Sommes nous les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe ?

Politique, histoire, société... et autres sujets sans lien avec le paranormal
Avatar de l’utilisateur
ABC
Messages : 3846
Inscription : 11 mai 2014, 20:37

Sommes nous les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe ?

#1

Message par ABC » 06 oct. 2024, 15:48

ABC a écrit : 27 mars 2024, 22:05L'univers n'a ni propriétés ni lois objectives, il n'a que des lois et des propriétés intersubjectives caractérisant notre mode d'interaction avec l'univers, nous, les êtres vivants.
jroche a écrit : 27 mars 2024, 23:27Si je comprends bien (pas sûr), c'est l'opposé du matérialisme...
Je détaille en tâchant d'éviter ce qui pourrait prendre une tournure trop philosophique/idéologique pour être utile.
.
Nous ne sommes pas les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe
.
Sommaire
Résumé
1. Si nous n’étions pas myopes, nous serions aveugles
....1.1. Notre information et notre manque d’information sont intersubjectifs
....1.2. Etats macroscopiques et reproductibilité des informations
2. Notre grille de lecture d’observacteur macroscopique engendre les asymétries T
3. Notre futur n’est pas gravé dans le marbre
4. Conclusion : nos choix déterminent notre futur
Bibliographie

Résumé
L’avenir est déterminé par le passé, à l’exception des sauts quantiques que personne ne peut contrôler. Les causes ont des causes, ont des causes et elles remontent jusqu’au big-bang. Cela veut-il dire que nous n’avons pas de libre arbitre ? Prenons-nous des décisions ? Bien sûr que nous n’avons pas de libre arbitre [1]Je ne crois pas au libre arbitre, S. Hossenfelder.

Nous serions donc les marionnettes privées de responsabilité d’un univers déterministe ? C’est un point de vue. On peut en avoir un autre. Sans notion d’état macroscopique, appartenant en propre à l’observateur macroscopique et non à une physique parfois perçue comme objective, aucune des informations intersubjectives dont sont tirées les propriétés et lois de la physique n’existe. De plus, les résultats d’observation d’un état quantique dépendent de ce que l’observacteur décide d’observer. La physique du 21ème siècle requière l’observacteur macroscopique, sa grille de lecture et ses choix.
.
1. Si nous n’étions pas myopes, nous serions aveugles
.
1.1. Notre information et notre manque d’information sont intersubjectifs
Les observacteurs macroscopiques, c’est-à-dire les êtres vivants, sont sensibles à la pression, à la chaleur, à la lumière, au caractère acide, basique, salé, sucré, chloré d’un milieu… bref, aux mêmes effets physiques. Les grandeurs physiques pertinentes pour nous, observacteurs macroscopiques, ce sont des grandeurs quantifiant ces effets à une échelle d’observation macroscopique. Ces grandeurs macroscopiques : température, pression, volume et masse de diverses substances chimiques… ne permettent qu’une caractérisation très incomplète de l’état exact, dit microphysique, d’un système.

Pour caractériser complètement l’état d’un gaz monoatomique par exemple, il faudrait connaître la position et la vitesse de zillions d’atomes. Le manque d’information de l’observacteur macroscopique connaissant, par exemple, seulement champs de pression, de densité et de température de ce gaz, Balian l’appelle entropie pertinente [2] Incomplete descriptions and relevant entropies. L’information et le manque d’information (l’entropie) que nous associons aux systèmes avec lesquels nous interagissons sont, en fait, très voisins (intersubjectifs) pour tous les observacteurs macroscopiques.
.
De la "grille de lecture" thermodynamique statistique commune aux observacteurs macroscopiques (les êtres vivants) émerge une information intersubjective sur les systèmes avec lesquels nous interagissons.
.
.
1.2. Etats macroscopiques et reproductibilité des informations
Les états microphysiques évoluent constamment et considérablement. Par exemple, quand nous écrivons un numéro de téléphone sur une feuille de papier, l’état microphysique de ce bout de papier et de l’encre qui y est déposée aura changé du tout au tout dès que nous l’aurons mis dans notre poche et même dès le moment où nous aurons fini de l’écrire (a fortiori le lendemain). Pourtant, ce n° de téléphone reste valide le lendemain. Tout le monde lira le même (s’il est écrit correctement). Comment cette reproductibilité est-elle possible ?

