Je suis d'accord avec Richard. C'est une conséquence de la guerre en Ukraine: la Russie perd son rôle stabilisateur en Asie centrale. Le soutien envers l'Azerbaïdjan par la Turquie a amplifié le recul de l'armée arménienne et les troupes russes (2000 h) sont garants du cessez-le-feu entre Bakou et Erevan. Bruxelles et Paris avaient négocié un plan de paix entre les belligérants:
https://actu.orange.fr/monde/l-ue-va-en ... 2d98f.html
L'Union européenne va envoyer une "mission civile" en Arménie, le long de l'Azerbaïdjan, pour aider à la délimitation des frontières et relancer le processus de normalisation naissant entre les deux pays, mis à mal par des affrontements sanglants en septembre.
"La mission débutera en octobre pour une durée maximale de deux mois. L'objectif de cette mission est d'établir la confiance et, par ses rapports, de contribuer aux commissions de délimitation des frontières", ont annoncé le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, le chef d'Etat français Emmanuel Macron et le président du Conseil européen Charles Michel à l'issue de plusieurs heures de discussions à Prague.
"L'Arménie a accepté de faciliter la mise en place de (cette) mission" et "l'Azerbaïdjan a accepté de coopérer avec cette mission pour ce qui le concerne", soulignent les parties prenantes dans une déclaration conjointe.
Les quatre dirigeants se sont réunis jusque tard dans la nuit de jeudi à vendredi, en marge du premier sommet de la Communauté politique européenne.
"Pour une paix durable dans le Caucase", a tweeté le président Macron, l'air absorbé et tendu, photo des quatre responsables à l'appui, réunis autour d'une table dans un clair-obscur saisissant.
"L'Arménie et l'Azerbaïdjan ont confirmé leur attachement à la Charte des Nations unies et à la déclaration d'Alma Ata de 1991, par laquelle ils reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale et leur souveraineté", souligne la déclaration commune.
"Ils ont confirmé qu'elle servirait de base aux travaux des commissions de délimitation des frontières et que la prochaine réunion des commissions aurait lieu à Bruxelles d'ici fin octobre", est-il précisé.
Les accords d'Alma Ata (ou Almaty au Kazakhstan) ont acté la création de la Communauté des États indépendants (CEI), qui rassemble d'ex-républiques soviétiques, dont l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
En septembre, au moins 286 personnes ont été tuées dans des affrontements entre les deux pays, les pires entre ces deux voisins du Caucase depuis leur guerre de 2020.
- Traité de paix -
Le contentieux porte sur le sort du Haut-Karabakh, une enclave séparatiste peuplée d'Arméniens en Azerbaïdjan, et sur la délimitation des frontières entre les deux pays.
Des pourparlers avaient été engagés en mai 2021, sous l'égide de la Russie, pour la délimitation et la démarcation de leurs frontières communes.
Mais la Russie s'est lancée depuis dans une offensive militaire en Ukraine, qui limite sa marge de manoeuvre ailleurs et les Etats-Unis et l'Union européenne ont pris un rôle majeur de médiateurs dans le processus de normalisation entre Bakou et Erevan.
Nikol Pachinian et Ilham Aliev se sont rencontrés à trois reprises cette année à Bruxelles, la dernière fois le 31 août. Le 23 mai, ils s'étaient engagés à faire avancer les discussions sur un futur traité de paix.
L'Arménie, alliée de la Russie, et l'Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, se sont affrontés lors de deux guerres au cours des trois dernières décennies pour le contrôle du Nagorny Karabakh.
La guerre de 2020 a coûté la vie à plus de 6.500 soldats et s'est arrêtée après un cessez-le-feu négocié par la Russie.
L'Arménie a cédé des territoires qu'elle contrôlait depuis des décennies et Moscou a déployé quelque 2.000 soldats russes pour veiller sur cette fragile trêve.
Après l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, les Arméniens séparatistes du Nagorny Karabakh avaient unilatéralement proclamé leur indépendance. Le conflit qui a suivi avait fait 30.000 morts.
Il y aussi des tensions entre le Tadjikistan et Kirghizistan qui peuvent profiter à la Turquie:
https://www.rts.ch/info/monde/13412288- ... aquer.html
RTS a écrit :Les tensions se sont multipliées ces derniers jours dans le Caucase et en Asie centrale, où la puissance tutélaire de Moscou apparaît affaiblie par les difficultés militaires qu'elle rencontre en Ukraine. L'issue de la guerre pourrait déterminer l'avenir de ces régions.
"Tout le pourtour de la Russie est en train de craquer", assène une source diplomatique européenne sous couvert d'anonymat. "On sent bien qu'elle est en incapacité de contrôler ses marches", ajoute-t-elle.
