jean7 a écrit : 29 oct. 2018, 03:40"les expériences de Bob et Alice sont de la vulgarisation qui ne font que mettre en évidence ce qui se passe au niveau quantique…"
Je ne vois pas de raison de qualifier de vulgarisation l'expérience dite EPRB. Il s'agit de l'expérience EPR modifiée par Bell. Elle repose sur des paires de photons de polarisations EPR corrélées avec les fameux Alice et Bob réalisant ces mesures de polarisation. Cette expérience a été réalisée avec succès par Alain Aspect en 1982, cf.
EPR, Bell & Aspect: The Original References (in PDF Format) By David R. Schneider).
En effet, sur les paires de photons de polarisations EPR corrélées, les états de polarisation du côté d'Alice et du côté de Bob sont effectivement vraiment mesurés. Ces résultats de mesure, leur corrélation et la violation des inégalités de Bell auxquelles ils ont donné lieu, ne sont pas des images explicatives mais des résultats de mesure effectivement observés.
jean7 a écrit : 29 oct. 2018, 03:40
Je récapitule où j'en suis.
- Une paire de pièces EPR est générée, l'une envoyée à Alice, l'autre à Bob.
- A n'importe quel moment, Alice va tirer à pile ou face en la plaquant sur un pan incliné de façon aléatoire et obtenir un résultat.
- A n'importe quel moment, Bob va tirer à pile ou face en la plaquant sur un pan incliné très précisément identique à celui d'Alice et obtiendra le résultat complémentaire.
- Ce phénomène ne se produit qu'une seule fois par paire de pièces EPR.
- L'ordre des deux tirages, l'intervalle de temps et de distance sont sans effet sur ce phénomène (il est seulement nécessaire que les plan inclinés soient identiques).
J'y suis ?
Tout à fait
jean7 a écrit : 29 oct. 2018, 03:40Si j'y suis, une question de plus : le pan incliné est, je suppose, là pour représenter la direction de mesure.
C'est ça.
jean7 a écrit : 29 oct. 2018, 03:40Si Bob mesure selon une direction différente, un plan incliné différent, il aura un résultat aléatoire. De sorte qu'entre les lignes 1 et 2 je pourrais écrire "tant que Alice et Bob jouent à pile ou face avec ces pièces sans utiliser le même plan incliné, ils obtiennent des résultats aléatoires". Juste ?
En fait, la
corrélation entre pile d'un côté et face de l'autre se dégrade seulement (pour des spin 1/2, c'est plus facile) en
cos²(thêta) quand le plan incliné sur lequel Bob plaque sa pièce de monnaie s'incline d'un
angle thêta par rapport au plan incliné sur lequel Alice plaque la sienne.
C'est un peu comme si :
- les deux pièces de monnaie,
- orientées à 180° l'une par rapport à l'autre,
- coulissaient sans tourner (liaison glissière) sur une "tige EPR très rigide"
- et qu'en plaquant une pièce sur un plan incliné d'un côté,
- ça faisant tourner la tige,
- orientant donc instantanément l'autre pièce dans une position appropriée à l'anti-corrélation
(pile sur ce plan incliné quand l'autre est face sur ce même plan et vice-versa)
- obligeant ainsi le plaquage de la "deuxième pièce" sur la face opposée quand les deux plans de plaquage sont identiques
- et favorisant le plaquage sur la face opposée (1) avec une probabilité cos²(thêta) quand les deux plans de plaquage sont inclinés d'un angle thêta l'un par rapport à l'autre.
Dans l'image ci-dessus, la "tige EPR" est infiniment rigide afin que
l'ensemble pièce1 + pièce2 + lien EPR forme un tout indissociable qu'on ne puisse étudier séparément. Or, dans une tige qui serait infiniment rigide (2), une action d'un côté aurait un effet immédiat de l'autre puisque l'ensemble forme un tout indissociable .
Cette image illustre donc l'effet EPR, mais selon l'interprétation minoritaire. Il s'agit de l'hypothèse selon laquelle l'état quantique des deux photons EPR corrélés décrirait
objectivement une entité "
réelle" formant
un tout "réel" indissociable identique pour tous les observateurs. Du coup, il y a
violation de l'invariance de Lorentz au niveau interprétatif. Cette interprétation réaliste engendre en effet une notion de simultanéité absolue et d'action instantanée à distance et donc un référentiel privilégié. Il s'agit du référentiel inertiel dont la simultanéité correspond à la simultanéité de cet effet interprété comme "réel" et respectueux du principe de causalité (les causes précèdent les effets) (cf.
Special Relativity and possible Lorentz violations consistently coexist in Aristotle space-time).
Le camp positiviste préfère considérer l'état quantique et les résultats de mesures quantiques (prédits par la règle statistique de Born) comme des
outils d'inférences statistiques (des outils prédictifs permettant de faire des paris statistiquement optimaux) et
non comme des descriptions d'une "réalité objective" qui serait indépendante de la relation observateur-système observé. Du coup, il n'y a plus de violation de l'invariance de Lorentz.