Les états microphysiques ont tendance à rester piégés dans des états macroscopiques d’équilibre. Il s’agit d’états où, à notre échelle d’observation, rien ne semble changer (comme une goutte d’encre une fois diffusée dans un verre d’eau). Ces états macroscopiques résistent donc à des agressions de l’environnement et à des lectures successives par des observacteurs différents. Ces états d’équilibre sont des informations irréversiblement enregistrées, accessibles, décodables et reproductiblement lisibles par des observacteurs macroscopiques distincts. Ce sont les traces du passé.

Par contre, les traces du futur (les atomes d’un futur animal par exemple) ne nous sont pas reproductiblement et intersubjectivement accessibles et décodables. Pour nous, observacteurs macroscopiques, les traces du futur n’existent donc pas.

L’information enregistrée dans des états macroscopiques d’équilibre, incomplète, intersubjective et reproductiblement lisible, caractérise notre "grille de lecture d’observacteur macroscopique". Elle détermine les lois et propriétés physiques que nous attribuons à (notre interaction avec) l’univers,
.
Si nous n’étions pas myopes, nous serions aveugles.
.
.
2. Notre grille de lecture d’observacteur macroscopique engendre les asymétries T
.
Les résultats d’observation sont des enregistrements d’information par nos sens et/ou nos appareils de mesure. Ils caractérisent des états macroscopiques et jamais (directement) des états microphysiques. Il y a donc perte d’informations, dites non pertinentes (création d’entropie pertinente), par enregistrement irréversible d’information, violant ainsi la réversibilité des lois de la physique. “The thermodynamic arrow isn’t just a T- asymmetry, it is a PCT-asymmetry as well” [3] Time’s Arrow & Eddigton Challenge, H. Price.

Notre grille de lecture thermodynamique statistique d’observacteur macroscopique :
  • Détermine le partitionnement des états microphysiques variables en états macroscopiques stables
  • Engendre des traces accessibles, décodables et reproductiblement lisibles par les observacteurs macroscopiques, dites traces du passé, mais aucune trace du futur.
  • Permet la classification des évènements en évènements passés et évènements futurs
  • Permet d’enregistrer un écoulement irréversible du temps via les traces du passé
  • Engendre le principe de causalité, c’est à dire :
    • La possibilité de nous servir de corrélations entre évènements passés et évènements présents grâce à notre accès à des traces du passé et à des choix appropriés
    • L’impossibilité de nous servir de corrélations entre évènements futurs et évènements présents en raison de notre absence d’accès à des traces du futur.
Les traces du passé ne sont pas enregistrées au fil du temps. Les traces du passé et l’absence de traces du futur déroulent le temps [4] Le temps macroscopique, R. Balian, [5] The arrow of time issue, an overview.
.
C’est notre grille de lecture qui engendre les asymétries temporelles violant déterminisme et réversibilité.
.
.
3. Notre futur n’est pas gravé dans le marbre
.
Les lois d’évolution des systèmes isolés conservent l’entropie. Elles sont dites unitaires. Même dans le cas de l’évaporation des trous noirs il n’y a pas de perte objective d’information [6] The most famous paradox in physics nears its end. Les lois d’évolution sont déterministes et réversibles.

Sans l’observacteur macroscopique et sa grille de lecture thermodynamique statistique, il n’y a donc :
  • Pas d’indéterminisme
  • Pas d’irréversibilité
  • Pas de traces du passé, donc pas d’information extraite de ces traces…
…et donc pas de lois et propriétés physiques de l’univers tirées de ces informations. On ne peut donc pas éliminer l’observacteur, ses actions et l’acte d’observaction de la physique.

