en effet pour cela de recueillir une information de plus en plus précise sur l'état initial du système considéré.
Ce qui tue l'observabilité d'un déterminisme éventuel, c'est le caractère non commutatif de l'algèbre des observables (alors que l'algèbre des observables est au contraire commutative en physique classique). Ce caractère non commutatif exprime un fait d'observation étroitement relié à la
constante de Planck et aux
inégalités de Heisenberg qui la font intervenir.
Les inégalités de Heisenberg modélisent, en fait, une limitation d'accès à l'information conjointe sur des grandeurs non simultanément observables telles que la position et l'impulsion d'une même particule (ou encore le spin horizontal et le spin vertical d'un même électron). Il est (définitivement ?) établi (par les lois de la physique connues à ce jour) que nul observateur ne peut avoir accès à suffisamment d'information pour pouvoir prédire avec une précision de plus en plus grande le résultat d'une mesure quantique.
L'état quantique d'un système donné observé par un observateur donné, modélise la
connaissance maximale que cet observateur puisse acquérir concernant l'état de ce système. Cette information est insuffisante pour faire des prédictions déterministes.
Il me semblerait, d'ailleurs, que cette limitation d'accès à l'information est requise aussi pour rendre compte de l'écoulement irréversible du temps. En effet, l'écoulement irréversible du temps entre en conflit avec le caractère unitaire, donc déterministe et réversible (c'est à dire isentropique, c'est à dire encore sans perte objective d'information) des évolutions quantiques.
En particulier, la mesure quantique, l'archétype des évolutions irréversibles, n'est pas, selon nos connaissances actuelles, une évolution quantique. La violation d'unitarité et la perte d'information à laquelle elle donne lieu la situe en effet, à ce jour, hors de ce cadre. Si l'indéterminisme connu à ce jour est interprété comme une illusion (interprété comme tel en raison du caractère relationnel de l'information forcément incomplète détenue par un observateur sur un système donné), nous sommes conduits à admettre que l'écoulement irréversible du temps est lui aussi une illusion.
Une autre façon de voir les choses consiste à cesser de croire en une sorte de réalité objective, inobservable, indépendante de l'observateur (interprétation réaliste) et à accepter de considérer notre connaissance des systèmes observables et des lois de la physique comme de simples outils d'inférence statistique (interprétation positiviste, cf. les Fuchs, Peres, Rovelli et consort). Je n'ai pas encore fini de me faire une religion à ce sujet. Les travaux de Petrosky, Prigogine, Gadella, Bohm, De la madrid (des réalistes, mais, bien que réalistes, ces physiciens là croient, sauf feu David Bohm, en un indéterminisme et une irréversibilité objectifs) méritent d'être étudiés et analysés avec le respect qu'ils méritent.
(1) On ne sait pas observer l'état quantique qui serait possédé par un système indépendamment de toute notion d'observateur
probablement parce qu'un état quantique n'est pas une grandeur propre à un système observé mais, selon une interprétation à ce jour plutôt majoritaire parmi les physiciens (me semble-t-il), une information détenue par un observateur relativement à un système observé avec lequel il est en interaction.