11e discussion sur la psychanalyse

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Kraepelin
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11e discussion sur la psychanalyse

#1

Message par Kraepelin » 17 mai 2006, 02:59

A) Pour se comprendre, posons d'abord que le terme "psychanalyse" désigne trois choses qu'il est nécessaire de distinguer :
a) Une méthode de recherche
b) Une théorie de la personnalité, du fonctionnement psychique et du développement
c) Une méthode thérapeutique

Je le précise parce qu'il est irritant de discuter avec quelqu'un qui passe d'un sujet à l'autre sans s'en rendre compte.


Méthode de recherche

1- La principale faiblesse de la psychanalyse se trouve dans sa méthode de recherche, c'est aussi là que se trouve son intérêt. La psychanalyse est une théorie fondée principalement sur l'analyse du discours. Freud remarquait une convergence sémantique entre des contenus : symptômes; séquences d'associations; rêves; lapsus; choix de mots. Comme cette convergence apparaissant de manière itérative d'une personne à l'autre, Freud en a tiré des règles sur la formation des symptômes névrotiques, le fonctionnement de l'esprit humain et sur le développement de la personnalité.

2- Selon certains auteurs, la méthode freudienne place la psychanalyse plus près d'une herméneutique ou d'une théorie du langage que d'une science proprement dite. Mais, même dans cette perspective, le lien entre la théorie et ses fondements empiriques n'est pas particulièrement facile à faire. Pour avoir tout lu Freud plusieurs fois (Y compris sa correspondance éditée) dans le but de comprendre l'épistémologie freudienne, j'avoues m'être brisé les dents sur un certains nombres de problèmes. Celui de sa base empirique n'est pas le moindre.

3- Si donc tu cherches une science au sens de Pooper, tu n'en trouveras pas une dans la psychanalyse. Si la psychanalyse a un statut scientifique, (je dit bien "si' ) il se trouve ailleurs. Dans ma perspective, la psychanalyse est plutôt une pré-science. Elle définit assez bien son objet, et partage certains fondements philosophiques de l'épistémologie des sciences, mais elle n'a pas trouvé un corps de méthodes qui enracine clairement ses hypothèses dans le matériel dont elles seraient tirées.


Méthode thérapeutique

5- Comme méthode thérapeutique, la psychanalyse constituée une percée dans le début du dernier siècle. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Elle a peu évolué et ne présente plus qu'un intérêt limité.

6- En psychiatrie lourde adulte, elle a été complètement abandonnée. Sa théorie explique encore la formation des symptômes délirant mieux que ne le font les autres théories, mais comme thérapeutique, elle faisait plus de mal que de bien. Des recherches empiriques comparatives ont d'ailleurs montré que la thérapie psychanalytique augmentait les épisodes aigus chez les schizophrènes sans apporter de bénéfice en contrepartie. Pour l'autisme, les troubles bipolaires et les autres troubles psychiatriques à fortes composantes organiques, elle est au mieux inefficace.

7- Dans les traitements des troubles anxieux et des troubles dépressifs, elle est d'une efficacité clinique comparable à bien d'autres traitements. De manière générale, elle tend quand même à perdre de sa popularité au profit de méthodes alternatives plus économiques, plus simples à manipuler et généralement plus courtes. Elle persiste encore à être pratiquée pour des raisons pratiques assez difficiles à expliquer à quelqu'un qui n'est pas du milieu. Pour simplifier, disons que le choix d'un traitement ne repose pas seulement sur le diagnostic. Il repose bien d'avantages sur la personnalité et les attentes des patients. Or, il existe encore bien des personnes (10 à 15%) pour qui la meilleure indication reste la psychanalyse, quel que soit le trouble anxieux ou dépressif qu'ils présentent.

8- Dans le traitement des troubles de la personnalité, la psychanalyse est pionnière" . C'est peut-être pourquoi elle conserve encore une longueur d'avance, sans pour autant faire des "étincelles" en termes de résultats.

9- Reste le noyau dur, le secteur où la psychanalyse semble indélogeable : La psychothérapie d'enfant. Je crois comprendre pourquoi, mais j'aurais du mal à expliquer. Il y a peut-être que c'est le champ où la psychanalyse a la plus évoluée depuis la mort de Freud. C'est aussi le champ où les psychanalystes se sont amalgamé le plus avec la recherche expérimentale, au point où on fini par ne plus savoir quoi appartient à qui.. Mais je crois que c'est surtout parce que c'est le domaine où le lien entre la théorie et la pratique est le plus direct. Chez les enfants, les symptômes sont moins déformés par les mécanismes de défenses. En psychanalyse adulte, on spécule sur la relation parent-enfant. En psychanalyse d'enfant, on observe cette relation.


