Salut Jean-François!
Tu dis :
En référant à Godël, à Staune, à Penrose, vous faisiez plus: vous parliez de ce qu'ils n'abordent pas vraiment.
Oui, je me suis référé à ces trois noms, simplement car ils sont mentionnés dans l'article de Staune justement que j'ai abordé. Au lieu de l'aborder en répétant inutilement ce qui est déjà écrit et que tout le monde peut relire, j'y ai ajouté mes impressions (en espérant qu'elles soient le moindrement logiques et pertinentes) forcément subjectives (en partie, du moins, je ne suis pas parfait), des commentaires et des idées d'une façon plus personnalisée (mais qui ne sont pas nécessairement « mes » idées) qui débordaient peut-être effectivement du cadre strict de l'article.
Cependant, tout au long de mes commentaires, je parle principalement de certains aspects reliés à la notion de conscience tout comme l'article parle principalement de la conscience. Je constate bien que le sujet de la conscience peut être très vaste. Donc, effectivement, « je faisais plus », comme vous le dites avec justesse. Je le sais bien. Je vais aussi considérer que vous n'y voyez aucun problème à ce « plus ».
Contrairement à toi qui connais mieux le sujet, j'admets ne pas avoir d'opinion aussi tranchée par rapport à la possible erreur de Penrose, puisque je n'ai pas lu ses livres, que je ne comprends pas tous les raisonnements importants et que je ne connais pas tous les détails qui entre en considération. C'est donc compréhensible que je n'explique pas exactement en quoi le théorème est bien (ou mal) utilisé par Penrose. Je n'essaie pas non plus de contredire ta position, mais le sujet ne me semble pas facile à comprendre et je ne suis pas parfaitement certain que le niveau de la physique quantique (par exemple) ne sera jamais un niveau important pour l'explication de la conscience, bien que ce ne soit effectivement pas le cas actuellement.
Il y a franchement peu de phénomènes, voire aucun qu'on peut expliquer "jusqu'au bout", i.e., à tous les niveaux scientifiques.
Je suis bien d'accord! Mais, ce n'est pas tout à fait ce que j'ai voulu dire par rapport au problème de la conscience. Si l'on réussit à expliquer un phénomène à un certain « niveau » physique, c'est déjà beaucoup et ça peut, dans certains cas, être déjà satisfaisant pour juger le problème résolu. Pour reprendre un exemple que j'ai déjà abordé (un peu exagéré, j'en conviens, mais qui exprime assez bien l'idée que je tente d'exprimer), si l'on considère l'étude de la chute d'un corps (usuel) dans le vide, l'explication significative (à un certain niveau, ou même à plusieurs niveaux) est satisfaisante et l'on peut même vérifier l'explication à l'aide d'un modèle prédictif. Autrement dit, on peut dire que ce sujet est raisonnablement résolu. L'étude de ce sujet est donc, pratiquement, achevée, épuisée, définitive (à moins d'un contre-exemple éventuel), bien qu'elle ne fournisse pas nécessairement une explication à tous les niveaux scientifiques.
Par contre, si l'on considère l'étude de la conscience, je dis qu'il est possible qu'elle ne soit jamais raisonnablement achevée aussi significativement (par exemple) que la chute du corps, et ce, pour plusieurs raisons. Il se pourrait que la conscience soit toujours un sujet d'étude par le fait que cette notion est très vaste et qu'elle touche un peu à tout (perceptions, impressions, raisonnements, mémoire, sensations, émotions, cognition, conception, langage, méta-langage, imagination, etc.). Il pourrait toujours subsister un manque de donnée essentiel par le fait que sa façon d'être (sa façon de s'exprimer) dépend à la fois de l'activité du cerveau, du corps et de l'environnement toujours changeant. La conscience est une variable à la fois qualitative, quantitative et mal définie.
J'ai expliqué de plusieurs façons (dans mes messages précédents) en quoi cette étude (je devrais plutôt dire « toutes ces » études) pouvait ne jamais être raisonnablement achevée. Voici un autre angle. Il y a une quantité de données biologiques, chimiques, électriques et autres si gigantesque que l'étude de ces données pourrait bien prendre des millénaires. La quantité potentielle hallucinante de réseaux de connexion neuronale (pour ne prendre que cet aspect) rend difficile (voire impossible) toute prédiction à long terme. La conscience pourrait être un prolongement d'une inconscience. Ça devient difficile de savoir si l'on a bien compris TOUTES les façons d'être conscient (puisque la conscience en tant que « constante » semble de moins en moins envisageable scientifiquement).
