Aussi curieux que cela puisse paraître, c'est à la fois notre interaction avec l'univers et notre grille de lecture d'observateur macroscopique qui confère à l'univers les propriétés que nous lui attribuons indument. C'est l'illusion réaliste.
shisha a écrit : 23 mai 2022, 14:28J'éprouve pas mal de résistance avec cette façon de voir les choses.
C'est normal.
shisha a écrit : 23 mai 2022, 14:28La manière que j'ai de raisonner est la suivante (la manière classique j'imagine ^^): Quand je serai mort, le monde continuera à tourner sans moi. Quand l'humanité ne sera plus, le monde (dont les étoiles) continuera à tourner sans elle.
Oui...
...au sens que
nous atribuons à ces notions, notamment la notion d'
écoulement du temps, en raison :
- de notre mode d'interaction avec l'univers d'une part,
- de notre grille de lecture d'autre part.
Sans cette grille de lecture, notamment le caractère pertinent (pour notre mode d'interaction avec l'univers) de la notion de distance et de localisation, un assemblage d'atomes sous forme d'étoile n'a rien de plus spécial que n'importe quel assemblage d'atomes pris complètement au hasard dans l'univers.
Le vocabulaire que j'emploie est toutefois trompeur puisqu'il baigne implicitement dans l'erreur d'interprétation que je pointe : celle de croire que le réel pourrait avoir des propriétés, notamment l'écoulement irréversible du temps, qui ne nous devraient absolument rien.
shisha a écrit : 23 mai 2022, 14:28Le soleil, a des propriétés qui lui sont propres (pour moi).
C'est le point de vue réaliste, l'idée que l'univers possède des propriétés qui lui sont propres, i
ndépendamment de toute considération d'observateur, d'observation et d'échelle d'observation.
Un certain nombre de physiciens continuent à être attachés à une interprétation réaliste de la physique, et donc de l'état quantique, mais cela pose pas mal de problèmes. L'interprétation réaliste entre notamment en conflit avec la localité (bien que ce point soit toujours objet de débats au bon niveau) et même
avec la causalité (et là aussi il y a débat).
De nombreux paradoxes disparaissent lorsque la description la plus complète que la physique nous donne des systèmes observés, leur état quantique (qu'il concerne le soleil ou de n'importe quoi d'autre) est interprétée non comme une fidèle
description du réel, mais comme
un outil d'inférence statistique permettant d'
optimiser la précision et la fiabilité de prédiction de nos observations...
...et là aussi il y a encore débat au bon niveau. Feu
E.T. Jaynes qui, pourtant, a joué un rôle majeur dans la mise en évidence de la grande importance des considérations d'
inférence statistique en physique refuse le point de vue purement positiviste de Bohr (1). Jaynes se classe clairement dans le camp des réalistes.
Zurek,
Goldstein,
Scarani,
Valentini,
Vaidman,
Percival non plus n'acceptent soit pas, soit pas complètement le point de vue positiviste des Bohr, Born, Heisenberg, Fuchs, Peres (2), Gell-mann (3), Rovelli (4),
Grinbaum et compagnie).
shisha a écrit : 23 mai 2022, 14:28Même si le soleil est la somme de zillons d'états/de particules éléméntaires, il n'en demeure pas moins qu'il
existe en tant que système (comme nous).
Son identification en tant que système et les propriétés que nous lui attribuons sont significatives...
...pour nous.
- Qui dit propriété dit observation
- qui dit observation dit observateur
Pas d'observateur --> pas d'observation
pas d'observation --> pas de propriété.
shisha a écrit : 23 mai 2022, 14:28comme le fait d'avoir une existence finie (dans le sens non éternelle et+ ou - longue selon si elle est très massive ou non).
Le caractère fini de son existence demande une notion d'écoulement du temps, laquelle demande une création d'entropie, c'est à dire une fuite d'information entrant en conflit avec la symétrie CPT. En effet, le respect de la symétrie CPT implique l'
unitarité des évolutions, donc une évolution isentropique et donc la conservation de l'information. Voilà le problème auquel on se trouve confronté si l'on refuse à l'observateur le rôle essentiel de permettre la
violation de symétrie CPT, nécessaire à l'écoulement irréversible du temps, grâce à ses limtations d'accès à l'information.
