Gwanelle a écrit : 08 déc. 2023, 10:49
Etienne Beauman a écrit : 07 déc. 2023, 19:57
C'est se voiler la face que que de croire que ça ne concerne que l'école, une grande partie des français ne veulent pas voir de musulman dans la rue.
On est très loin d'un climat laïc, en France, garantissant l'expression libre de sa conscience dans l'espace publique.
Mais c'est un autre sujet non ?
Car on risque un contrôle et une amende si on se couvre le visage de façon à ne pas pouvoir être identifié, comme aussi si on couvre notre plaque d'immatriculation, à l'exception peut être des casques de moto et de raisons de santé.
C'est une autre problématique.
Pour l'espace public, il faut distinguer, schématiquement, deux types de comportements: ceux, majoritaires, lambdas, qui ne sont pas causes de troubles de l'ordre public, directs ou potentiels, et les autres, radicaux, qui outre les troubles de l'ordre public peuvent interférer avec la sécurité publique.
Sur le plan statistiques, a-t-on affaire à une majorité ou à une minorité?
L'expression libre de sa conscience dans l'espace public ne semble pas altérée pour la majorité.
Pas simple, la société française...
Deux sondages...
Deux extraits de la présentation générale.
https://www.ifop.com/publication/le-reg ... a-laicite/
[D’une part, la laïcité est perçue comme menacée par une nette majorité de Français (67%), un chiffre majoritaire dans toutes les catégories de la population, mais qui baisse tout de même de 11 points par rapport à octobre 2019.
D’autre part, concernant la définition donnée par l’opinion au principe de la laïcité, la séparation des religions et la politique (28%) prime, avant le fait d’assurer la liberté de conscience (23%) et de mettre toutes les religions sur un pied d’égalité (21% contre 32% en 2005, soit une baisse significative de 11 points).
En outre, une large majorité de Français (71% en mai 2023) souhaite garder la loi de séparation des églises et de l’Etat telle qu’elle est – un chiffre stable dans le temps (70% en 2020) – contre 21% qui désirent l’assouplir et 8% (contre 5% en mars 2019) la supprimer.
Enfin, une minorité de Français (27%) adhère à la suppression des jours fériés qui font référence aux fêtes religieuses dans le calendrier républicain (Pâques, l’Ascension…), en remplaçant ces jours fériés par d’autres célébrations ou “fêtes laïques”. En s’intéressant à la proximité politique, notons que les sympathisants d’Europe Ecologie les Verts se distinguent et sont les seuls à y être majoritairement favorables (53%).
https://www.ifop.com/publication/fractu ... 18-30-ans/
L’attitude des 18-30 ans à l’égard de la religion diffère assez significativement de celle adoptée par les générations plus âgées. Ils sont ainsi significativement moins nombreux à juger que la laïcité est en danger en France (70% contre 87% pour l’ensemble de la population française). L’inquiétude des jeunes à l’égard de l’islamisme est également moins marquée : ils ne sont que 60% à estimer que l’islamisme a déclaré la guerre à la France et à la République (contre 79% des Français). Plus globalement, signe d’une sacralisation du fait religieux, les trois quarts d’entre eux estiment qu’il faut respecter les religions afin de ne pas offenser les croyants (75%).
La définition donnée par les jeunes au principe de laïcité diffère assez sensiblement de celle évoquée par les générations plus âgées. Ils estiment ainsi avant tout que la laïcité consiste à mettre toutes les religions sur un pied d’égalité (34% contre 19% au sein de l’ensemble de la population française) et à l’inverse sont moins nombreux à penser qu’elle consiste à faire reculer l’influence de la religion dans notre société (13% contre 26%) ou à séparer les religions de la politique (21% contre 27%).