De toute façon, toute explication demeure en partie subjective et ce que je trouve intéressant dans tout ça, c'est de pouvoir accepter la possibilité de toujours découvrir des structures fonctionnelles originales. Par analogie, dans le domaine des mathématiques, il n'y a pas, à priori de fin aux découvertes et à la production de définitions. Qui dit nouvelles idées, dit nouvelles structures cérébrales, et ce, sans compter que la taille du cerveau puisse grossir au fil des siècles. Je n'ai pas encore donné assez d'exemples qui puissent aller dans la possibilité que j'exprime? Le temps que l'on comprenne quelque chose, le cerveau s'est déjà modifié. Pas de manière fondamentale, mais assez pour avoir la possibilité de continuer l'étude de la conscience, assez pour changer significativement les états mentaux et donc le comportement à long terme.
L'expression « pas jusqu'au bout du bout » est vraie et logique justement aussi par le fait même de la subjectivité irréductible (la conscience) et non seulement par le manque de donnée (souvent devenu non significatif) du à la limite de précision de l'appareil de mesure (comme dans l'exemple de la chute du corps). Sommes-nous au moins d'accord sur cette possibilité d'incomplétude? Corréler une activité précise du cerveau à un état mental est déjà une activité potentiellement (en partie, du moins) subjective. La subjectivité est une condition humaine, une expression d'une limite. Malgré ses possibilités, le cerveau demeure limité dans sa compréhension (en particulier, de lui-même).
Et ça sera sans doute longtemps le cas, mais cela n'a aucun rapport avec les auteurs précités (surtout pas Godël).
Je vois un peu ce que tu veux dire. Selon moi, cela a un rapport dans le sens précis de la conscience considérée dans la perspective informatique. J'admets avoir dépassé ce cadre précis. Tu as raison.
D'une manière générale, on peut toujours (en mathématique, du moins) s'arranger pour déplacer les questions indécidables, mais il en restera toujours. Il s'agit de faire un choix pour celles qui sont ou qui seraient actuellement significatives pour nous (il subsiste même encore de la subjectivité dans le terme « significatif ») pour qu'il ne reste (on le souhaite) que des questions sans significations pour nous. Une manière d'envisager une absence (raisonnablement) complète de subjectivité réside dans l'élaboration de modèles prédictifs, ce qui est pratiquement impossible dans la modélisation à long terme du cerveau (à cause des effets chaotiques).
Si, selon vous, pour comprendre quelque chose il faut aller "jusqu'au bout", il n'y a rien qu'on comprend. Mais l'"ignorance" scientifique est d'un autre calibre que les autres formes d'ignorances humaines (philosophie, théologie, zozoterie): elle est loin d'être totale.
Si la philosophie signifie une réflexion cohérente et logique alors je l'enlèverais de la liste. Pour le reste, je suis totalement d'accord avec vous.
Maintenant la distinction est plus claire mais ce qui est totalement flou pour moi c'est ce que pourrait bien être cette "incomplétude plus fondamentale".
C'est de dire « je ne sais pas » à une question scientifique (qui n'est pas toujours la même, mais qui existe). C'est d'accepter la possibilité que nos connaissances ne soient jamais raisonnablement achevées, « complètes ».
Sans doute moins que les philosophes aimeraient le croire, à mon avis.
Peut-être bien. « Moins », oui, tout à fait. Mais, « aucunement »? Personnellement, ça ne me dérangerait pas du tout qu'on puisse expliquer un jour ce qu'est exactement la conscience scientifiquement, bien au contraire, ça serait fascinant. Par analogie, ça serait comme trouver enfin une source d'énergie inépuisable. J'aimerais bien cela, mais je n'en vois pas personnellement la possibilité logique. Comment savoir que notre explication n'a plus enfin aucune trace de subjectivité? Il faudrait expliquer de façon parfaitement objective toute explication antérieure toujours (jusqu'à maintenant) en partie subjective. Tout ça, je le répète, n'a rien de dramatique.
Je pense qu'elle ne permettra pas de trouver une définition ontologique de la conscience qui permette à la science de progresser.
Je suis d'accord! Cependant, certains philosophes se sont au moins forcés à produire des concepts précis pouvant être utilisés par la science.
En fait certaines réflexions philosophiques nuisent sans doute plus qu'elles favorisent la compréhension des faits.
Oui! Très certainement! Du moins, elles nous permettent la compréhension de ce qui n'est pas des faits. Ce qui arrive aussi, c'est que beaucoup de philosophes se réfugient dans une métaphysique de « mondes possibles » complètement infalsifiable et déconnecté des faits établis scientifiquement. Ça me semble très peu productif et même tombé dans la facilité lorsqu'on ne produit QUE des idées sans jamais les confronter aux faits.