Hormis son existence, l’univers n’a donc pas de propriété physique objective. On ne peut pas éliminer l’indéterminisme au prétexte de son caractère seulement intersubjectif. Le déterminisme est une propriété de lois d’évolution, utiles par leur capacité prédictive, et non une propriété objective de l’univers lui-même.
.
L’hypothèse d’un futur prédéterminé, gravé dans le marbre, par des lois déterministes et réversibles, interprétées comme objectives, est une interprétation réaliste dépassée de la fin du 19ème siècle.
.
.
4. Conclusion : nos choix déterminent notre futur
.
Nous sommes, définitivement, des observacteurs de l’univers. Via l’anthropocène [7], nous sommes responsables de la 6ème extinction de masse [8][9], une extinction de masse dont, selon nos choix, l’espèce humaine n’est pas nécessairement exclue. Nous devons impérativement relever les défis géopolitiques, écologiques [10] et climatiques [11] à ce jour sous-estimés et incorrectement pris en compte.

La responsabilité individuelle et collective de construire notre avenir ne doit rien à l’indéterminisme et encore moins à un déterminisme sociobiologique objectif illusoire. Le mécanisme de la récompense [12] est certes très stable. Toutefois, notre culture mondiale du 21ème siècle, bien plus commune que nous n’en avons conscience, est une donnée d’entrée déterminante pour la réponse de ce mécanisme.

Notre culture, c’est-à-dire notre hiérarchisation de ce que nous estimons avoir de la valeur, nos attentes, nos objectifs, nos choix de priorités, devraient pouvoir être modifiés de façon appropriée dans un délai de l’ordre d’une trentaine d’années. Ce délai est compatible avec une limitation des dommages dus aux interactions commerciales et militaires entre nations et aux modes de production et de consommation de 8 Mds d’êtres humains à ce jour inappropriés à un monde fini.

Notre responsabilité, tant individuelle que collective, consiste à :
  • Identifier et réfléchir aux enjeux critiques à partir des informations dont nous disposons
  • Nous informer et acquérir des compétences additionnelles si nécessaire, puis faire des choix appropriés
  • Être conscients de ces décisions et de leurs conséquences
  • Vérifier la pertinence de nos décisions au regard de leurs conséquences observées
  • Apprendre de ces retours d’expérience et faire de nouveaux choix si nécessaire.
Nous ne sommes pas les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe [13]. Nous sommes individuellement responsables et collectivement capables de façonner l’avenir de notre monde.
.
Nos attentes, nos objectifs, nos choix de priorité et nos actions déterminent notre avenir.
.
.
Bibliographie
[1] S. Hossenfelder, I don't believe in free will, juin 2023, vidéo (20 minutes)
[2] R. Balian, Incomplete descriptions and relevant entropies, Am. J. Phys. 67, 1078, 1999
[3] H. Price, Time’s Arrow and Eddington’s Challenge, Séminaire Poincaré XV Le Temps (2010) 115 – 140
[4] R. Balian, Le temps macroscopique, Colloques de la Société Française de Physique :
le Temps et sa Flèche ; Paris, France ; 1993-12-08
[5] B. Chaverondier, conférence sur la flèche du temps (vidéo 1h15) et the arow of time issue, an overview
[6] G. Musser, The most famous paradox in physics nears its end, Quanta magazine, Oct. 2020
[7] Muséum National d’Histoire Naturelle, Anthropocène : l’Homme acteur des changements environnementaux, mai 2022
[8] Muséum National d’Histoire Naturelle, Sixième extinction de masse : la disparition des espèces a été largement sous-estimée, janvier 2022
[9] R.H. Cowie, P. Bouchet, B. Fontaine, In press. The Sixth Mass Extinction: fact, fiction or speculation? Biological Reviews, DOI : http://doi.org/10.1111/brv.128
[10] Earth beyond six of nine planetary boundaries, Sci Adv. 2023 Sep; 9(37): eadh2458. Published online 2023 Sep 13.
[11] J.M. Jancovici, L’humanité fonce dans le mur, Entretien avec Jean-Marc Jancovici, HugoDécrypte
[12] L.A. O’Connell, H.A. Hofmann, Evolution of social behavior, Genes, hormones, and circuits: An integrative approach to study the evolution of social behavior, Frontiers in Neuroendocrinology, Volume 32, Issue 3, August 2011, Pages 320-335
[13] B. Chaverondier, Are we helpless puppets of a deterministic universe?
.
9_limites_planetaires1.png
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.