Les résultats de cette enquête mettent en exergue un clivage générationnel marqué au sein de la population française concernant le rapport à la religion. Les jeunes se montrent globalement beaucoup plus réticents à la critiquer, et sont ainsi un tiers à juger injustifié pour un professeur de montrer des caricatures en classe alors même que l’enquête a été réalisée dans le contexte de l’assassinat de Samuel Paty. Au cœur de ces sujets, c’est la question de la laïcité qui est la plus questionnée, d’ailleurs, ils estiment en premier lieu que le principe de laïcité devrait être de mettre toutes les religions sur un pied d’égalité, plutôt que de les combattre. A cet égard, la laïcité apparait pour une partie d’entre-deux davantage comme étant un « concept islamophobe » qu’un instrument de vivre ensemble garantissant la neutralité de l’Etat et la liberté de conscience.
Une question de regard, de culture, de générations?
Et ce ne sont pas les résultats de ce troisième sondage qui vont résoudre un certain nombre de questions.
https://www.ifop.com/publication/abayas ... a-societe/
Dans un contexte marqué par l’interdiction des abayas à l’Ecole publique (3 septembre), une très large majorité des Français musulmans (78%) partage le sentiment que la laïcité telle qu’elle est appliquée aujourd’hui par les pouvoirs publics est discriminatoire envers les musulmans.
Les trois quarts des Français musulmans souhaitent un retour au régime concordataire appliqué en France jusqu’au vote de la loi de 1905 : 75% d’entre eux de disant favorables au « financement public des lieux de culte et des religieux des principales religions (ex : curés, popes, rabbins, imams…) comme c’est le cas en Alsace-Moselle pour certains cultes ».
D’autres revendications passent par l’abrogation de dispositifs empêchant l’expression vestimentaire de leur religion dans l’espace public. Ils soutiennent ainsi massivement le droit des athlètes français(e)s à porter des couvre-chefs religieux aux prochains JO en France (75%) ;
Près de 20 ans après son application, les Français de confession musulmane sont toujours massivement opposés à la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostensibles à l’Ecole. En effet, les deux tiers d’entre eux (65%) se disent favorables au port de couvre-chefs à caractère religieux (ex : voile, kippa…) dans l’enceinte des collèges et lycées publics.
Les musulmans soutiennent massivement aussi d’autres formes de manifestations de religiosité dans l’espace scolaire tel que le port de signes religieux par les parents accompagnateurs faisant action d’enseignement (à 75%) ou l’introduction de menus à caractère confessionnel (ex : viande halal, viande casher…) à la cantine (à 83%).
Enfin, environ la moitié d’entre eux soutiennent également une remise en cause du principe de neutralité religieuse dans le cœur des enseignements, revendiquant par exemple le droit des jeunes filles « à ne pas assister aux cours de natation pour des raisons religieuses » (à 57%) ou des élèves à « ne pas assister aux cours dont le contenu heurterait leurs convictions religieuses » (à 50%).
Si l’interdiction des abayas annoncée à la rentrée a fait l’objet d’un quasi-consensus dans la population générale (81% des Français approuvent cette interdiction), rares sont les musulmans(28%) à soutenir la décision du nouveau ministre de l’Education nationale.
Leur rapport particulier à la laïcité n’empêche pas la plupart des musulmans (78%) de condamner totalement le meurtrier de Dominique Bernard à Arras mais leur condamnation manque de fermeté : les personnes n’exprimant pas une condamnation totale de l’assassin sont trois fois plus nombreuses dans les rangs des musulmans (16%) que chez l’ensemble des Français (5%), notamment parmi les élèves scolarisés actuellement dans l’enseignement secondaire ou supérieur (31%).
Ce qui ouvre de nouvelles interrogations et pas des moindres...
La laîcité, la neutralité, le fait religieux, la place des enseignements publics et laïcs, les marqueurs identitaires,... Il apparaît que la définition de l'individu passe d'abord par la religion avant celle de citoyen de la république.
Il y a des étapes qui ont été ratées...
Edit...