C'est un peu ce que vous faites en citant "Kant" puis en concluant:
"Comprendre « complètement » la conscience reviendrait en partie à essayer de comprendre ou de démontrer un axiome (ou un postulat). Comment faire?"
Comment faire? En laissant tomber ce genre de barrière purement philosophico-théorique et en tentant d'expliquer ce qu'on peut expliquer. On n'arrivera certainement pas à "comprendre complètement*" mais on comprendra quelque chose.
Ici, je n'ai pas voulu faire de la philosophie « philosophante ». J'ai simplement voulu soulever une limite théorique logique, le fait que toute explication repose sur des postulats ou des axiomes et que la conscience pouvait raisonnablement être comprise comme un axiome de l'existence. Ça ne change rien à la volonté de continuer les recherches. Ce n'est pas parce qu'on ne peut aller plus vite que la vitesse de la lumière qu'on s'empêchera de construire des engins toujours plus rapides.
La recherche scientifique ne doit pas être stimulée dans la recherche d'un absolu. Par exemple, la personne qui est persuadée que la science expliquera significativement tout un jour demeure dans une croyance infondée. Évidemment, cette personne pourra contribuer positivement à faire avancer la science (par son envie d'avoir raison, du moins), ce qui est bien. Mais, son attitude à entretenir des croyances infondées pourrait très bien avoir des répercussions négatives dans d'autres domaines, ce qui n'est pas souhaitable.
Je dis seulement qu'il faut garder à l'esprit l'importance de la logique, l'importance de bien faire de l'ordre dans notre tête, l'importance de ne pas prendre nos croyances pour des faits ou pour des affirmations que l'on tiendra comme véridiques coute que coute. Ainsi, le développement de la science ne doit pas être stimulé par la recherche d'absolus. Elle doit, selon moi, être stimulée par le plaisir même de découvrir de nouveaux faits, de nouvelles explications, de nouveaux modèles, par son processus même (malgré l'aspect parfois obligatoirement répétitif de certaines tâches de « col bleu »), par la fierté même de contribuer à son essor, à l'encourager.
Une pensée n'est pas un objet qui a une existence propre. C'est un phénomène subjectif associé à de l'activité cérébrale et on observe l'activité cérébrale. On peut donc corréler "pensées" et activité cérébrale, même si a) ce genre d'étude est difficile à cause du caractère subjectif de la pensée et b) on ne sait pas encore comment la pensée devient consciente.
Je n'ai pas voulu dire le contraire. Ça me fait bien sourire votre propension à trouver l'interprétation la plus débile de votre interlocuteur. C'est sûrement un effet secondaire du côtoiement trop fréquent de « zozos », j'imagine. Je peux très bien dire « dans le cerveau » dans le sens que j'ai simplement voulu abréger mon discours et que l'on peut raisonnablement interpréter justement comme un phénomène associé à de l'activité cérébrale (du cerveau, donc!) que l'on peut observer. Ne sois donc pas surpris de la longueur de mes textes...
Pourquoi "peut-être" et non pas "oui"? Pensez-vous qu'il existe une particularité "subtile" qui fait qu'une imitation parfaite ne pourrait être confondue avec ce qui est imité?
La subtilité est en partie mentionnée dans la question « pendant combien de temps? ». Aussi, le terme « parfait » reste bien théorique, subjectif et vague du fait que chaque personne réagit différemment et parfois d'une façon inexplicable. J'imagine aussi que ça dépend comment la machine a été construite. En ce sens, je maintiens mon « peut-être ». Sinon, la manière dont tu l'exprimes, c'est pratiquement tautologique et le « oui » devient forcé.
Pas particulièrement puisque ce que vous dites là est déjà vrai pour n'importe quelle nouvelle connaissance. Pour supposer qu'il y ait quelque chose de radicalement nouveau qui se passe, il faut supposer qu'il y a quelque chose de "magique" dans ces nouvelles découvertes en mécanique quantique.
Pour moi, dire « manière originale » ne veut pas dire « radicalement nouveau ». Tu sembles associer ces deux expressions comme si je pensais qu'elles signifiaient la même chose. La nouveauté serait dans un état mental vécu pour la première fois, bien que sa possibilité existait déjà. Je n'ai pas parlé de mécanique quantique. J'ai parlé de découverte en général (qui modifirait la structure du cerveau). Pour moi, le fait qu'il puisse subsister des questions sans réponse ne nous force pas à croire qu'il y a quelque chose de « magique » à la conscience. La magie est surtout une impression. On ne peut pas de toute façon prouver qu'un phénomène est magique ou vraiment créatif. Du moins, comme tu le dis avec justesse, ça ne nous permet pas d'avancer dans la compréhension des choses.
Cordialement.