Igor a écrit : 10 déc. 2021, 18:09
Ça reste équivoque pour moi, je ne suis pas toujours certain qu'on a raison avec cette loi.
Au niveau des principes, je suis aussi très tiède. La liberté d'expression individuelle est un poids lourd pour contrebalancer le devoir d'affirmation de la laïcité de l'État.
Par contre, au plan pratique je tranche en faveur de la loi pcq les conséquences sociales sont à prendre en compte. Au seul niveau des principes, crier «
au feu!» dans une salle de cinéma est légitime, mais lorsque l'on prend en compte les conséquences prévisibles, ça devient une très très mauvaise idée. C'est un peu comme ça pour les signes religieux. Indépendamment de l'intention du fonctionnaire, il faut aussi que l'établissement tienne compte de la perception et de l'interprétation des usagers au service de qui l'établissement a été fondé.
La veille de mes stages en psychologie, j'avais les cheveux au milieu du dos et j'étais vêtu d'une
chemise de chasse carotté rouge
Je suis passé chez le coiffeur et j'ai adopté la tenue vestimentaire la plus neutre possible. Tous mes camarades responsables ont fait la même chose sans que les titulaires aient eu besoin de nous le demander. Pourquoi?
Lorsque tu reçois une patiente, tu es là pour elle. Tu dois éliminer tout ce qui pourrait faire obstacle à une relation de confiance. Afficher son parti pris politique ou religieux et simplement adopter une tenue "contre-culturelle" constituent des obstacles potentiels important. Une seule de nos amies n'a pas changé son apparence (
gothique). Elle s'est fait "parler dans le casse" par son superviseur.
Il en a été de même à mon arrivée sur le marché du travail. Il y a toujours eu des normes vestimentaires et l'absence "d'affichage politique et religieux" en a toujours fait partie. Chez mon dernier employeur, le DG faisait même une mise au point chaque année. Il rappelait aussi aux jeunes professionnelles de conserver une tenue modeste et discrète : pas de mini-jupe ni de décolleté.
En dehors du milieu de la santé, je crois qu'il faut aussi tenir compte de l'interprétation et de la réaction. Je suis le papa d'un garçon appartenant à une minorité visible et je suis très à l'affût de tous les courants politiques ou culturels qui pourraient le menacer. Je peux me tromper dans mon analyse, mais les commentaires que j'entendais me laissaient croire que dans la plupart des milieux francophones, les signes religieux étaient très mal reçus. Ils étaient interprétés comme des provocations ou des manifestations de mépris pour la société d'accueil . Avant l'adoption de la loi 21, j'avais l'impression d'une monter en flèche de la méfiance et le l'hostilité. Même les gentilles travailleuses sociales à moitié "woke" avec qui je travaillais commençaient à proférer des remarques xénophobes. Je n’aimais vraiment pas ça. Après l'adoption de la loi, la tension a diminué significativement. Il y avait une règle largement admise dans les milieux francophones qui apaisait les craintes sous-jacentes.
Encore aujourd'hui je reste favorable à la loi 21 et ce n'est certainement pas les braillages des Anglo-canadiens de droite qui va me faire changer d'avis ...
« Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire. » George Orwell