"Le pouvoir russe s'affaiblit dans les régions frontalières", abonde Ben Dubow, chercheur associé au centre de réflexion américain CEPA.
Moscou joue gros dans ces terres qui bordent le sud de la Russie de part et d'autre de la Caspienne, entre la Chine à l'est et la Turquie à l'ouest, deux autres acteurs-clés dans la zone.
Lors du récent sommet de l'organisation de la coopération de Shanghaï à Samarcande, en Ouzbékistan, le président russe Vladimir Poutine s'est retrouvé sous la pression de ses partenaires, notamment chinois et indien, qui ont fait part de leurs inquiétudes ou de leurs doutes sur la guerre en Ukraine.
Tout dépend de l'issue
Plusieurs pays d'Asie centrale ont du reste autorisé des manifestations de soutien à l'Ukraine. Avant la guerre, dans ces régions, "l'idée était fortement ancrée que la Russie ne pouvait être défaite", relève Murat Aslan, chercheur au centre d'études turc Seta, basé à Ankara.
"Si la Russie perd, tout va changer [...] Nous devrions nous attendre à voir éclore plusieurs conflits de petite échelle", estime-t-il, prévoyant un déclin progressif de l'influence russe.
"Si la Russie gagne militairement, elle aura un énorme levier psychologique" (Murat Aslan, chercheur au centre d'études turc Seta)
Au contraire, "si elle gagne militairement, elle aura un énorme levier psychologique pour montrer qu'elle est encore en mesure d'imposer ses vues", prévient-il.
Les frontières en question
Deux conflits non réglés se sont réveillés ces dernières semaines dans les anciennes républiques soviétiques, celui entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et celui entre le Kirghizstan et le Tadjikistan, faisant des centaines de morts.
Dans cet espace post-soviétique, "ces frontières qui n'étaient pas censées être internationales, mais des séparations administratives s'inscrivant dans un seul ensemble, sont devenues des frontières internationales", souligne Isabella Damiani, géographe spécialiste de l'Asie centrale à l'université de Versailles. Par exemple, "presque la moitié de la frontière entre le Tadjikistan et le Kirghizstan n'est pas encore tracée. C'est la base du problème", rappelle-t-elle.
Si la tension entre le Tadjikistan et le Kirghizstan "n'a pas forcément de lien avec la situation de la Russie en Ukraine", estime Michaël Levystone, spécialiste de la Russie et l'Asie centrale à l'institut français des relations internationales (IFRI), "il y a plus clairement un lien sur la situation entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie".
Ici, "on a une poche de conflit très sérieux", abonde la source diplomatique. Quoi qu'il en soit, "il va falloir surveiller ce qui va se passer" en Arménie avec les manifestations remettant en cause l'organisation du traité de sécurité collective (OTSC), la structure sécuritaire régionale mise en place par Moscou, prévient Michaël Levystone.
En effet, certaines voix en Arménie, y compris chez les autorités, s'élèvent pour dénoncer l'inefficacité de cet outil de pouvoir russe, auquel participent aussi les pays d'Asie centrale, dont le Tadjikistan et le Kirghizstan.
Des Etats turciques
A l'instar du traité de l'Otan, un article de l'OTSC prévoit qu'un Etat agressé puisse bénéficier du soutien des autres membres. Malgré ses appels à l'aide, l'Arménie n'en a pas bénéficié. "La faible réponse de l'OTSC aux attaques de l'Azerbaïdjan alimente les protestations parmi les Arméniens qui veulent quitter la structure", souligne sur Twitter le chercheur moldave Denis Cenusa.
La relative inertie de la Russie et de l'OTSC peut aussi laisser plus de place à l'influence de la Turquie, soutien de Bakou. A l'instar de la Chine, qui pilote dans la région l'organisation de la coopération de Shanghaï et promeut ses "nouvelles routes de la soie", la Turquie, rival historique de Moscou au fil des siècles dans l'ensemble de ces régions, pousse ses pions.
Ankara "a créé un conseil turcique, récemment renommé organisation des États turciques (OET), qui s'est élargi progressivement jusqu'à intégrer tous les pays turcophones d'Asie centrale, en plus de l'Azerbaïdjan", relève Michaël Levystone.
"Dans la mesure où, depuis le début de la guerre en Ukraine, la Turquie conclut des partenariats militaires avec tous les pays centrasiatiques, y compris le Tadjikistan, non turcophone, la question peut réellement se poser de savoir si l'OET va se transformer en une alliance politico-militaire autour d'Ankara", s'interroge-t-il.
"Si la Russie échoue en Ukraine, cette organisation va être beaucoup plus active", anticipe Murat Aslan.