Non-localité ? Éclairez-moi de vos photons...

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Re: Non-localité ? Éclairez-moi de vos photons...

#26

Message par ABC » 28 oct. 2018, 15:09

jean7 a écrit : 28 oct. 2018, 12:47Donc quand Alice tire à pile ou face, elle a pile une fois sur deux.
Oui, mais ne pas oublier que chaque expérience est recommencée avec une nouvelle paire de pièces EPR corrélées. Une fois qu'Alice a obtenu (dans une expérience fictive menées avec des spin 1/2 EPR corrélés. C'est plus facile à expliquer qu'avec des photons de spin 1) un spin vertical up, si elle remesure ce même spin vertical, elle le trouvera up.

Si Alice réalise ensuite une mesure de spin horizontal sur cette même particule, elle pourra trouver indifféremment un spin right ou un spin left. Et bien sûr, si Bob réalise une mesure de spin horizontal de son côté, il n'y aura alors plus aucune corrélation avec le résultat trouvé par Alice (même si Bob n'a pas réalisé préalablement de mesure de spin vertical). La corrélation entre les deux "pièces de monnaie" est détruite dès qu'elle a été utilisée une seule fois.
jean7 a écrit : 28 oct. 2018, 12:47Si Alice obtient pile, Bob obtient face.
Oui, mais à condition qu'ils plaquent leur pièce sur un plan incliné de la même façon des deux côtés
jean7 a écrit : 28 oct. 2018, 12:47Et si Bob rejoue... il obtient face tant que Alice ne rejoue pas ou obtient des piles ?
Alice et Bob ne rejouent pas une deuxième paire de pièces EPR corrélées.
jean7 a écrit : 28 oct. 2018, 12:47Ou bien c'est la première jouée qui "dirigera" à jamais la seconde ?
En fait, aucun des deux plaquages de pièce ne dirige l'autre. Que Alice plaque sa pièce avant ou après Bob (au sens de l'ordre temporel d'un quelconque référentiel inertiel) Alice et Bob obtiendront toujours pile d'un côté et face de l'autre s'ils plaquent leur pièce sur un plan incliné de la même façon des deux côtés.

Si on préfère supposer que le changement d'état de la pièce d'Alice a un effet causal instantané sur la pièce de Bob quand Alice plaque sa pièce avant que Bob ne plaque la sienne au sens d'un ordre temporel relatif à un référentiel inertiel privilégié (interprétation réaliste de la fonction d'onde) alors on doit considérer que la mesure quantique de spin d'une des deux particules d'une paire de particules de spin EPR corrélés fait intervenir l'ordre temporel d'un référentiel inertiel privilégié, donc viole le principe de relativité du mouvement.

Cette interprétation réaliste (de Bohm, Bell, Popper, Bricmont..) est très minoritaire. Elle consiste :
  • à préférer considérer l'interprétation réaliste de la fonction d'onde (voir la fonction d'onde comme représentant un champ physique étendu, objectif, apte à "décrire la réalité objective", changeant instantanément et objectivement d'état quand Alice fait sa mesure, et non, au contraire, comme un simple outil d'inférence statistique apte seulement à fournir de bonnes prédictions et modélisant la connaissance de l'interaction entre un observateur et la réalité observée)
  • à accepter, dans ce but, de considérer l'invariance de Lorentz comme une émergence statistique.
jean7 a écrit : 28 oct. 2018, 12:47(les guillemets pour dire qu'il ne s'agit pas de prétendre un pouvoir d'une pièce sur l'autre mais juste de décrire l'ordre dans lequel les choses se passent)
Quand les mesures de spin d'Alice et de Bob sont séparées par un intervalle de type espace (instant d'arrivée, chez Bob, d'un rayon lumineux émis lors de la mesure d'Alice postérieur à la mesure réalisée par Bob) il n'y a pas d'ordre temporel absolu entre les deux mesures. Tant que le principe de relativité du mouvement (l'invariance de lorentz) tient la route, une mesure réalisée par Alice peut être jugée antérieure à celle réalisée par Bob dans un référentiel inertiel et au contraire postérieure dans un autre.

En RR, l'ordre temporel entre deux évènements séparés par un intervalle de type espace est relatif.

Géométriquement, les hyperplans de simultanéité d'un référentiel inertiel sont "penchés" par rapport aux hyperplans de simultanéité d'un autre référentiel inertiel. C'est un aspect géométrique de l'espace-temps de Minkowski que richard n'a toujours pas réussi à comprendre au bout de deux ans d'explications patientes.

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#27

Message par curieux » 28 oct. 2018, 15:33

Edit croisement à Jean 7 : si si, c'est bien ça, un état corrélé ou intriqué est un état que la distance ne permet pas de séparer, si la paire est [+ ou -1/2](*) alors quelque soit le tir, le recepteur constatera un résultat complémentaire du tireur.

1- Il n'y a pas d'équivalent en mécanique classique. (exemple, si je tire deux boulets de canon en sens opposé, ce qui arrive à l'un n'arrive pas à l'autre, c'est une coincidence, un tir double, pas une corrélation.)
2- En chimie quantique, les deux électrons de l'atome d'Hélium sont corrélés, si je mesure le spin de l'un comme étant +1/2 alors l'autre est forcément de -1/2, mais comme ils ne sont pas localisables alors une seconde mesure donnera n'importe quelle autre paire de résultats et jamais deux fois +1/2 ou deux fois -1/2.
A notre echelle, les expériences de Bob et Alice sont de la vulgarisation qui ne font que mettre en évidence ce qui se passe au niveau quantique...

Tout le problème consiste à produire 100% d'états corrélés, dans la pratique il y a un pourcentage de ratés, ce qui complique encore les mesures.