Akine
Messages : 242
Inscription : 25 janv. 2017, 19:48

Re: Sommes nous les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe ?

#2

Message par Akine » 06 oct. 2024, 18:49

Bonjour ABC,

J'ai lu avec attention ton texte et les précédents que tu avais émis sur ce même sujet.

Il semble à l'heure actuelle que je suis globalement d'accord avec la plupart de tes affirmations et je compte pas ici mettre en cause leur pertinence générale.

J'ai néanmoins rencontré quelques heurts avec certaines de tes formulations, dont je ne suis pas toujours sûr du sens que tu leur donnes. Par ailleurs, j'ai cherché à clarifier certains des points qui selon moi pouvaient se révéler sources de confusion, ainsi qu'à remettre en question quelques interprétations qui m'ont parues abusives.

Je réagis donc de façon critique, mais je suis bien entendu ouvert à ton appréciation et aux éventuelles corrections que tu feras de mes propos.

Tu dis notamment :
ABC a écrit : 06 oct. 2024, 15:48
Sans l’observacteur macroscopique et sa grille de lecture thermodynamique statistique, il n’y a donc :
  • Pas d’indéterminisme
  • Pas d’irréversibilité
  • Pas de traces du passé, donc pas d’information extraite de ces traces…
…et donc pas de lois et propriétés physiques de l’univers tirées de ces informations. On ne peut donc pas éliminer l’observacteur, ses actions et l’acte d’observaction de la physique.

Hormis son existence, l’univers n’a donc pas de propriété physique objective. On ne peut pas éliminer l’indéterminisme au prétexte de son caractère seulement intersubjectif. Le déterminisme est une propriété de lois d’évolution, utiles par leur capacité prédictive, et non une propriété objective de l’univers lui-même.

.
L’hypothèse d’un futur prédéterminé, gravé dans le marbre, par des lois déterministes et réversibles, interprétées comme objectives, est une interprétation réaliste dépassée de la fin du 19ème siècle.
.
En négligeant la physique quantique (dont tu n'as pas eu besoin pour introduire les notions d'entropie pertinente, d'information et d'irréversibilité intersubjective, et que je laisserai donc hors de mon propos), je ne vois pas en quoi le réalisme et le "subjectivisme" expliquant l'irréversibilité perçue des phénomènes à l'échelle du vivant seraient mutuellement exclusifs. Pourquoi ne pourraient-ils simplement représenter deux angles de vue distincts, chacun utiles pour nous représenter un certain ensemble de systèmes (simples vs. complexes/vivants, un peu comme la mécanique des fluides est plus adaptée à l'étude des écoulements que la physique des particules dont le liquide est composé) ? Spécifiquement, l'existence de l'irréversibilité apparente, de l'intersubjectivité, etc. s'accomode parfaitement d'un univers fondamentalement déterministe et réaliste (ce qui n'est pas forcément le cas, mais on pourrait arguer qu'il s'agit là de l'hypothèse à privilégier en vertu du rasoir d'Occam).

De plus, quand tu parles de l'existence de ces observaCteurs, tu postules sans le dire la réalité de ces derniers... L'intersubjectivité suppose donc l'objectivité de l'existence non seulement de l'Univers, mais aussi d'autres entités, d'une distinction entre observateur (vivant) et reste de l'Univers, etc. Ce qui rend sa mise en place bien plus complexe que tu ne le laisses entendre, et ne justifie pas non plus d'établir d'emblée une dualité stricte entre les deux notions.

Tu pointes avec justesse la réciproque, mais pour être pensé et exploité, le concept d'intersubjectivité a besoin de celui d'objectivité...

