Pour commencer, il faut peut être resituer le contexte dans lequel cet article a été écrit. Ilya Prigogine est un des rares belges a avoir obtenu le prix Nobel (Chimie - 1977). Prigogine s'est ensuite écarté de son domaine de recherche initial (la thermodynamique irréversible) pour étudier des lois beaucoup plus fondamentales et les systèmes chaotiques qui venaient d'être découvert à cette époque. Il a été suivi par une kyrielle de chercheurs d'envergure très variée.
Pour expliquer en gros, il s'est attaqué au problème de l'irréversibilité en physique. C'est un paradoxe connu depuis plus d'un siècle: les lois fondamentales de la nature (que ce soit en mécanique classique ou en mécanique quantique) sont invariantes sous le renversement du temps. C'est à dire que, si un mouvement existe avec le temps s'écoulant dans un sens, le mouvement avec le temps s'écoulant dans l'autre sens n'est pas interdit par les lois de la nature. Cependant, on voit tout de suite que cette invariance sous le renversement du temps est en contradiction avec l'irréversibilité qu'on observe tout les jours (des gens meurent, mais ne ressucitent pas, des objets se brisent, mais ne se rassemblent pas spontanément, l'entropie augmente, mais ne diminue pas).
Deux possibilités s'offrent alors au physicien. Soit on garde l'invariance sous le renversement du temps et on trouve un mécanisme expliquant pourquoi certains mouvements sont observés et pas d'autres, soit on change les lois fondamentales pour les rendre non-invariantes, en dépit de leur succès indéniable. La première solution a été choisie par Ludwig Boltzmann au 19ème siècle, et permet effectivement d'expliquer l'irréversibilité. Cependant, pour des raisons historiques, son explication a perdu de sa puissance au début du 20ème siècle, principalement à cause de conceptions erronées du concept de probabilité. Les choses ont commencé à devenir plus claire aux alentours des années 70, pour arriver de nos jours à une excellente compréhension du concept d'irréversibilité.
Prigogine a choisi l'autre voie: modifier les lois de la nature, pour introduire l'irréversibilité à la main. Son idée de base: les systèmes chaotiques sont pour lui irréversibles. Avec le recul, il me semble qu'on puisse dire qu'il s'est bien planté, principalement aveuglé par ses préjugés philosophiques (principalement Bergsonniens).
Face à ça, Bricmont réexplique le point de vue de Boltzmann.Bricmont, expliquant Prigogine a écrit :The existence of chaotic dynamical systems supposedly marks a radical departure from a fundamentally deterministic world-view, makes the notion of trajectory obsolete, and offers a new understanding of irreversibility. Prigogine and Stengers claim that the classical conception was unable to incorporate time in our view of the world ([95], chap.1) or to account for the irreversibility of macroscopic phenomena. Boltzmann's attempt to explain irreversibility on the basis of reversible laws failed ([98], p.41).
Suite au prochain numéro...Bricmont a écrit :I want to develop quite different views on most of these issues. In my opinion, chaos does not invalidate in the least the classical deterministic world-view; the existence of chaotic dynamical systems actually strengthens that view (Sect. 2). Besides, the relationship between chaos and irreversibility is quite different from what is claimed e.g. in “Les lois du chaos” [98] . Finally, when they are correctly presented, the classical views of Boltzmann perfectly account for macroscopic irreversibility on the basis of deterministic, reversible, microscopic laws (Sect. 3).