(*) et si on parle photons alors on a les deux sens de polarisation (horaire et anti-horaire).
Comme déjà dit, je ne sais pas si on sait envoyer en continu un flot d'un seul de ces états, c'est le but de la manoeuvre de la transmission sécurisée quantique, à ma connaissance on en est loin.
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#28

Message par ABC » 28 oct. 2018, 15:52

curieux a écrit : 28 oct. 2018, 15:33Edit croisement à Jean 7 : si si, c'est bien ça, un état corrélé ou intriqué est un état que la distance ne permet pas de séparer, si la paire est [+ ou -1/2](*) alors quelque soit le tir, le recepteur constatera un résultat complémentaire du tireur.
Je sais que ça fait beaucoup d'information d'un seul coup pour jean7, mais il me semble important de rajouter : à condition qu'ils mesurent chacun leur spin selon la même direction,

Si on laisse de côté ce complément d'information (pour diminuer la quantité d'information à assimiler) alors, à tous les coups, l'interprétation qui vient naturellement à l'esprit c'est celle de l'interprétation (réfutée) à variables cachées locales, l'idée qu'un spin est parti pile et l'autre est parti face (alors qu'il y a pile ou face vertical, pile ou face horizontal, pile ou face à 45°...).

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#29

Message par jean7 » 29 oct. 2018, 03:40

"les expériences de Bob et Alice sont de la vulgarisation qui ne font que mettre en évidence ce qui se passe au niveau quantique…"en effet, si déjà à ce niveau j'arrive à retenir une histoire qui ressemble à celle des particules dont on parle, ce sera beau.
Merci pour vos efforts !


Je récapitule où j'en suis.

- Une paire de pièces EPR est générée, l'une envoyée à Alice, l'autre à Bob.
- A n'importe quel moment, Alice va tirer à pile ou face en la plaquant sur un pan incliné de façon aléatoire et obtenir un résultat.
- A n'importe quel moment, Bob va tirer à pile ou face en la plaquant sur un pan incliné très précisément identique à celui d'Alice et obtiendra le résultat complémentaire.
- Ce phénomène ne se produit qu'une seule fois par paire de pièces EPR.
- L'ordre des deux tirages, l'intervalle de temps et de distance sont sans effet sur ce phénomène (il est seulement nécessaire que les plan inclinés soient identiques).

J'y suis ?

Si j'y suis, une question de plus : le pan incliné est, je suppose, là pour représenter la direction de mesure. Si Bob mesure selon une direction différente, un plan incliné différent, il aura un résultat aléatoire. De sorte qu'entre les lignes 1 et 2 je pourrais écrire "tant que Alice et Bob jouent à pile ou face avec ces pièces sans utiliser le même plan incliné, ils obtiennent des résultats aléatoires". Juste ?

Si on en reste là, cette histoire vulgarisée décrivant un joli tour de magie est très confortable.
Remplacer les pièces par des dés ne complique pas l'histoire.

L'explication d'un truc consistant en des pièces fabriquées de sorte à être modifiées par une mesure selon un angle précis est l'hypothèse des variable cachées et a été prouvée fausse en montrant que ce n'est pas la valeur de cet angle qui importe mais le fait qu'il soit exactement le même pour les deux mesures… Cette hypothèse évacuée et le phénomène fonctionnant en cas de mesures simultanées, on en arrive à parler de non localité.
… pas trop faux ?
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#30

Message par curieux » 29 oct. 2018, 09:46

Bonjour

je pense que c'est bien compliqué pour une expérience de pensée et que ça prête surtout à beaucoup de confusion sur l'interprétation.
Il y a deux choses à considérer, l'expérience de pensée EPR (3 personnages qui ont imaginé une approche selon ce qu'on connaissait à l'époque), et l'expérience concrète d'Alain aspect.
A ce que j'en ai lu, cela ne me semble pas simple de condenser au max cette dernière, d'autant plus que ça demande des prérequis qui seront masqués par un manque de détails pour que tous puissent bien comprendre les tenants et les aboutissants de l’expérience.
Je peux essayer mais je ne garantis rien. (je reviens avec un p'tit texte qu'il faudra surement peaufiner)
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#31

Message par curieux » 29 oct. 2018, 10:52

En utilisant par exemple, un cristal non linéaire on peut produire deux photons jumeaux de même énergie.

A cause de la conservation de la quantité de mouvement et du moment cinétique,
les deux photons doivent partir dans deux directions opposées avec des spins de sens opposés.
(c'est le cas dans la desintegration du Pion neutre, 140 MeV --> deux photons gamma opposés de 70 MeV, spin -1 et spin +1)

Reflexion dans le cristal, donc:

Les deux photons corrélés sont tous les deux droits ou tous les deux gauches.

L'expérience consiste à faire passer chaque photon à travers un polariseur et à comparer
les résultats obtenus pour chaque couple de photons.

----------------------------------
On calcule l'amplitude de probabilité d'avoir toutes les combinaisons de couples possibles.

Je passe le détail mathématique:

dans le faisceau A(lice) et le faisceau B(ob)

1- photon x et photon x, tous deux de même polarisation : proba = 1
2- photon y et photon y, tous deux de même polarisation : proba = 1
3- photon x et photon y, tous deux de même polarisation : proba = 0
----------------------------------

expérience,

1- les polarisateurs A et B sont réglés pareils, en x :

si le photon pour A est x alors le photon B est aussi x, les deux passent.
x en A et x en B ont une proba de 1.

2- si le photon pour A est y alors le photon B est aussi y, les deux sont absorbés.
y en A et y en B ont une proba de 1.


2eme cas de figure:
1- Le polariseur A est en x et le polariseur B en y :

Si le photon pour A est x alors le photon B doit être x également.
Le photon A traverse et le photon B est absorbé.

2- Si le photon A est y alors le photon B doit être y également.
Le photon A est absorbé et le photon B traverse.

Bon, déjà on sait que les couples de photons sont soit x, soit y (polarisation droite ou gauche)
l'émission se fait au hasard (pile ou face).