Dans un deuxième temps, il faut bien constater que seules certaines traces du passé nous sont accessibles, tout comme certaines traces du futur le sont (ces dernières impliquant certes un processus d'inférence, mais c'est aussi le cas pour les premières : c'est bien par la pratique de la mémoire (qui est elle-même une donnée nécessitant interprétation) et de l'étude d'indices extérieurs que l'on "apprend" au fur et à mesure de notre développement la pertinence de certaines stratégies de déduction, notamment le fait que nos souvenirs correspondent (la plupart du temps) à ce que nous appelons "passé"... En d'autres termes nons ne vivons jamais que dans le présent, passé et futur étant tous deux inférentiels - avec cette nuance que la mémoire ne permet d'explorer qu'une moitié du temps). L'indéterminisme (au sens de l'impossibilité d'être certain de l'état d'un système à différents instants temporels) existe donc dans les deux sens et ne requiert pas la notion d'asymétrie.

Enfin, l'(ir)réversibilté, elle, recouvre deux notions :

- d'une part celle en vertu de laquelle l'évolution des systèmes physiques est (a)symétrique par multiplication par -1 des dérivées impaires par rapport au temps* (vitesse, dérivée de l'accélération, etc.)
- de l'autre celle selon laquelle certains états semblent, au niveau macroscopique, instables, et en vertu de cette instabilité paraissent exhiber un ordre de succession privilégié (paraissent, car, avant d'être diluée, la fameuse goutte d'encre a été concentrée par des procédés industriels, réduisant ainsi l'entropie locale du système dans lequel on la considère en tant que goutte "spéciale")...

Seule l'application de l'une de ces définitions dans le champ conceptuel de l'autre entraîne des absurdités logiques : loin d'entrer en contradiction, elles me semblent au contraire hautement complémentaires. Ta phrase en bleu m'apparaît donc superflue.
On ne peut pas éliminer l’indéterminisme au prétexte de son caractère seulement intersubjectif. Le déterminisme est une propriété de lois d’évolution, utiles par leur capacité prédictive, et non une propriété objective de l’univers lui-même.
Et pourquoi serait-il donc possible d'éliminer, comme tu le fais, l'objectivité de ce déterminisme en vertu de cette même racine intersubjective ?
Si ce que nous appelons déterminisme est effectivement une caractéristique de l'interaction entre une classe d'observateurs capable de le comprendre et de le conceptualiser d'une part, et le reste de l'Univers de l'autre, pourquoi ne serait-il pas une propriété (parmi de nombreuses autres) objective du système observacteurs+reste de l'Univers, donc de l'Univers entier ?

Pour finir, je ne vois vraiment pas le rapport entre tes développements (méta)physiques et ta conclusion, qui opèrent sur des ordres conceptuels très différents...

Le "déterminisme" invoqué par les détracteurs du volontarisme climatique ne se réfère évidemment pas au déterminisme microscopique, mais bien aux interactions mutuellement macroscopiques des systèmes organiques. Il opère donc à un niveau intersubjectif et représente une "loi" statistique au sein de ces systèmes. Ce n'est pas parce que ces lois ne constituent pas une "objectivité immanente" qu'elles ne nous touchent pas et peuvent être ignorées ; et il y avait à mon sens des manières moins laborieuses de souligner le caractère statistique, humain et malléable, de ces tendances...

Je pense en revanche qu'en tant que rhétorique pro-action écologique, ton discours peut se montrer efficace. Je me permets de la contester étant donné le (relatif) consensus sur ce sujet au sein du forum, sans remettre en question le bien-fondé de tes intentions.

*Je laisse ici de côté les symétries P et C qui ne changent pas le raisonnement.

Avatar de l’utilisateur
ABC
Messages : 3846
Inscription : 11 mai 2014, 20:37

Re: Sommes nous les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe ?