Ce n'est plus un tout indissociable, réel, objectif, spatialement étendu qui change instantanément d'état en violation de l'invariance de Lorentz, quand Alice (ou Bob) fait une mesure. C'est au contraire un
changement purement local de la connaissance d'Alice.
Ce changement d'état de la connaissance d'Alice est
induit par l'information nouvelle obtenue grâce à sa mesure. Ce changement d'état n'est alors pas (dans l'interprétation positiviste) le changement d'état d'un tout indissociable, mais
le changement d'état d'une description où ce tout est modélisé comme indissociable (alors qu'au contraire, selon l'invariance de Lorentz, rien ne change du côté de Bob quand Alice fait une mesure de son côté). Cette description est toutefois ce qu'on peut espérer de mieux (en terme d'optimisation de ses prédictions) pour décrire une réalité qu'on ne peut pas espérer décrire en tant que telle.
La notion de "réalité objective" n'a de toute façon pas de sens. On ne peut pas parler de réalité objective mais seulement d'interaction observateur-réalité observée et d'intersubjectivité. C'est cette interaction observateur-réalité observée que l'on modélise. C'est cette interaction qui est l'objet de nos prédictions. L'intersubjectivité constatée lors d'échanges d'information a pu nous maintenir dans l'illusion que les propriétés
indument attribuées à la réalité observée lui appartenaient en propre. Bon ! J'ai l'impression que j'ai, presque sans rémission possible, basculé dans le camp positiviste.
A noter que l'on peut conserver une interprétation réaliste de la fonction d'onde et sa réduction en interprétant le principe de causalité comme présentant un caractère d'émergence thermodynamique statistique dans le cadre de l'interprétation time-symmetric de l'effet EPR proposée par Aharonov & al. (cf.
Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome? Yakir Aharonov, Eliahu Cohen, Doron Grossman, Avshalom C. Elitzur).
L'interprétation rétrocausale de la
mesure faible, de l'effet EPR, du paradoxe des 3 boîtes (cf.
A time-symmetric formulation of quantum mechanics, Yakir Aharonov, Sandu Popescu, and Jeff Tollaksen, physics to day 2010, The three box paradox) me semble (maintenant) la plus naturelle (vis à vis des effets finement analysés, pas du tout vis à vis de mon intuition d'observateur macroscopique).
Pour autant, je ne crois pas utile d'en profiter pour retourner vers une interprétation réaliste de la fonction d'onde et du processus de mesure comme le propose Vaidman (cf.
Weak measurements elements onf reality, 1996, Vaidman). Qu'il y ait une réalité sous-jacente ? Oui ! Bien sûr ! Que la fonction d'onde en soit une fidèle description "objective" ? Non ! Je ne le crois plus. Je crois (maintenant) qu'elle est
un outil prédictif de la façon dont nous interférons avec la réalité.
En ce qui me concerne, j'ai mis un temps absolument considérable à envisager que l'interprétation positiviste puisse être autre chose qu'une absurdité sans nom. J'ai finalement basculé dans le camp positiviste (à 85% environ) pour des questions liées à l'interprétation du caractère négatif de l'énergie cinétique des particules dans une barrière de potentiel franchie par effet tunnel (cf.
The Two-State Vector Formalism: an Updated Review, Yakir Aharonov and Lev Vaidman, 3.3 Weak measurements which are not really weak) en liaison avec l'interprétation time-symmetric du franchissement de telles barrières à vitesse supraluminique cf.
Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome? Yakir Aharonov, Eliahu Cohen, Doron Grossman, Avshalom C. Elitzur.
Tunneling Times and Superluminality: a Tutorial, 1998, Raymond Y. Chiao
The Hartman effect and weak measurements "which are not really weak" D.Sokolovski, E.Akhmatskaya
(1) Pour compléter cette image, il faut rajouter qu'en forçant un peu sur une pièce, on peut la faire autour de la tige. Plus la "2ème pièce" est inclinée par rapport au plan de plaquage, plus le risque de la plaquer "incorrectement" est élevé. Ce risque de "plaquage incorrect" a une probabilité sin²(thêta). En particulier, quand les deux plans de plaquage d'Alice et Bob sont orientés à à 90° l'un de l'autre, les plaquages côté Alice et côté Bob n'ont alors plus aucune corrélation.
(2) Dans une barre qui serait infiniment rigide, la vitesse du son v serait infinie car v = racine (E/rho) où E design le module de Young, alors infini, et rho la densité. Les solides infiniment rigides sont donc incompatibles avec la relativité restreinte.
En particulier, des objets qui seraient infiniment rigides ne changeraient pas de longueur en changeant de référentiel inertiel. Un disque homogène, initialement dans un état de contrainte neutre, puis mis dans un état de rotation uniforme, pourrait rester dans un état de contrainte neutre en le soumettant à un chargement distribué approprié de forces centripètes (compensant la force centrifuge en chacun de se points).
Au contraire, en Relativité Restreinte, on a obligatoirement apparition d'un champ de contraintes internes quand un disque linéaire élastique homogène est mis en rotation uniforme, et ce, même si on compense au mieux, en chacun de ses points, la force centrifuge par un champ de forces centripètes de façon à minimiser l'énergie de déformation induite par sa mise dans un état de rotation uniforme.