Le problème tient en ceci, si Alice fait le décompte des sorties (et des absorptions), elle obtient une suite totalement hasardeuse.
Si Bob fait le décompte sur son polarisateur, il fait le même constat, hasard complet.

Mais ensuite, si Alice et Bob comparent leurs papier, oh surprise, il tiennent en main exactement la même suite de sorties aléatoire.

Je cite mon document de référence:
"comme si deux personnes jouant à pile ou face des millions de fois obtenaient exactement la même succession de piles et de faces !"
"Einstein a publié avec Podolski et Rosen, un célèbre article où il contestait ce résultat."

Pas de chance pour Albert, cette fois là il s'était gourré...

Bien après sa mort, Aspect a pris la précaution de déclencher les polarisateurs après que les photons soient corrélés,
ce qui implique que l'idée de variables cachées ne pouvait pas être invoquée mais que la théorie quantique rendait compte de l'expérience.
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#32

Message par jean7 » 30 oct. 2018, 01:11

X et y désignent un réglage du polarisateur ou la polarisation du photon ?
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#33

Message par curieux » 30 oct. 2018, 11:14

Les deux mon adjudant. On connait la polarisation du photon parce que le polariseur est réglé en conséquence, le photon passe ou ne passe pas.
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#34

Message par curieux » 30 oct. 2018, 11:30

Comme il y a toujours des petits 'trucs' de ce genre qu'on ne sait pas forcément, j'attire l'attention sur les premières phrases de mon post.

Deux photons corrélés partent en opposition et sont aussi de polarisation complémentaire, c'est pour respecter un principe de conservation du moment cinétique et de la quantité de mouvement (+1 -1 = 0)

Quand le photon traverse le cristal biréfringent, son jumeau ne part pas en arrière mais est réfléchi dans la même direction, sa polarisation s'inverse et reste identique au principal tout en étant légèrement décalé, on a une image double. (d'ailleurs, avec une lunette polarisante, on voit les irisations d'un objet qui avaient disparues, si maintenant on regarde son reflet dans un miroir placé derrière l'objet. Et vice-versa en changeant la lunette pour son complément.)

Le cétoine doré est lévogyre par exemple, si on le regarde à travers un polariseur gauche, on ne le voit plus briller de toutes les couleurs, mais son reflet reste identique à sa vue sans lunette de ce genre.

http://www.wikiwand.com/fr/Polarisation_circulaire
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#35

Message par Christian » 30 oct. 2018, 14:05

Ah, je ne connaissais pas l'extension wikiwand pour Firefox. Merci! C'est pas mal mieux comme interface wikipédia. :up:
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#36

Message par jean7 » 01 nov. 2018, 01:44

curieux a écrit : 29 oct. 2018, 09:46 Bonjour
je pense que c'est bien compliqué pour une expérience de pensée et que ça prête surtout à beaucoup de confusion sur l'interprétation.
Il y a deux choses à considérer, l'expérience de pensée EPR (3 personnages qui ont imaginé une approche selon ce qu'on connaissait à l'époque), et l'expérience concrète d'Alain aspect.
A ce que j'en ai lu, cela ne me semble pas simple de condenser au max cette dernière, d'autant plus que ça demande des prérequis qui seront masqués par un manque de détails pour que tous puissent bien comprendre les tenants et les aboutissants de l’expérience.
Je peux essayer mais je ne garantis rien. (je reviens avec un p'tit texte qu'il faudra surement peaufiner)
Je suis resté sans voix...
A me demander pourquoi l'expérience telle que tu l'a décrit me semble perdre tout l'intérêt qu'évoquait l'expérience de pensée.
J'ai beau la retourner dans tous les sens, je n'y vois que l'émission de photons corrélés que l'on observe comme corrélés dès qu'on corrèle les instruments de mesure.
Or, si c'est le cas, je ne vois pas du tout en quoi ça implique de parler de non localité.

Il y a donc de toute évidence un détail que je ne comprend pas.
Plus qu'un détail bien sûr, mais avec les pièces et pile ou face, j'avais l'impression de pouvoir comprendre ce qu'on trouvait de "quantique" au quantique.

Ce que cette expérience à mon niveau permet de démontrer, ce pourrait être par exemple que l'on sait bien corréler les photons à la source et l'interaction poralisateur/photon. Donc je suis dans les choux avec les lapins.
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#37

Message par curieux » 01 nov. 2018, 09:17

jean7 a écrit : 01 nov. 2018, 01:44A me demander pourquoi l'expérience telle que tu l'a décrit me semble perdre tout l'intérêt qu'évoquait l'expérience de pensée.
J'ai beau la retourner dans tous les sens, je n'y vois que l'émission de photons corrélés que l'on observe comme corrélés dès qu'on corrèle les instruments de mesure.
Or, si c'est le cas, je ne vois pas du tout en quoi ça implique de parler de non localité.
Salut

je te l'avais dit que les prérequis sont indispensables.
Quand on aborde la physique quantique on a tous tendance à ne rien voir d'anormal par rapport à la physique classique.
La première fois que j'ai lu les résultats des fentes de Young je me suis dit "mais qu'est-ce qu'ils racontent avec leurs photons qui remontent jusqu'à la source pour repasser par la deuxième fente ?, c'est quoi ce délire ..."
Il a fallu que je m'attarde pas mal de temps la dessus pour comprendre le bien fondé de l'interrogation des physiciens de l'époque, d'autant plus qu'on ne savait pas (techniquement) comment expédier des photons un par un.
Puis, quand j'ai vu une image d'interférences qui s'affichait progressivement dans le temps, je me suis tapé le front "Bon dieu mais c'est bien sûr..." comme disait Raymond Souplex. :)
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#38

Message par curieux » 01 nov. 2018, 09:27

quand j'ai vu une image d'interférences qui s'affichait progressivement dans le temps
là, je suis sûr que bien des non-physiciens ont eu, ont et auront le même raisonnement : y a pas de quoi casser quatre pattes à un canard, s'il y a des interférences c'est parce que les photons d'une fente interfèrent avec ceux de l'autre fente".
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#39