Sans les limitations d'accès à l'information d'une classe d'observateurs, une mesure quantique ne serait jamais terminée (cf.le
chat de Schrödinger). L'obtention d'un résultat de mesure unique bien déterminé (base de l'observation des propiétés que nous attribuons à l'univers) demande une violation d'unitarité des évolutions incompatible avec le caractère
hamiltonien (donc isentropique) de l'évolution de l'univers...
...Je crois que je commence à le comprendre ou, disons plutôt, à l'admettre. Ca fait des années que j'ai compris mais que je continuais pourtant quand même à en douter tellement c'est choquant.
shisha a écrit : 23 mai 2022, 14:28 ==> Le fait que personne ne puisse distinguer les zillons d'états (et donc sacrifier les infos de ces derniers) et ou le fait qu'il y ait des observateurs ou non,
n'ont pas d'impact sur l'existence du soleil et ses caractéristiques qui lui sont intrinsèquement liées.
En fait il ne s'agit pas d'impact sur ces propriétés, mais carément de leur existence même. Les propriétés que nous observons caractérisent notre mode d'
interaction avec l'univers par les informations qui sont pertinentes du point de vue notre
grille de lecture d'observateur macroscopique.
Ces propriétés n'ont de signification que relativement à cette interaction et dans les
grandeurs pertinentes à note échelle d'observation. Même quand on fait une mesure quantique (d'un effet à petite échelle donc), pour avoir un résultat observable, il faut qu'il laisse
une information classique, une trace
reproductiblement observable à notre échelle, donc qu'il soit enregistré sous une forme
très fortement redondante, et ce,
irréversiblement (alors que, "intrinsèquement", une évolution quantique est unitaire, donc isentropique, donc réversible). Le recueil d'une information reproductible "objective" s'accompagne
nécessairement d'une
fuite d'informations non pertinentes (
pour nous), qui plus est
considérablement plus grande que la seule information irréversiblement enregistrée, donc stable et repoductiblement lisible grace à notre myopie (commune) d'observateur macroscopique.
Le point de vue positiviste a considérablement gagné du terrain depuis 1927 (et, pour ma part, j'ai fini peu à peu par l'accepter)...
...
mais il ne fait toutefois pas encore l'unanimité parmi les physiciens (et selon toute vraisemblance, il reste très minoritaire chez les non physiciens)
(1) PROBABILITY IN QUANTUM THEORY, E.T. Jaynes 1996
But our present QM formalism is not purely epistemological; it is a peculiar mixture describing in part realities of Nature, in part incomplete human information about Nature all scrambled up by Heisenberg and Bohr into an omelette that nobody has seen how to unscramble. Yet we think that the unscrambling is a prerequisite for any further advance in basic physical theory. For, if we cannot separate the subjective and objective aspects of the formalism, we cannot know what we are talking about; it is just that simple.
(2)
Quantum thoeory needs no interpretation, Peres, Fuchs
(3)
Gell-mann, le quark et le jaguar. Londres. Little Brown and Co, 1994, p. 218-220.
L’explication de 1’irréversibilité est qu’il y a plus de manières pour les clous ou les pièces de monnaie d’être mélangés que triés... ...Un système entièrement clos, peut se trouver dans un grand nombre d’états distincts, souvent appelés "microétats ". Ils sont regroupés en catégories (parfois appelées macroétats) selon des propriétés établies par une description grossière (coarse grained).
" Et Gell-Man conclut : " L’entropie et l'’information sont étroitement liées. En fait, l’entropie peut être considérée comme une mesure de l’ignorance. Lorsque nous savons seulement qu’un systeme est dans un macroétat donné, l’entropie du macroétat mesure le degré d’ignorance à propos du microétat du système, en comptant le nombre de bits d’information additionnelle qui serait nécessaire pour le specifier, tous les microétats dans le macroétat étant considérés comme également probables" .
(4) "
Forget time”, Essay written for the FQXi contest on the Nature of Time, Carlo Rovelli, August 2008
The time of our experience is associated with a number of peculiar features that make it a very special physical variable. Intuitively (and imprecisely) speaking, time “flows”, we can never “go back in time”, we remember the past but not the future, and so on. Where do all these very peculiar features of the time variable come from?
I think that these features are not mechanical. Rather they emerge at the thermodynamical level. More precisely, these are all features that emerge when we give an approximate statistical description of a system with a large number of degrees of freedom. We represent our incomplete knowledge and assumptions in terms of a statistical state ρ.