ABC a écrit : 06 juil. 2019, 02:00C'est un point de vue. Pour ma part :
J'aime cette façon de discuter, même si je suis incapable de l'adopter.
A vrais dire je te trouve presque généreux quand au bilan que tu fais du mouvement des gilets jaunes dans ton précédent post.
Je ne parle pas des dommages collatéraux consubstantiels à l'action et que nous ne pouvons qu'unanimement déplorer.
La situation de mon point de vue n'est pas "beaucoup de chemin reste à parcourir" mais "nous n'avons pas obtenu ne serait-ce que le moyen de définir nos buts collectifs". Réclamer le RIC peut bien entendu être considéré comme une tentative en ce sens, mais c'était sans doute viser trop haut, trop tôt.
Il n'y a pas aujourd'hui unanimité ni même consensus sur ce que sont "nos problèmes" (avant de chercher à en comprendre les causes).
Il est très incertain que l'humanité, ou sa majorité, ou simplement la majorité du pays où nous vivons préfère cesser (ou même seulement limiter) la destruction de la biodiversité, l'épuisement des ressources de la planète que de laisser la génération qui vient en affronter les conséquences.
Si je suis, moi et ma famille, largement à l’abri de ces péripéties futures et que je me laisse endormir par la chansonnette selon laquelle les autres n'ont qu'à se lever tôt le matin pour atteindre mon niveau de sécurité, pourquoi donc est-ce que je changerais quoi que ce soit à mes priorités qui me réussissent si bien?
Quelle raison me ferait vouloir contribuer aux nécessités que tu décris fort justement?
Ton approche est très rationnelle pour qui partage tes buts.
Pour qui n'a de but que la protection de lui-même et des siens, le risque est grand de préférer les actions simples et efficaces de pure compétition, conformément aux règles en vigueur.
Tu considère sans l'établir que l'on est engagé dans un effort commun pour la résolution d'un problème identifié. Ce n'est pas la situation réelle.
Je reprend ton image du pare-choc que je trouve intéressante.
En effet, si les voitures ne disposaient pas de pare-choc mais qu'en son lieu et place se trouvait le siège du conducteur, il est certain que moins de piétons seraient blessés et il serait inutile d'imposer des limitations de vitesse.
De même, si au lieu d'être obligatoires les assurances automobiles étaient interdites beaucoup de conducteurs seraient tentés de redoubler de prudence ou même renonceraient à conduire pour ne pas s'exposer à la ruine totale de leur vie que provoquerait un accident avec d'importants dégâts corporels chez un tiers.
Contrairement à ce qu'on croit, selon ces exemples, notre système de société ne nous encourage pas à prendre des risques mais au contraire à exposer nos prochains.
Notre éducation nous a habitué à ne rien voir d'anormal dans ce fait et à le considérer comme naturel.
Cette habitude du parapluie (abris pour moi, goutes pour les autres) ne nous a pas du tout préparé à ce à quoi nous devrions faire face.
Il est possible que ta façon d'exposer les choses soit une version très élargie et que la mienne focalise sur quelques détails auxquels je suis sensible et qu'à ce titre je m'expose à envisager des "objectifs erronés". Mais nous ne comprenons les choses que par ce que nous avons expérimenté (ce qui n'exclue pas, mais dans une moindre mesure, ce que nous entendons ou lisons)(et ce qui n'implique pas du tout que nous tirions les conclusions les plus justes de nos expériences). In peut craindre que chacun se trouve dans ce même isolement.
"les puissants, c'est nous" ne me rassure donc pas du tout (encore que mon état d'esprits n'est pas à proprement parler l'inquiétude) pour cette raison sur laquelle je butte sans cesse : pour faire quoi? Si tu me donne la toute-puissance, je n'ai toujours pas le droit de décider à la place de tous les autres quelle solution a quel problème. Préalablement au pouvoir il me faut le savoir. Pas seulement de dans son sens absolu mais aussi dans le sens de connaître ce que veulent les autres et ce qui est "bon".
C'est dit de façon très enfantine, mais il me semble que ce problème là suffit à générer tous les blocages que l'égoïsme ou simplement la culture du parapluie ne verrouillent pas déjà. Mais surtout, à mon avis, ce problème là est certain alors que les deux autres ne sont que possibles.