...mais faut bien admettre que la philosophie, la science, la rationalité et l’esprit critique sont intimement liés, historiquement, avec les démocraties occidentales (= droits et libertés, laïcité) . Bref le « Siècle des Lumières », l’Europe contre l’obscurantisme, tout ça! Non?
Etienne Beauman a écrit : ↑Or ce n'est pas le cas, on peut, on doit même utiliser l'outil de l'esprit critique y compris pour remettre en question ces valeurs.
Ben oui, mais c'est ce qu'on fait depuis tjrs dans nos sociétés!

Cette discussion pourrait se retrouver ici:
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01920498
La formation à l'esprit critique est une ambition continue de l'enseignement français pour accroître la part du rationnel dans la société.Condorcet affirmait déjà dans son Rapport etprojet de décret relatifs à l'organisation générale de l'instruction publique à l'Assemblée Législative, 20 et 21 avril 1792 : "Il ne s'agit pas de soumettre, chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacun devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison."La pensée de Condorcet reste d'une grande actualité à l'heure de la transformation des comportements et des pratiques sociales par Internet. Devant des risques renouvelés, l'Ecole doit assurer la construction d'esprits éclairés, autonomes et capables de résister à toutes formes d'emprises. L'esprit critique est à la fois un état d'esprit et un ensemble de pratiques qui se nourrissent mutuellement; il n'est jamais un acquis, une exigence toujours à actualiser.Il s'agit aujourd'hui de développer des compétences à évaluer l'information, à distinguer les interprétations validées par l'expérience, des hypothèses, des opinions et des croyances.L'esprit critique s'applique en particulier à l'information numérique par définition diffuse, morcelée et complexe voire irrationnelle. Il s'agit, dans le cas des infox, de savoir identifier des informations mensongères fabriquées par des individus, des courants ou des Etats, diffusées à grande échelle par les réseaux sociaux, sans participer volontairement ou à son insu à leur diffusion
Je n'aurais pas la prétention d'insinuer que je connais "mon" Condorcet sur le bout des doigts.
Le siècle des Lumières nous a laissé un legs inestimable. Il serait bon, de temps à autre, de s'y replonger. Le fourmillement des idées et la vivacité d'esprit furent un phénomène d'une ampleur sans commune mesure sur le plan historique.
Un évènement quasi-unique.
http://institut.fsu.fr/IMG/pdf/jaures_e ... cation.pdf
C'est bien pour ces raisons que j'ai explicitement précisé qu'enc... les mouches ne m'intéressait aucunement.
Moins trivialement, quel intérêt à vouloir réinventer l'eau tiède ?
Bifurcation... de l'importance des niveaux d'organisation...
La soumission à l'autorité.
Avec en point de mire les travaux remarquables, et devenus incontournables sur le sujet, de Stanley Milgram.
Depuis 60 ans, une armée de chercheurs a tenté de trouver une faille et réfuter cette étude, concernant le comportement humain.
La formation à l'esprit critique consisterait à ouvrir les yeux à ce niveau.
On peut toujours s'amuser à séparer les différentes composantes de cette problématique (valeurs républicaines, laïcité,....).
...et aboutir à une perte de sens, à une absurdité de raisonnement.
Si on envisage pas la question des niveaux d'organisation, ce à quoi Milgram s'est attelé, un emprunt à la cybernétique, le concept de la soumission à l'autorité devient une coquille vidée de son contenu.
Tant que nous n'aurons pas admis et compris comment nous fonctionnons, il y aura peu de chances que les choses changent.
La formation à l'esprit critique passe OBLIGATOIREMENT par des questionnements à ce niveau.
Quelles valeurs ? Quelle (s) autorité (s)? ...
On peut étudier les éléments séparément, on ne peut pas les détricoter car ils forment un ensemble cohérent.
L'un ne fonctionne pas sans l'autre, avec des boucles rétroactives, des "servo-mécanismes".
La formation à l'esprit critique ne peut pas s'envisager et se comprendre sans se confronter à cette soumission à l'autorité, qui que l'on fasse ou pense, on la retrouve partout. C'est une composante, un axe majeur, social et sociétal.
Grossièrement exprimé, Stanley Milgram, à partir de 1963, c'est le "pont" entre la philosophie et les sciences humaines. Pas pour rien qu'il s'est longuement penché sur les productions de Hannah Arendt.
...En effet, ce qu’on appelle la personnalité d’un Homme s’est établi sur un tel bric-à-brac de jugements de valeur, de
préjugés, de lieux communs qui pèsent et qui, à mesure que son âge avance, deviennent de plus en plus rigides, de moins en moins remis en question. Et quand une seule pierre de cet édifice est ôtée, que tout l’édifice s’écroule et qu’il découvre l’angoisse, que cette angoisse ne
reculera pour s’exprimer ni devant le meurtre pour l’individu, ni devant le génocide ou la guerre pour les groupes sociaux.
On commence à comprendre par quels mécanismes, pourquoi et comment, à travers l’histoire et dans le présent, se sont établies les échelles hiérarchiques de DOMINANCE.
Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les Hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent, tant qu’on n’aura pas dit que, jusqu’ici, c’est toujours pour DOMINER les autres, il y a peu de chance qu’il y ait quelque chose qui change".