Message par curieux » 01 nov. 2018, 09:53

je n'y vois que l'émission de photons corrélés que l'on observe comme corrélés dès qu'on corrèle les instruments de mesure.
Justement, les instruments ne sont pas corrélés avec l'émission des photons, toutes les précautions sont prises pour faire en sorte que les instruments soient déclenchés APRES l'émission de photons et AVANT qu'ils n'arrivent au polariseurs.
Ensuite,vu l'énorme distance séparant les polariseurs, il est impossible que chaque paire puisse échanger une information dans ce laps de temps.
Si on s'arrete là, bein oui on peut en déduire que l'intrication de deux photons est
1- soit un phénomène à variables cachées dès le départ de leur création.
2- soit x et y sont des superpositions d'états qui ne sont révélées qu'à leur detection.

Dans le cas 1, la MQ ne rend pas compte de ce mécanisme et est donc incomplète, "peut mieux faire dirait le monsieur".
Dans le cas 2, il y a une transmission instantanée d'informations qui fait basculer l'état de l'un quand l'autre est détecté. (violation flagrante de la RR)
Pour Einstein, P et R il y avait un problème, un paradoxe (même genre que celui des jumeaux de Langevin).
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#40

Message par curieux » 01 nov. 2018, 10:00

L'interprétation de Copenhague dit qu'il n'y a ni variables cachées, ni transmission instantanée, les deux photons doivent être considérés comme une seule entité qu'on ne peut étudier séparément.
C'est ce qui déplaisait fortement à Einstein qui mettait un point d'honneur à prouver que Dieu ne joue pas aux dés...
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#41

Message par jean7 » 01 nov. 2018, 12:25

Bon, c'est clair qu'il me manque beaucoup plus que quelques pré-requis.

Toutefois, je ne suggère pas que les instruments soient corrélés avec l'émission de photons.
Par contre, il me semble que c'est bien lorsqu'ils sont en phase entre eux qu'on observe que les photons le sont aussi (ou j'ai rien capté ce qui est éminemment possible).
Si les deux polarisateurs ne sont jamais sur la même position pour un couple de photon donné, est-ce que l'expérience peut encore révéler quelque chose ?

De fait, ce que j'ai compris de l'expérience est insuffisant pour que je n'ai pas l'impression que l'on est dans le cas des variables cachées que je comprend comme "ce que sont ces deux photons fait que mesurés dans des conditions précises (et corrélées) le résultat de l'un et de l'autre sont corrélés".
Au point où j'en suis, il n'y a pas besoin d'imaginer une transmission d'info.
Donc j'ai nécessairement raté un truc essentiel... :a8:
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#42

Message par curieux » 01 nov. 2018, 13:33

Je pourrais te donner des liens sur les inégalités de Bell et sur les experiences qui les violent mais tu ne serais pas plus avancé je pense.
En somme ça se résume ainsi:
l’essence du théorème de Bell : il est impossible de trouver une Théorie à Paramètres Supplémentaires qui reproduise toutes les prédictions de la mécanique quantique.
Autrement dit, si on opte pour les variables cachées lors de la production alors on arrive à des résultats statistiques contraire aux résultats expérimentaux.
Mais bon, le problème n'est pas résolu pour autant, il y a toujours le problème de l'interprétation de la vitesse largement supraluminique que ne résout pas ces expériences (pour le moment).
Perso, je me contente de l'interprétation qui me semble la plus logique vis à vis de la MQ, le photon se promène sous forme d'onde et se réceptionne sous forme de particule. Ce qui fait qu'en chemin il n'est pas localisé et qu'on se contente de le décrire mathématiquement, et qu'à l'arrivée c'est le détecteur qui a la 'chance' de pouvoir dire où il est qui a gagné le pompon.
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#43

Message par ABC » 01 nov. 2018, 14:30

jean7 a écrit : 29 oct. 2018, 03:40"les expériences de Bob et Alice sont de la vulgarisation qui ne font que mettre en évidence ce qui se passe au niveau quantique…"
Je ne vois pas de raison de qualifier de vulgarisation l'expérience dite EPRB. Il s'agit de l'expérience EPR modifiée par Bell. Elle repose sur des paires de photons de polarisations EPR corrélées avec les fameux Alice et Bob réalisant ces mesures de polarisation. Cette expérience a été réalisée avec succès par Alain Aspect en 1982, cf. EPR, Bell & Aspect: The Original References (in PDF Format) By David R. Schneider).

En effet, sur les paires de photons de polarisations EPR corrélées, les états de polarisation du côté d'Alice et du côté de Bob sont effectivement vraiment mesurés. Ces résultats de mesure, leur corrélation et la violation des inégalités de Bell auxquelles ils ont donné lieu, ne sont pas des images explicatives mais des résultats de mesure effectivement observés.
jean7 a écrit : 29 oct. 2018, 03:40 Je récapitule où j'en suis.

- Une paire de pièces EPR est générée, l'une envoyée à Alice, l'autre à Bob.
- A n'importe quel moment, Alice va tirer à pile ou face en la plaquant sur un pan incliné de façon aléatoire et obtenir un résultat.
- A n'importe quel moment, Bob va tirer à pile ou face en la plaquant sur un pan incliné très précisément identique à celui d'Alice et obtiendra le résultat complémentaire.
- Ce phénomène ne se produit qu'une seule fois par paire de pièces EPR.
- L'ordre des deux tirages, l'intervalle de temps et de distance sont sans effet sur ce phénomène (il est seulement nécessaire que les plan inclinés soient identiques).

