Tapatorhector a écrit : 15 avr. 2024, 22:14Par définition, un phénomène sans causes n'est pas observable ou mesurable, en tant que tel.
Selon moi, il n'y a pas de cause en tant que telle. Une cause est (selon moi) l'association :
- d'une corrélation (entre ce que nous appelons une cause et ce que nous appelons un effet)
- et d'informations, que nous détenons, nous permettant d'utiliser cette corrélation afin de provoquer un effet.
Le principe de causalité est respecté si l'on adopte le point de vue positiviste
Dès que ce point est accepté, les corrélations parfaitement time-symmetric entre
mesures faibles, mesures fortes antérieures et mesures fortes postérieures deviennent des relations de causalité
seulement si nous pouvons nous servir de ces corrélations pour provoquer un effet. Cela nécessite que les mesures fortes soient antérieures aux mesures faibles dans le respect du principe de causalité. Dès le moment où l'on accepte de rendre à l'observateur le rôle d'observa
cteur, que la science fin 19ème semblait lui avoir retiré (
1), le principe de causalité n'est pas violé par l'interprétation time-symmetric de la mesure quantique et de l'effet EPR.
Le principe de causalité est violé si, dans la formulation time-symmetric, on adopte le point de vue réaliste
Par contre si l'on attribue, comme Vaidman, dans le prolongement de l'interprétation réaliste d'Einstein (cf
EPR), un caractère de réalité objective aux résultats de mesure faible (cf.
Weak measurements elements of reality) alors, le caractère
time-symmetric des mesures quantiques s'interprète comme des actions objectives remontant le cours du temps, en violation du principe de causalité au niveau interprétatif (cf.
Can a future choice affect a past measurement's outcome ? Aharonov, Cohen, Elitzur).
Je ne partage
pas plus le point de vue réaliste d'un Prigogine ou d'un Bricmont attribuant à la nature des propriétés objectives (un point de vue réaliste à l'origne de cette interprétation rétrocausale des corrélations time-symmetric). J'ai fini, très difficilement, par me laisser convaincre par les positivistes tels que Fuchs, Peres, Rovelli, Gell-Mann, Balian, Bitbol, Grinbaum, Zwirn etc, etc. Leur point de vue élimine une multitude de paradoxes. Par ailleurs, apporter la preuve d'existence d'une grandeur objective, indépendante de l'observateur et sa grille de lecture, cad indépendante de l'observation, demande d'en réaliser des observations reproductibles : contradiction.
Il n'y a pas de cause objective
Maintenant, qu'en est-il des causes que nous attribuons à la nature ? Selon moi cette erreur d'interprétation résulte d'une vision anthropomorphique consistant à projeter sur la nature la faculté que nous avons de provoquer un effet en utilisant une relation de corrélation et une information nous permettant de nous en servir (cf la "
mind projection fallacy" pour reprendre la terminologie de E.T. Jaynes (
2). Cette notion de cause objective rentre (selon moi) dans le cadre des illusions réalistes, l'illusion d'un monde qui posséderait des propriétés objectives (cad, ne devant rien à l'observateur et sa grille de lecture).
On ne peut pas se servir de "causes futures" car nos limitations d'accès nous en empêchent.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas nous servir de relations de corrélation dans le sens futur --> présent car nous n'avons pas de connaissances (stables, reproductiblement lisibles) des évènements futurs (
3). Ce manque d'information engendre la distinction entre évènements passés et évènements futurs ainsi que l'impossibilité de provoquer des effets précédant leurs causes.
Tapatorhector a écrit : 15 avr. 2024, 22:14Comment faudrait-il faire pour mesurer quelque chose qui sortirait du néant ou de nulle part en quelque sorte ?
L'information que nous détenons émerge de notre grille de lecture thermodynamique statistique
Ce quelque chose, ou plutôt l'information que nous détenons sur notre interaction avec ce quelque chose, ne sort pas de nulle part mais de
notre grille de lecture thermodynamique statistique. C'est de cette grille de lecture, propre aux êtres vivants, qu'émergent les traces du passé. Ces traces du passé ne suffisent pas à déterminer le futur. En effet, l'information ainsi irréversiblement enregistrée est nécessairement incomplète (mais stable et reproductiblement lisible grâce à cette incomplétude (
4)). Les seules choses que nous sachions mesurer, ce sont des grandeurs macroscopiques (les grandeurs microscopiques ne sont pas mesurées. On mesure leurs traces macroscopiques).
