#709
Message
par Herwingen » 09 juin 2020, 10:01
Bonjour les gens.
Je visite ce forum depuis quelques mois. Des sujets intéressants, avec parfois de bonnes discussions, et des références d’auteurs. (je suis en train de lire Richard Carrier, lentement car non parfait bilingue)
Parfois les discussions sont amusantes à lire non par leur richesse, mais par la profondeur de la mauvaise foi de certains intervenants.
Bref, je remonte ce fil, car cela ne fait pas longtemps que je l’ai lu, et que tout les intervenants sont encore présents sur le forum.
Je voulais apporter une réponse à JRoche. Ou plutôt quelques précisions.
Vous trouvez suspect que deux policiers aient été virés. Cela pour ne pas qu’ils parlent selon vous.
Fort de mon expérience des services de police, je peux vous garantir que cela n’a aucun sens. Lorsque l’on veut contrôler un policier, ou autre membre de quelque service étatique, on le garde dans sa fonction, on lui donne un poste qu’il désire, ou une promotion. Il pourra comprendre, ou on lui fera comprendre ce qu’il peut perdre en parlant. Et même dans ce cas, il parle toujours. Un collègue s’est ainsi confié à plusieurs d’entre nous, du débriefing d’un juge d’instruction, au sortir d’une perquisition avortée dans un club échangiste, dont les « clients » bien connus, ne devaient surtout pas être salis, éclaboussés, par quelque fuite. Le message était clair : « si vous ne voulez pas que votre carrière stoppe net, vous ne parlez de rien de ce que vous avez vu ce soir ». Et quand en plus, on connait le pouvoir des juges d’instruction, on obtempère. Et mon collègue raconte ça plus de trente années après, lorsque rien de ce qu’il a vu ne peut encore choquer, lorsque sa carrière est faites, à 2 ans de sa pension.
Votre interprétation des faits est fragile parce que sans fondement.
De plus, penser que la découverte d’un corps, qu’on ne pourrait définir immédiatement comme humain, ou animal, poserait problème est également inepte. Votre erreur est, je l’espère, due à votre méconnaissance du travail policier, et non à une mauvaise foi aveugle à vous persuader que vos conclusions sont correctes, sans même vous donner la peine de comprendre de quoi vous parlez.
Dans le cadre d’une intervention avec découverte de restes humain, ou potentiellement humain, nos services sont diligentés.
Il peut s’agir d’un corps, morceau de corps, os retrouvé dans une cave, dans un jardin, et plein d’autres possibilités. Le premier travail d’un policier à son arrivée, est de localiser, protéger les traces et les lieux, identifier l’appelant et / ou les autres personnes présentes. Ensuite, se faire une idée de ce dont il s’agit. Il peut en effet s’agir d’une plaisanterie, ou une erreur, facilement décelable. Imaginons que ce n’est pas un de ces deux cas. Un magistrat doit être contacté pour obtenir ses instructions. ( un magistrat sera avisé même en cas de suspicion de plaisanterie ou d’erreur, car il décide lui seul des suites à apporter) Même aux Etats Unis ce genre de procédure existent, ce n’est pas une jungle les Etats Unis. Souvent ce n’est même pas l’intervenant lui-même qui prends contact avec le magistrat, mais un officier, dans un bureau, contacté par l’intervenant depuis les lieux. Un magistrat, s’informera auprès de son interlocuteur que les vérifications d’usages ont été faites, que les lieux sont bien protégés, que les appelants et témoins sont identifiés. Si les toutes les premières mesures, dont je ne donne ici qu’un petit aperçu, sont prises, le magistrat confirme celles-ci. Sinon, il les ordonne.
Aucun magistrat ne décidera de lever un périmètre d’un potentiel lieu de crime, sans une bonne raison. Cette bonne raison est souvent le passage d’un médecin et de techniciens de laboratoire judiciaire. Il est courant que dans la majorité des cas, un médecin est déjà sur place, appelé en même temps que les services de police. Dans ce cas le décès est confirmé par le médecin d’urgence, avec le formulaire ad hoc. Toujours une trace écrite. Dans notre pays, et je peux m’avancer en disant que cela ne doit pas fortement être différent dans d’autres pays, trois possibilités s’offrent au médecin. Définir le décès comme naturel, suspect, ou indéterminé. Seul la déclaration de décès naturel provoque la levée des mesures de protection, sur ordre du magistrat. Les deux autres nécessitent le passage du labo et éventuellement la descente du parquet. Après seulement le corp /restes sont emportés et emmené vers une morgue où une autopsie pourra être ordonnée. Ce qui arrive dans la majorité des cas suspects ou indéfinis.