J'y suis ?
Tout à fait
jean7 a écrit : 29 oct. 2018, 03:40Si j'y suis, une question de plus : le pan incliné est, je suppose, là pour représenter la direction de mesure.
C'est ça.
jean7 a écrit : 29 oct. 2018, 03:40Si Bob mesure selon une direction différente, un plan incliné différent, il aura un résultat aléatoire. De sorte qu'entre les lignes 1 et 2 je pourrais écrire "tant que Alice et Bob jouent à pile ou face avec ces pièces sans utiliser le même plan incliné, ils obtiennent des résultats aléatoires". Juste ?
En fait, la corrélation entre pile d'un côté et face de l'autre se dégrade seulement (pour des spin 1/2, c'est plus facile) en cos²(thêta) quand le plan incliné sur lequel Bob plaque sa pièce de monnaie s'incline d'un angle thêta par rapport au plan incliné sur lequel Alice plaque la sienne.

C'est un peu comme si :
  • les deux pièces de monnaie,
  • orientées à 180° l'une par rapport à l'autre,
  • coulissaient sans tourner (liaison glissière) sur une "tige EPR très rigide"
  • et qu'en plaquant une pièce sur un plan incliné d'un côté,
  • ça faisant tourner la tige,
  • orientant donc instantanément l'autre pièce dans une position appropriée à l'anti-corrélation
    (pile sur ce plan incliné quand l'autre est face sur ce même plan et vice-versa)
  • obligeant ainsi le plaquage de la "deuxième pièce" sur la face opposée quand les deux plans de plaquage sont identiques
  • et favorisant le plaquage sur la face opposée (1) avec une probabilité cos²(thêta) quand les deux plans de plaquage sont inclinés d'un angle thêta l'un par rapport à l'autre.
Dans l'image ci-dessus, la "tige EPR" est infiniment rigide afin que l'ensemble pièce1 + pièce2 + lien EPR forme un tout indissociable qu'on ne puisse étudier séparément. Or, dans une tige qui serait infiniment rigide (2), une action d'un côté aurait un effet immédiat de l'autre puisque l'ensemble forme un tout indissociable .

Cette image illustre donc l'effet EPR, mais selon l'interprétation minoritaire. Il s'agit de l'hypothèse selon laquelle l'état quantique des deux photons EPR corrélés décrirait objectivement une entité "réelle" formant un tout "réel" indissociable identique pour tous les observateurs. Du coup, il y a violation de l'invariance de Lorentz au niveau interprétatif. Cette interprétation réaliste engendre en effet une notion de simultanéité absolue et d'action instantanée à distance et donc un référentiel privilégié. Il s'agit du référentiel inertiel dont la simultanéité correspond à la simultanéité de cet effet interprété comme "réel" et respectueux du principe de causalité (les causes précèdent les effets) (cf. Special Relativity and possible Lorentz violations consistently coexist in Aristotle space-time).

Le camp positiviste préfère considérer l'état quantique et les résultats de mesures quantiques (prédits par la règle statistique de Born) comme des outils d'inférences statistiques (des outils prédictifs permettant de faire des paris statistiquement optimaux) et non comme des descriptions d'une "réalité objective" qui serait indépendante de la relation observateur-système observé. Du coup, il n'y a plus de violation de l'invariance de Lorentz.

Ce n'est plus un tout indissociable, réel, objectif, spatialement étendu qui change instantanément d'état en violation de l'invariance de Lorentz, quand Alice (ou Bob) fait une mesure. C'est au contraire un changement purement local de la connaissance d'Alice.

Ce changement d'état de la connaissance d'Alice est induit par l'information nouvelle obtenue grâce à sa mesure. Ce changement d'état n'est alors pas (dans l'interprétation positiviste) le changement d'état d'un tout indissociable, mais le changement d'état d'une description où ce tout est modélisé comme indissociable (alors qu'au contraire, selon l'invariance de Lorentz, rien ne change du côté de Bob quand Alice fait une mesure de son côté). Cette description est toutefois ce qu'on peut espérer de mieux (en terme d'optimisation de ses prédictions) pour décrire une réalité qu'on ne peut pas espérer décrire en tant que telle.

La notion de "réalité objective" n'a de toute façon pas de sens. On ne peut pas parler de réalité objective mais seulement d'interaction observateur-réalité observée et d'intersubjectivité. C'est cette interaction observateur-réalité observée que l'on modélise. C'est cette interaction qui est l'objet de nos prédictions. L'intersubjectivité constatée lors d'échanges d'information a pu nous maintenir dans l'illusion que les propriétés indument attribuées à la réalité observée lui appartenaient en propre. Bon ! J'ai l'impression que j'ai, presque sans rémission possible, basculé dans le camp positiviste.

A noter que l'on peut conserver une interprétation réaliste de la fonction d'onde et sa réduction en interprétant le principe de causalité comme présentant un caractère d'émergence thermodynamique statistique dans le cadre de l'interprétation time-symmetric de l'effet EPR proposée par Aharonov & al. (cf. Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome? Yakir Aharonov, Eliahu Cohen, Doron Grossman, Avshalom C. Elitzur).

L'interprétation rétrocausale de la mesure faible, de l'effet EPR, du paradoxe des 3 boîtes (cf. A time-symmetric formulation of quantum mechanics, Yakir Aharonov, Sandu Popescu, and Jeff Tollaksen, physics to day 2010, The three box paradox) me semble (maintenant) la plus naturelle (vis à vis des effets finement analysés, pas du tout vis à vis de mon intuition d'observateur macroscopique).

Pour autant, je ne crois pas utile d'en profiter pour retourner vers une interprétation réaliste de la fonction d'onde et du processus de mesure comme le propose Vaidman (cf. Weak measurements elements onf reality, 1996, Vaidman). Qu'il y ait une réalité sous-jacente ? Oui ! Bien sûr ! Que la fonction d'onde en soit une fidèle description "objective" ? Non ! Je ne le crois plus. Je crois (maintenant) qu'elle est un outil prédictif de la façon dont nous interférons avec la réalité.