Théorie psychanalytique

10- Je disais plus haut que la psychanalyse est une théorie fondée principalement sur l'analyse du discours. Freud remarquait une convergence sémantique entre des contenus : symptômes; rêves; lapsus; choix de mots; séquences d'associations. Comme cette convergence apparaissant de manière itérative d'une personne à l'autre, Freud en a tiré des règles sur le fonctionnement de l'esprit humain, sur le développement de la personnalité et sur la formation des symptômes névrotiques.

11- Je prends très au sérieux cette convergence qui est le coeur de la psychanalyse. Je la prends très au sérieux parce que je l'ai observé fréquemment. Cet argument ne vos rien au plan scientifique! Je te le donne simplement comme une explication de ma "croyance" dans la validité de certains concepts psychanalytiques. Il faut dire également que cette convergence a reçu certaines confirmations empiriques indirectes. Ces confirmations proviennent de champs de recherches en psychologie qui sont nés de la psychanalyse pour ensuite s'en distancer en développant leurs propres méthodes de recherches suivant l'objet d'étude spécifique qu'ils avaient choisi.


Trois des quatre bases

Dynamique
La dynamique psychique est une inférence commune. Elle n'est d'ailleurs pas exclusive aux psychanalystes. Les gens qui viennent s'asseoir dans nos bureaux ont souvent des motivations contradictoires, au point d'en être paralysés dans leur capacité d'agir sur la réalité.

La manière de composer avec ces contradictions, ensuite, se ressemble beaucoup d'une personne à l'autre, ce qui permet d'identifier des mécanismes de défense (inférence) fréquents.

Structurel
Ces contradictions dynamiques sont souvent structurelles. Elles semblent impliquées des "cluster de motivations" fondamentalement opposés qui se ressemblent aussi beaucoup d'un sujet à l'autre..

Génétique
Ces contradictions semblent finalement avoir des origines précoces dans l'histoire du sujet. Là, par contre, les variations sont presque infinies et la théorie psychanalytique tient plus de la caricature que du plan détaillé.


Pour ouvrir une discussion, ça me semble suffisant.
« Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire. » George Orwell

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adhemar
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#2

Message par adhemar » 17 mai 2006, 11:47

Merci beaucoup, Kraeplin...

Pourrais tu m'expliquer en quoi la psychanalyse est une herméneutique ? J'avoue que je ne sais pas ce que ce mot signifie, et Wikipédia me donne:
Wikipedia a écrit :L'Herméneutique (...) est l'interprétation de tout texte nécessitant une explication, notamment dans la critique littéraire ou historique et dans le droit.
Dans le cas de la psychanalyse, qu'interprètez vous ? Les paroles du 'patient' ?

Adh'

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Raphy
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#3

Message par Raphy » 17 mai 2006, 11:52

Bonjour,

je pense qu'il serait plus juste de parler de langage que de discours. Le langage comprend toutes forme d'expressions et pas uniquement le parler : le corps exprime, la gestuelle exprime, etc. Le psychanalyste est un expert dans le domaine de ces langages, si on veut (et si on ne veut pas, tant pis).
" La foi, c'est accepter d'être accepté. "
Réf. Paul Tillich in "Le courage d'être"

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Kraepelin
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#4

Message par Kraepelin » 17 mai 2006, 14:13

adhémar,

Remarque que je n'ai pas dit que la psychanalyse est une herméneutique mais que "certains auteurs" l'affirment. J'ai pris cette distance parce que je ne suis pas certain non plus de savoir ce qu'est une herméneutique. Ce n'est pas ma spécialité et mes connaissances en philosophie restent embryonnaires.

Pour ce que j'en comprends, l'herméneutique est un sous-ensemble de l'épistémologie. Elle désigne l'ensemble des questions qui se posent en philosophie lorsque le sujet cherche à connaître un objet présumé avoir une signification communicative. Dans ce contexte, l'herméneutique s'oppose presque à "l'analyse" qui est le processus de connaissance d'un objet qui n'a pas de valeur communicative.

La psychanalyse poserait les problèmes propres à une herméneutique dans la mesure où, dans sa démarche, Freud en est venu à supposer que les contenus qu'il "analysait" avaient une signification qu'il fallait décrypter.
« Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire. » George Orwell

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