Il est arrivé que des restes soient à posteriori attribués à un animal. Aucun problème.
Si l’appel à la police concerne un animal mort, cela ce passe un peu de le même façon, à la différence qu’un appel à un magistrat ne se fera que s’il est possible d’être en présence de maltraitance animale, qui puisse continuer.
Exemple personnel, des sacs poubelles remplis de cadavres de chats morts sur la voie publique.
Notre enquête auprès des premières personnes rencontrées nous indique qu’un cabinet vétérinaire à fermé dans la rue. Les informations seront confirmées. Pas de risques immédiat pour d’autres animaux, on fait enlever les sacs, et l’enquête qui suivra auprès des responsables du cabinet déterminera, avec éventuellement un avis de magistrat demandant autopsie, ce qu’il s’est passé. Et si un officier avait téléphoné à un magistrat pour avoir son avis, c’était correct dans la procédure aussi, et cela peut arriver, dans ce genre de cas, car c’est pas toujours évident de savoir exactement quoi faire, ou prendre une responsabilité, et s’en remettre à la décision d’un supérieur.
Si nos services sont appelés pour un corps / restes, qu’on ne peut déterminer comme animal ou humain, on fait comme si c’était humain. Dans tout les cas de doute. A charge du médecin légiste de déterminer à quoi nous avons affaire.
Personne dans cette chaîne ne prendra la responsabilité de ne pas avoir suivi les procédures correctes et utiles à l’enquête d’un éventuel crime. Mais de plus, dans le cas d’un animal qui aurait été tué par quelqu’un, il s’agit également d’une infraction, et des vérifications doivent être faites pour identifier l’auteur. Cela arrive moins aux policiers opérant dans les centres urbains, mais des policiers ayant des forêts sur leur territoire de patrouille, seraient rompus à ces procédures.
Imaginer que par commodité, des policiers feraient disparaître un corps est inepte. Sachant qu’il y à comme possibles témoins ou preuve de l'intervention l’appelant, le central d’appel, la fiche d’intervention envoyée informatiquement au dispatching de la police, tous les collègues ayant entendus la mission donnée sur les ondes, et au US, plein de potentielles oreilles écoutant à longueur de journée les ondes des radio de la police, et les chefs, au courant de la mission, qui attendent les premiers éléments d’enquête. Des services de contrôle peuvent encore venir ensuite pour vérifier que le travail a été fait. Imaginer des policiers, alors même que rien ne les impliquerait dans une découverte zoologique, qu’ils n’ont même pas eux même la responsabilité de déterminer la nature des restes, (pas plus qu’un officier, pas plus qu’un magistrat), détruiraient ces restes pour éviter quelque problème est un effort d’imagination que, certes je vous reconnais, mais ne partage pas.
Les services de police, et d’autres services étatiques, fonctionnent avec une chaîne de commandement qui déresponsabilise chaque intervenant de toute responsabilité décisionnelle. Chaque geste de procédure effectué étant confirmé par un officier et plus, voire la Loi. Il n’est donc pas un réflexe, une habitude, une façon d’agir, qui viendraient à des intervenants, leurs chefs, un magistrat, etc…, de prendre une responsabilité, celle de la destruction de potentielles preuves de crime, alors qu’ils leur suffit de faire le boulot de manière professionnelle pour ne pas avoir de responsabilité de quoi que ce soit.
Maintenant vous pouvez, si c’est ce qui vous procure bonheur, de continuer à penser autrement, et vous imaginer que les services de police de quelque patelin auraient à cœur de faire disparaître des corps, dès qu’ils pensent qu’il s’agit peut-être de Bigfoot himself. C’est votre droit, mais c’est inepte.
Bonne journée à tous
"Que deviendrait la police, si l'innocence l'intimidait ?"
Alexandre Arnoux