En ce qui me concerne, j'ai mis un temps absolument considérable à envisager que l'interprétation positiviste puisse être autre chose qu'une absurdité sans nom. J'ai finalement basculé dans le camp positiviste (à 85% environ) pour des questions liées à l'interprétation du caractère négatif de l'énergie cinétique des particules dans une barrière de potentiel franchie par effet tunnel (cf. The Two-State Vector Formalism: an Updated Review, Yakir Aharonov and Lev Vaidman, 3.3 Weak measurements which are not really weak) en liaison avec l'interprétation time-symmetric du franchissement de telles barrières à vitesse supraluminique cf.
Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome? Yakir Aharonov, Eliahu Cohen, Doron Grossman, Avshalom C. Elitzur.
Tunneling Times and Superluminality: a Tutorial, 1998, Raymond Y. Chiao
The Hartman effect and weak measurements "which are not really weak" D.Sokolovski, E.Akhmatskaya

(1) Pour compléter cette image, il faut rajouter qu'en forçant un peu sur une pièce, on peut la faire autour de la tige. Plus la "2ème pièce" est inclinée par rapport au plan de plaquage, plus le risque de la plaquer "incorrectement" est élevé. Ce risque de "plaquage incorrect" a une probabilité sin²(thêta). En particulier, quand les deux plans de plaquage d'Alice et Bob sont orientés à à 90° l'un de l'autre, les plaquages côté Alice et côté Bob n'ont alors plus aucune corrélation.

(2) Dans une barre qui serait infiniment rigide, la vitesse du son v serait infinie car v = racine (E/rho) où E design le module de Young, alors infini, et rho la densité. Les solides infiniment rigides sont donc incompatibles avec la relativité restreinte.

En particulier, des objets qui seraient infiniment rigides ne changeraient pas de longueur en changeant de référentiel inertiel. Un disque homogène, initialement dans un état de contrainte neutre, puis mis dans un état de rotation uniforme, pourrait rester dans un état de contrainte neutre en le soumettant à un chargement distribué approprié de forces centripètes (compensant la force centrifuge en chacun de se points).

Au contraire, en Relativité Restreinte, on a obligatoirement apparition d'un champ de contraintes internes quand un disque linéaire élastique homogène est mis en rotation uniforme, et ce, même si on compense au mieux, en chacun de ses points, la force centrifuge par un champ de forces centripètes de façon à minimiser l'énergie de déformation induite par sa mise dans un état de rotation uniforme.

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Re: Non-localité ? Éclairez-moi de vos photons...

#44

Message par curieux » 02 nov. 2018, 10:33

Bonjour

pour ceux que les bases interessent (sinon on rate l'essentiel amha)

https://owl-ge.ch/ressources/club-math- ... es-de-bell

En statistiques classiques on obtient des résultats qui ne violent pas les inégalités de Bell, aucune exception.
En physique quantique ces règles purement mathématiques ne sont pas toujours respectées.

Exemple, si le classique donne un rapport 1 pour 2 (piles par rapport à la somme piles+faces)
le quantique donnera par exemple un rapport maxi de 1 pour 2 * sqrt(2) c'est à dire 1 pour 2.828 maximum.
On parle alors de combinaison linéaire de deux états superposés (qui n'a aucun rapport avec les deux états séparés Pile-Face par exemple)
C'est ce qu'on constate dans les expériences du type de celles Alain Aspect.
Le rôle de la physique mathématique est de bien poser les questions, ce n'est que l'expérience qui peut les résoudre. [Henri Poincaré]

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Re: Non-localité ? Éclairez-moi de vos photons...

#45

Message par curieux » 02 nov. 2018, 10:46

Trois liens à étudier et il faut s'accrocher...

http://feynman.phy.ulaval.ca/marleau/pp ... epr_1.html

- EPR
- Inegalites de Bell
- Experience d'A.Aspect

bon courage :)
Le rôle de la physique mathématique est de bien poser les questions, ce n'est que l'expérience qui peut les résoudre. [Henri Poincaré]

jean7
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Re: Non-localité ? Éclairez-moi de vos photons...

#46

Message par jean7 » 03 nov. 2018, 03:14

ABC a écrit : 01 nov. 2018, 14:30Ce n'est plus un tout indissociable, réel, objectif, spatialement étendu qui change instantanément d'état en violation de l'invariance de Lorentz, quand Alice (ou Bob) fait une mesure. C'est au contraire un changement purement local de la connaissance d'Alice.

Ce changement d'état de la connaissance d'Alice est induit par l'information nouvelle obtenue grâce à sa mesure. Ce changement d'état n'est alors pas (dans l'interprétation positiviste) le changement d'état d'un tout indissociable, mais le changement d'état d'une description où ce tout est modélisé comme indissociable (alors qu'au contraire, selon l'invariance de Lorentz, rien ne change du côté de Bob quand Alice fait une mesure de son côté).
- Il y a un clou de détail concernant l'expérience que je voudrais voir enfoncé d'un oui ou d'un non. Est-ce que l'on sait mesurer la polarisation d'un photon plusieurs fois de suite et est-ce qu'une telle chose a été faite dans l'expérience d'Aspect ?
C'est une des choses qui me perd dans cette affaire, il semble être question d'un changement d'état sur la particule mais je ne vois pas où des indices d'un tel changement est observé si on ne fait pas des mesures successives sur une même paire.
- Il me semble que le résultat d'une mesure est toujours un changement d'état de conaissance local produit par l'interaction entre ce que l'on veut mesurer et l'ensemble instruments + observateurs. Y compris si je plaque un double décimètre sur une feuille de papier. La seule particularité que je vois, c'est qu'il y a discontinuité dans ce résultat.
ABC a écrit : 01 nov. 2018, 14:30 pour ceux que les bases intéressent (sinon on rate l'essentiel amha)
https://owl-ge.ch/ressources/club-math- ... es-de-bell
Ça me semble particulièrement bien adapté, je veux dire compréhensible avec du temps et un bloc-note pour qui veut faire l'effort, Merci.