Une vidéo: un commentaire de ce sondage sur BFMTV qui précise en conclusion les enjeux et défis à venir.
https://twitter.com/BFMTV/status/1733022819779277223
Et pour que la fête soit complète, on en rajoute une bonne louche...
Une bougie pour hanouka (fête juive) à...l'Elysée? C'est possible, ça?
Oui...
https://youtu.be/-rmY4AmtUog
Explications par Emmanuel Macron...
https://www.youtube.com/shorts/EDSy636E5sc
J'avoue être très dubitatif au sujet de ses paroles qui, pour le fond, rhétorique, tiennent debout, mais pour la forme sont discutables d'autant plus que...
Anne Rosencher, journaliste, directrice déléguée de la rédaction de "L’Express". 8 décembre 2023
"Hanoukka à l’Elysée : les Français juifs ont besoin de République, pas de câlinothérapie religieuse".
Par Anne Rosencher
C’est l’histoire d’un président qui, depuis le 7 octobre dernier, n’a pas trouvé les bons gestes ni la bonne position pour parler de l’antisémitisme. Et qui, comme dans les sketchs à catastrophes, n’a cessé d’aggraver les choses en tentant de rafistoler ses erreurs. [...]
La France peut s’enorgueillir d’avoir été la première nation (et une des seules) à organiser une marche pour s’émouvoir de cet essor mondial de la haine antisémite. Dimanche 12 novembre, près de 180 000 citoyens se sont mobilisés dans plusieurs villes du pays, dont 105 000 à Paris. Ceux qui ont défilé ont pu voir des cortèges émaillés de drapeaux bleu-blanc-rouge et entendre, ici ou là, une Marseillaise entonnée dans un élan spontané de fraternité républicaine : c’était une manifestation dans la plus pure tradition de l’universalisme français. Le président n’en était pas, il avait fait valoir que son rôle ne consistait pas à manifester mais à agir. Dont acte. Il aurait dû s’en tenir là.
Car les phrases qu’il a ajoutées quelques jours plus tard, pour faire taire les critiques ont interloqué nombre de Français : revenant sur sa non-participation à la marche du 12 novembre, Emmanuel Macron a bricolé, depuis la Suisse, où il était en déplacement, quelques formules confuses. Dont une sur le fait que "protéger les Français de confession juive, ce n’[était] pas mettre au pilori les Français de confession musulmane"… Comme si défiler pour exprimer sa solidarité envers les premiers constituait une trahison ou une provocation envers les seconds. Plus communautariste, tu meurs…
Mais le pire était encore à venir : dans les colonnes de L’Express, on apprenait que l’animateur radio communautariste Yassine Belattar (condamné pénalement pour menaces de mort) avait été reçu à l’Elysée quelques jours avant la marche, par des proches conseillers d’Emmanuel Macron, pour donner son avis sur la situation. [...]
Est-ce pour tenter de réparer ? Chose inédite, jeudi 7 décembre, Emmanuel Macron organisait l’allumage de la première bougie de Hanoukka en présence du grand rabbin Haïm Korsia au palais de l’Elysée. Que dire ? "Caramba, encore raté !", comme dans les bons Hergé. Le président ne le comprend-il pas ? Cet accroc historique dans notre laïcité est d’une désinvolture dangereuse. Contre l’antisémitisme, les Français juifs ont besoin de République, pas de Hanoukka à l’Elysée. En offrant l’abri d’une identité commune – la citoyenneté française –, l’universalisme républicain et la laïcité constituent un bouclier contre les haines identitaires. Ils permettent aux Français juifs, comme à d’autres, de n’être pas renvoyés à leur statut de minorité. Et, donc, de ne pas avoir à dépendre de la bienveillance du plus grand nombre. Le président doit être le garant de ce bouclier-là.
La République n’est pas censée reconnaître, ni accueillir, ni consoler les cultes ; elle protège ses citoyens. Si nous perdons de vue cette spécificité-là, alors tous les cierges et autres bougies ne suffiront pas à lutter contre l’obscurité qui monte."