"Mon oncle d'Amérique", Alain Resnais, 1979.
Derniers commentaires de Henri Laborit
Dans le document proposé par Dom comme contexte à ce fil de discussion, on lit par exemple ceci
L’école est un creuset de l’humanisme républicain ; son fondement même est de former
le citoyen de demain
Etienne: Je suis pas d'accord.
Pour exprimer pourquoi, il me serait nécessaire de séparer la méthode (l'usage de l'esprit critique) des sujets traités (l'école, l'éducation, la citoyenneté, l'humanisme, la république, etc.)
Dominique nous vend un package ("il me paraît difficile de séparer valeurs de la république, citoyenneté, laïcité, connaissances scientifiques, formation de l'esprit critique"), j'achète pas.
Et c'est pour ça que je faisais allusion à la manière de faire de certains zététiciens, nous vendre leur idéologie maquillée par une forme zététique.
Je répète ce que j'ai dit :
L'esprit critique est une attitude qui ne doit pas être assujetti à la défense de dogmes.
On peut tout à fait critiquer les valeurs de la république, la république elle même, la laïcité (tous ces termes seraient à définir précisément d'ailleurs), l'usage des connaissances scientifiques.
Dominique18 a écrit : ↑10 nov. 2021, 18:14
Elle s'exprime par rapport à un niveau d'organisation, l'enseignement dans le cas considéré, qui lui-même s'exprime dans un autre niveau d'organisation, la société...
Etienne: Société entièrement vouée ou presque, et en partie grâce à son système éducatif, à son autoperpétuation quoi qu'il en coûte, ce qui nous conduit tout droit à un désastre écologique.
Je suis d'avis qu'on peut parfaitement dans une démarche de formation à l'esprit critique, reconsidérez les bases de la société, questionner ses valeurs, pointer les manquement à celle ci les contradictions entre les discours et les faits, etc.
C'est quoi exactement, le problème?
L'esprit critique est une attitude qui ne doit pas être assujetti à la défense de dogmes.
On peut tout à fait critiquer les valeurs de la république, la république elle même, la laïcité (tous ces termes seraient à définir précisément d'ailleurs), l'usage des connaissances scientifiques.
Du moment qu'on le fait rationnellement en faisant usage d'arguments valides et de prémisses vraies.
Ferdinand Buisson (1841-1932)... quelques bases historiques...
Autre conviction : l’école doit former des républicains : Les enseignants des écoles publiques ne sont pas neutres, ils sont les propagateurs de l’idéal laïque : ils militent pour la république (même si certaines opinions sont blessées !). A des enfants qui doivent vivre en démocratie, on n’enseigne pas la théocratie. L’école doit donc être laïque pour l’enseignement, la méthode, l’esprit. Elle doit parler haut et fort au nom de la raison. Pas de credo, mais la capacité d’agir et de juger pour chacun. "le peuple n’est souverain que si le citoyen est éclairé "
* Il importe donc d’instruire mais aussi d’éduquer. La démocratie a besoin de l’instruction du citoyen, mais l’élève a aussi besoin d’autre chose que d’alphabet ou de calcul ; l’enseignant doit parler au cœur comme à l’esprit, éduquer la conscience. Il ne peut y avoir neutralité, ou mutisme à l’égard des questions d’ordre moral, philosophique ou religieux. Il faut une culture générale sur tous ces sujets.
* Certes, la morale universelle, indépendante de la religion existe, depuis l’antiquité ; mais les maitres de Ferdinand Buisson sont : Condorcet (à qui il a consacré un ouvrage), Edgar Quinet. Buisson pense que la morale laïque suffit pour une éducation complète ; il faut une morale sans la « croyance à un Etre suprême », sans discussion sur les dogmes, une morale éveillant la conscience, et s’appuyant sur l’idéal laïque. Les idées de droit, de justice, et de devoir, les idées du bien et du mal naissent de nos réflexions sur nous-mêmes. Et bien sûr, cet enseignement moral et civique doit être donné par l’instituteur.
* Cependant, F. Buisson ne renoncera jamais à l’affirmation d’une religiosité spécifique de la morale laïque ; il a d’ailleurs publié un recueil intitulé : "la foi laïque" … et c’est ce qui, aujourd’hui est complexe à saisir. Il a la volonté de garder au sein de l’école laïque le sentiment religieux, sans dogme, sans rite, sans appartenance à une institution religieuse... Son idée est que l’homme est perfectible, il atteint le bien au terme de son action, mais ne le possède pas à l’origine, comme le professe la religion catholique.
* Pour Jacques et Mona Ozouf, cette religion républicaine et spiritualiste a été celle des hussards noirs de la République : « ils croient au vrai, au beau, au bien, à un idéal et dieu est sans doute cette perfection qu’ils poursuivent sans espoir de l’atteindre ».
https://www.laicite-aujourdhui.fr/?BUIS ... la-laicite
Pour les curieux qui n'aiment pas tourner en rond... Même en recontextualisant, force est de reconnaître et d'admettre qu'on est loin du compte en novembre 2021. Il y est question de niveaux d'organisation, d'information-structure, d'information-circulante...
Le titre de ce fil est: Formation à l'esprit critique.
Avec une simple information, et la présentation d'un enseignant-chercheur: Denis Caroti.
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.