(et qu'est-ce qui me prend de m'intéresser à ce sujet, il était un temps où je m'étais promis de me tenir à l'écart de tout ce qui touche au quantique...)
Le libre arbitre est à la causalité ce que le corps est à la physique

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Re: Non-localité ? Éclairez-moi de vos photons...

#47

Message par curieux » 03 nov. 2018, 09:04

jean7 a écrit : 03 nov. 2018, 03:14- Il y a un clou de détail concernant l'expérience que je voudrais voir enfoncé d'un oui ou d'un non. Est-ce que l'on sait mesurer la polarisation d'un photon plusieurs fois de suite et est-ce qu'une telle chose a été faite dans l'expérience d'Aspect ?
Bonjour
La mesure d'un photon unique ne peut se faire qu'une seule fois(*).
C'est tout le problème de la mesure quantique, avant la mesure on ne sait pas dans quel état il est, après la mesure c'est connu une fois pour toute et plus personne ne peut contester le résultat.

Le problème n'est pas là en fait, le but de l’expérience était de vérifier si les stats de la MQ se comportaient bien comme prévues (par la MQ) et non pas comme les stats classiques.



(*) Je parle de mesure ordinaire, on ne doit pas confondre avec la mesure classique qui n'est rien de plus qu'une extraction d'informations diverses issues d'un échantillon pris dans un grand ensemble d’éléments.
Cette méthode est obligatoire en mesure classique car si l'échantillon est trop grand alors la mesure est faussée. (ce serait comme vouloir mesurer la tension aux bornes Base-Emetteur d'un transistor avec un voltmètre d'électricien à 10 000 ohms par volt, ça mérite un coup de pelle :) )
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Re: Non-localité ? Éclairez-moi de vos photons...

#48

Message par curieux » 03 nov. 2018, 09:21

Je reviens sur l'importance de la mesure unique.
Quand à l'école on assiste à l'expérience des fentes de Young, 99% des élèves baillent à se décrocher la mâchoire parce qu'aucun ne comprend le but de la manoeuvre. Pour moi c'est de la faute du prof, soit il n'a pas lui-même compris son importance, soit il n'a pas attiré correctement l'attention la dessus.

Le point capital de cette expérience réside dans le fait qu'un photon n'est détecté qu'une seule et unique fois.
Chaque point noir sur la photo est mort, absorbé et enterré.
La contradiction apparente est que malgré qu'on envoie les photons un à un on assiste à une figure d'interférences comme si chaque photon agissait sur la figure finale bien que 'mort' depuis longtemps.
"Qu'est-ce que c'est que ce délire", c'est une onde ou une particule ? :mrgreen:

Voilà ce que prof aurait dû dire à ses élèves...
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Re: Non-localité ? Éclairez-moi de vos photons...

#49

Message par ABC » 03 nov. 2018, 10:34

jean7 a écrit : 03 nov. 2018, 03:14- Il y a un clou de détail concernant l'expérience que je voudrais voir enfoncé d'un oui ou d'un non. Est-ce que l'on sait mesurer la polarisation d'un photon plusieurs fois de suite.
Oui, mais à condition de réaliser une mesure de polarisation non destructive. Quand on a un point noir sur un écran dans l'expérience des fentes de Young par exemple, on a une mesure unique de position du photon, mais c'est une mesure destructive.

Pour en revenir à l'effet EPR et en considérant des spins 1/2 (c'est bien moins facile à manipuler expérimentalement, mais plus facile à expliquer)
  • si on prépare des spins 1/2 dans un état de spin horizontal,
  • puis qu'on mesure leur spin vertical,
  • on les trouve up dans 50% des cas et down dans 50% des cas.
Si on remesure un spin obtenu up verticalement, on le retrouve systématiquement up.
jean7 a écrit : 03 nov. 2018, 03:14Est-ce qu'une telle chose a été faite dans l'expérience d'Aspect ?
Non, mais on sait que si l'on refaisait une mesure (non destructive) de polarisation horizontale/verticale sur un photon (les polarisations opposées sont perpendiculaires pour les photons, c'est pour ça que l'explication est moins naturelle) obtenue une première fois en polarisation horizontale, on le retrouverait en polarisation horizontale.

Deux mesures successives (non destructives) de la même observable donnent toujours deux fois le même résultat. C'est seulement la première mesure qui est aléatoire (si le système observé n'est pas déjà dans un état propre de l'observable, par exemple parce qu'on a déjà fait la mesure une première fois).
jean7 a écrit : 03 nov. 2018, 03:14Il semble être question d'un changement d'état sur la particule mais je ne vois pas où des indices d'un tel changement est observé si on ne fait pas des mesures successives sur une même paire.
Le changement est le suivant : si Alice et Bob, après avoir réalisé une mesure (non destructive) de polarisation Horizontale/Verticale sur leurs photons respectifs refaisaient une mesure de polarisation à + ou moins 45°, ils trouveraient
  • systématiquement une corrélation parfaite pour leur première mesure
  • aucune corrélation pour leur deuxième mesure.
Quand les photons 1 et 2 sont EPR corrélés, cet état de corrélation est représenté mathématiquement par :
|Psi> =|H>_1|V>_2 - |V>_1|H>_2

A noter qu'on peut tout aussi bien écrire (c'est le même état malgré la différence de notation)
|Psi> = |alpha>_1|alpha+90°>_2 -|alpha+90°>_1|alpha>_1 quel que soit l'angle alpha
La corrélation EPR reste en effet exactement la même si les deux appareils de mesure de polarisation sont tournés d'un angle alpha.