Notre connaissance du présent est nécessairement incomplète. Sans cette incomplétude, cette information ne pourrait pas exister
Ces grandeurs macroscopiques, bien que très utiles et bien souvent suffisantes, précisément en raison de notre échelle d'observation et d'action, nous fournissent une information insuffisante pour donner des prédictions déterministes de nos futures interactions avec l'univers...
...et il n'y a ni déterminisme ni indéterminisme objectif "de la nature". Il y a des
modèles prédictifs très utiles d'évolution unitaire, donc déterministe, réversible et préservant l'information (
5) et des modèles prédictifs indéterministes et irréversibles, violant l'unitarité et violant la préservation de l'information, aptes à modéliser les effets irréversibles et indéterministes émergeant statistiquement à notre échelle d'observation macroscopique.
Les états macroscopiques regroupent, en classes d'équivalence, des zillons d'états microscopiques distincts. Par relaxation thermodynamique vers des états d'équilibre, ces traces du passé sont stables vis à vis des agressions de l'environnement et des lectures successives. C'est de là que découle :
- l'intersubjectivité des informations irréversiblement enregistrées faisant émerger une notion de passé (l'existence de traces dites du passé),
- l'intersubjectivité des lois et propriétés "objectives" que nous attribuons (à mon sens abusivement) à la nature, par exemple :
- le principe de causalité
- l'écoulement irréversible du temps
- l'indéterminisme de la mesure quantique
- l'invariance de Lorentz et la symétrie CPT
(
1) Une science fin 19ème nous offrant, à cette époque, avant le saut de paradigme induit par la relativité et, pire encore, par la mesure quantique (cf.
Oscillation de Rabi à la frontière classique-quantique et génération de chats de Schrödinger et l'
ami de Wigner) l'illusion d'un monde régi par des évolutions déterministes, réversibles et par des lois fondamentales, c'est à dire objectives, dont l'observateur serait, en quelque sorte, une simple marionette.
(
2) Noter toutefois qu'E.T. Jaynes n'aimait pas le positivisme à la Bohr, Born, Heisenberg. Il était, quant à lui,
externo a écrit : 16 avr. 2024, 18:58un réaliste.
Cf.
Clearing up mysteries, §BACKGROUND OF EPR et §CONFRONTATION OR RECONCILIATION ? Je cite un extrait.
Nous attendons d’une théorie physique qu’elle fasse plus que simplement prédire des résultats expérimentaux à la manière d’une équation empirique ; nous voulons descendre au niveau ontologique d'Einstein et comprendre ce qui se passe lorsqu'un atome émet de la lumière, lorsqu'un spin entre dans un aimant de Stern-Gerlach, etc. La théorie de Copenhague, n'ayant de réponse à aucune question de la forme : « Qu'est-ce qui se se passe réellement quand - - - ?", nous interdit de poser de telles questions et tente de nous persuader qu'il est philosophiquement naïf de vouloir savoir ce qui se passe. Mais je veux savoir, et je ne pense pas que ce soit naïf ; et donc pour moi, la MQ n'est pas du tout une théorie physique, seulement une coquille mathématique vide dans laquelle une théorie future pourrait peut-être être construite.
(
3) Le futur ne laisse pas de traces aussi stables et reproductiblement lisibles que le passé. C'est notre grille de lecture thermodynamique statistique, nos limitations d'accès à l'information qui crée cette dissymétrie (CP)T (cette
violation de symétrie CPT) et
l'écoulement irréversible du temps.
(
4) Si nous n'étions pas myopes, nous serions aveugles.
(
5) Au plan théorique, l'évolution des systèmes isolés est isentropique, contrairement à ce que nous observons : le second principe de la thermo base de l'existence d'un écoulement irréversible du temps (un point de vue qui, toutefois, fait encore débat). Cf.
Diamonds's Temperature: Unruh effect for bounded trajectories and thermal time hypothesis, 2004, P. Martinetti, C. Rovelli
cf.
Le temps macroscopique, 1995, R. Balian