De Passage a écrit :Bon je crois que je vais pas couper à l'achat du livre de Meurger. Je verrai bien alors ces "nombreux témoignages" dont tu parles, et si la ressemblance avec les ovnis est si significative ... J'en doute, mais on verra
Pour moi la ressemblance est évidente, mais je pense aussi que pour toi elle ne le sera pas du tout.
De Passage a écrit :Sinon pourrais-tu me donner une ou deux références accessibles (ie : pas des incunables) de ces "nombreux récits de voyages médiévaux", où des créatures surnaturelles (fées si possible, gnomes, ...) sont censées avoir été réellement vues et décrites comme réelles, et non simplement comme des sujets de contes et légendes ?
Des fées, je doute qu'on puisse en trouver dans les récits de voyage. Le cas des fées, lutins, elfes et de tout ce « petit peuple » est complètement différent du cas des dragons, licornes et autres monstres. Fées et elfes sont une croyance populaire païenne appuyée sur de vieilles légendes, tandis que dragons et licornes sont une croyance « savante » appuyée sur diverses autorités. Les voyageurs étant généralement issus d'un milieu social élevé, ils rencontraient sur leur chemin les créatures correspondant à leurs propres croyances, pas à celles du peuple.
Marco Polo par exemple rencontre une licorne. L'animal qu'il décrit ressemble fort à un rhinocéros, bien sûr.
Marco Polo, comme bien d'autres voyageurs (Mandeville, Oderic de Pordenonne) décrit aussi sa rencontre avec les cynocéphales, des hommes à tête de chien.
D'autres récits, comme la lettre du prêtre jean, au XII ème siècle (apocryphe, mais qui fut prise au sérieux au moyen-âge) décrivent un royaume chrétien d'Inde où abondent les licornes, griffons, faunes, phénix, et où l'on domestique même les dragons.
Si on veut remonter à l'antiquité, Hérodote, de voyage en Egypte, découvre près de Bouto un nombre incroyable d'ossements de serpents ailés, dont certains semblent gigantesques. Il en donne la description dans le livre II de l'Enquête. D'après ses renseignements, ces ossements sont les restes laissés par des combats annuels entre les ibis et serpents ailés, qui ont lieu au printemps dans cette région.
Ce ne sont pas toujours, comme tu le voudrais, de vraies rencontres attestées avec des créatures fabuleuses. Marco Polo n'a rencontré qu'un rhinoceros, non une licorne. Hérodote n'a fait que trouver des os et il a expliqué leur présence en se fiant aux témoignages. Ce que tu désires est impossible – le récit d'une rencontre réelle avec une créature fantastique – puisque de telles créatures n'existent pas. C'est comme si tu demandais le récit d'une rencontre réelle avec un extraterrestre : ceux-ci ne visitant probablement pas notre planète, ces récits n'existent probablement pas. Au mieux tu auras des récits de gens qui croient avoir rencontré un extra-terrestre mais qui se trompent (comme pour la licorne de Marco) ou des enquêtes d'ufologues qui se basent sur des traces ou d'autres indices mis en rapport avec des témoignages douteux (comme Hérodote avec ses ossements de serpents volants).
Ceci dit, pour revenir au fées et aux elfes, le problème que posent ceux-ci et le fait que, en tant que croyances populaires, elles n'ont presque pas laissé de traces. Avant les débuts de l'ethnographie, si on sait très bien ce que croient les élites (les lettrés, ceux qui lisent le latin et le grec) parce qu'il en reste des traces écrites, on ne sait en revanche presque rien des croyances du peuple (sauf à travers les délires des inquisiteurs, évidemment peu fiables). La plupart du temps, pour étudier les croyances populaires, les historiens en sont réduits à interpréter et recouper les contes et légendes du folklore, qui représentent quasiment le seul matériel utilisable.
Il reste tout de même quelques rares traces plus solides, quelques témoignages comme ceux que tu cherches. Je te renvoie par exemple à l'article de Frédéric Dumerchat, « Les rapts aériens fantastiques, du diable à l'ovni » dans l'ouvrage commun sous la direction de Thierry Pindivic, « Ovni, vers une anthropologie d'un mythe contemporain ». On y cite quelques cas attesté de récits de rencontres avec des fées, datant du XVII ème siècle, et présentés comme vécus, non comme des contes.
J'ai aussi trouvé quelques éléments intéressants dans « Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au moyen-âge » de C. Lecouteux (dont tous les livres sont toujours une excellente source sur bien des sujets touchant au croyances populaires médiévales). Il parle d'une ancienne croyance bien attestée en France et en Allemagne au moyen-âge (rapportée par de nombreux religieux qui s'en offusquent), selon laquelle les « Bonnes Dames », des esprits qui traversent la nuit les villages et entrent dans les maisons, apportent l'abondance si on leur a laissé de la nourriture. Avec ces créature magiques féminines et bienveillantes, on est proche de l'image de la fée.
Et pour finir, malgré la rareté des témoignages de rencontres avec des fées, à partir du moment où on a cru au fées, il semble logique qu'il y ait, forcément, des rencontres avec ces êtres. Tout comme bien des chrétiens convaincus ont « vu » Jésus ou la vierge Marie. Il y aura toujours des gens pour voir ce en quoi ils croient.
Ca me fait penser par exemple à un épisode relaté par l'un des fondateurs de l'ethnographie moderne, Malinowski (dans
Les argonautes du pacifique occidental, en 1920). Il est parti à plusieurs reprises en expédition maritime avec des indigènes des iles trobriands. Ceux-ci croient en divers dangers propres à ces expéditions, comme la pieuvre géante (dont on se débarasse en sacrifiant un jeune enfant), ou les pierres vivantes qui vivent sous l'eau et attaquent les canoë (pour s'en débarrasser, même recette, sacrifice d'un petit enfant) et le pire danger de tous, les terrifiantes sorcières volantes. Malinowski a été témoin de deux attaques, une de la part des pierres vivantes, et une de la part des sorcières volantes, qui a provoqué une panique totale à bord. Enfin, "témoin", c'est une façon de parler : il a surtout été témoin de la panique des indigènes qui voyaient les sorcières volantes - alors que lui-même ne voyait rien d'anormal.
Bref, il suffit de croire pour voir.