Une fois que la mesure de polarisation, H/V par exemple, a été réalisée, on retrouve la paire (1,2) de photons
  • dans l'état |Psi ' > = |H>_1|V>_2 dans 50% des cas
  • dans l'état |Psi ' > = |V>_1|H>_2 dans 50% des cas.
jean7 a écrit : 03 nov. 2018, 03:14Il me semble que le résultat d'une mesure est toujours un changement d'état de connaissance local produit par l'interaction entre ce que l'on veut mesurer et l'ensemble instruments + observateurs. Y compris si je plaque un double décimètre sur une feuille de papier. La seule particularité que je vois, c'est qu'il y a discontinuité dans ce résultat.
Comme image, j'aurais plutôt dit que ce qui change c'est que :
  • quand Alice plaque son double décimètre sur une feuille de papier rectangulaire en rotation,
  • elle obtient une information sur ce qu'obtient Bob s'il plaque son double décimètre sur sa feuille de papier EPR corrélée, en rotation elle aussi, et ce quel que soit l'ordre des deux plaquages et le temps les séparant.
Il est tentant (interprétation réaliste) de penser que les deux feuilles rectangulaires, orientées à 90° l'une de l'autre, tournent en même temps (formant ainsi un tout indissociable que l'on ne peut étudier séparément) et que quand Alice (ou Bob) plaque son double décimètre sur sa feuille, ça bloque la rotation des deux côtés. Quand Bob plaque son double décimètre dans la même direction que celui d'Alice, il trouve la mesure "complémentaire" (la mesure de la feuille dans la direction perpendiculaire de celle d'Alice)

L'image est cependant bien moins bonne que celle des deux pièces tirées à pile ou face sur un plan de plaquage incliné. En effet, dans l'image des pièces tirées à pile ou face, la direction du plan de plaquage est choisie, comme dans l'expérience EPR (où Alice et Bob choisissent la direction de mesure de polarisation) et il n'y a que deux résultats possibles (pile ou face) comme dans l'expérience EPR.

Par ailleurs, ces images (celle des deux pièces reliées par une tige rigide et celle des deux feuilles tournant en phase) se placent dans l'interprétation réaliste de l'état quantique et de sa mesure (interprétation minoritaire). Cette image implique une action instantanée à distance violant le principe de relativité du mouvement. En effet, cette interprétation réaliste fait apparaître une simultanéité privilégiée (et le référentiel privilégié qui en découle).

Ce qu'il faut noter aussi, c'est qu'une mesure quantique change l'état du système observé.

En physique classique, quand je fais une mesure, je peux le faire en perturbant aussi peu que je le souhaite l'état du système observé. On a vraiment l'impression de recueillir une information, déjà présente, objective, indépendante de l'observateur et de l'acte d'observation. En physique quantique, je ne suis plus spectateur, je suis spectacteur. Ma mesure change l'état quantique du système que j'observe.

Si, par exemple, je fais une mesure de spin horizontal d'un spin initialement vertical, alors, à l'issue de ma mesure de spin horizontal, le spin sera devenu horizontal. Je ne peux pas connaitre le spin horizontal d'un spin initialement vertical sans l'obliger à se mettre en état de spin horizontal. Du coup, l'information sur son état vertical antérieur a été détruite (1).
curieux a écrit : [rendons à César ce qui appartient à Jules] Pour ceux que les bases intéressent (sinon on rate l'essentiel amha)
Non-séparabilité et inégalités de Bell
Les problèmes d’interprétation de la mécanique quantique, Samedi 29 avril 2006, par Bernard Vuilleumier
jean7 a écrit : 03 nov. 2018, 03:14Ça me semble particulièrement bien adapté, je veux dire compréhensible avec du temps et un bloc-note pour qui veut faire l'effort, Merci.
jean7 a écrit : 03 nov. 2018, 03:14(et qu'est-ce qui me prend de m'intéresser à ce sujet, il était un temps où je m'étais promis de me tenir à l'écart de tout ce qui touche au quantique...)
C'est difficile de résister à l'envie de comprendre notre univers et son fonctionnement. C'est tout simplement fascinant. L'imagination des auteurs de science fiction est nettement en dessous de ce que la nature nous offre comme source d'émerveillement. Simplement, c'est plus facile de le remarquer quand il s'agit de quelque chose que nous ne voyons pas tous les jours.

(1) En fait, en toute rigueur, cette information sur l'état antérieur de spin vertical n'est pas vraiment détruite, elle est devenue inaccessible à l'observateur en se dispersant par corrélation EPR avec l'appareil de mesure, avec l'observateur lui-même (il ne peut pas savoir qu'il est mis dans un état superposé) et avec leur environnement. On appelle ça la décohérence, un processus irréversible pour l'observateur, mais réversible d'après les lois de la physique.

Le point de vue actuellement majoritaire estime, en effet, qu'il n'y a pas de fuite objective d'information et ça pose un sacré problème/conflit avec notre intuition pour faire apparaître l'écoulement irréversible et objectif du temps que pourtant nous avons le sentiment de constater tous les jours. Il est où le besoin d'observateur macroscopique pour expliquer les os de dinosaures ? (Je me fais l'avocat du diable minoritaire indécrottablement réaliste.)

PS : bien noter que Einstein ne s'est pas trompé dans son article EPR. Son raisonnement était parfaitement correct. Simplement, il a adopté l'interprétation réaliste de la fonction d'onde et de sa mesure ET le respect du principe de relativité du mouvement. Du coup il en découlait le besoin de variables cachées (locales) pour compléter le description des états quantiques (une information cachée hypothétique).

La violation des inégalités de Bell (observée expérimentalement par A. Aspect) a montré qu'il fallait laisser tomber (au moins)
  • soit l'interprétation réaliste,
  • soit la localité,
  • soit le principe de causalité.
A noter que la formulation quantique time-symmetric offre l'avantage de respecter la symétrie T, l'invariance de Lorentz et l'absence de changement d'état formel côté Bob (interprétation rétrocausale de l'effet EPR) quand Alice réalise sa mesure (contrairement à la formulation quantique standard où, formellement, il y a un changement instantané d'état des deux côtés quand Bob ou Alice fait une mesure).

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