#3

Message par ABC » 16 oct. 2024, 15:54

Merci pour ta réponse détaillée. Afin de couvrir les points abordés dans ta réponse, j’ai procédé ainsi :
  • J’ai numéroté 20 points clé de ton post me semblant être de bons marqueurs
  • J’ai ensuite découpé ma réponse en 6 thèmes en précisant les n° des points clé concernés.
Ce mode de réponse me semblait s’accorder avec ta remarque sur les heurts évoqués avec certaines de mes formulations. Je présente ensuite mon point de vue sur ces 6 thèmes dans le post suivant.

Les 20 points clé dans le contexte de ton post

En négligeant la physique quantique (1) (dont tu n'as pas eu besoin pour introduire les notions d'entropie pertinente, d'information et d'irréversibilité intersubjective, et que je laisserai donc hors de mon propos), je ne vois pas en quoi le réalisme (2) et le "subjectivisme" (3) expliquant l'irréversibilité perçue (4) des phénomènes à l'échelle du vivant (4) seraient mutuellement exclusifs. Pourquoi ne pourraient-ils simplement représenter deux angles de vue distincts, chacun utiles pour nous représenter un certain ensemble de systèmes (simples vs. complexes/vivants, un peu comme la mécanique des fluides est plus adaptée à l'étude des écoulements que la physique des particules dont le liquide est composé) ? Spécifiquement, l'existence de l'irréversibilité apparente (5), de l'intersubjectivité, etc. s'accommode parfaitement d'un univers (6) fondamentalement déterministe (6) et réaliste (ce qui n'est pas forcément le cas, mais on pourrait arguer qu'il s'agit là de l'hypothèse à privilégier en vertu du rasoir d'Occam).

De plus, quand tu parles de l'existence de ces observaCteurs, tu postules sans le dire la réalité de ces derniers... L'intersubjectivité suppose donc l'objectivité (7) de l'existence non seulement de l'Univers, mais aussi d'autres entités, d'une distinction entre observateur (8) (vivant) et reste de l'Univers (8), etc. Ce qui rend sa mise en place bien plus complexe que tu ne le laisses entendre, et ne justifie pas non plus d'établir d'emblée une dualité stricte entre les deux notions.

Tu pointes avec justesse la réciproque, mais pour être pensé et exploité, le concept d'intersubjectivité (9) a besoin de celui d'objectivité (9)...

Dans un deuxième temps, il faut bien constater que seules certaines traces du passé (10) nous sont accessibles, tout comme certaines traces du futur (11) le sont (ces dernières impliquant certes un processus d'inférence (11), mais c'est aussi le cas pour les premières : c'est bien par la pratique de la mémoire (qui est elle-même une donnée nécessitant interprétation) et de l'étude d'indices extérieurs que l'on "apprend" au fur et à mesure de notre développement la pertinence de certaines stratégies de déduction, notamment le fait que nos souvenirs correspondent (la plupart du temps) à ce que nous appelons "passé"... En d'autres termes nous ne vivons jamais que dans le présent, passé et futur étant tous deux inférentiels - avec cette nuance que la mémoire ne permet d'explorer qu'une moitié du temps). L'indéterminisme (12) (au sens de l'impossibilité d'être certain de l'état d'un système à différents instants temporels) existe donc dans les deux sens et ne requiert pas la notion d'asymétrie (12).

Enfin, l'(ir)réversibilté (14), elle, recouvre deux notions (14) :
- d'une part celle en vertu de laquelle l'évolution des systèmes physiques est (a)symétrique par multiplication par -1 des dérivées impaires par rapport au temps* (vitesse, dérivée de l'accélération, etc.)
- de l'autre celle selon laquelle certains états semblent, au niveau macroscopique, instables, et en vertu de cette instabilité paraissent exhiber un ordre de succession privilégié (paraissent, car, avant d'être diluée, la fameuse goutte d'encre a été concentrée par des procédés industriels, réduisant ainsi l'entropie locale du système dans lequel on la considère en tant que goutte "spéciale")...

Seule l'application de l'une de ces définitions dans le champ conceptuel de l'autre entraîne des absurdités logiques : loin d'entrer en contradiction, elles me semblent au contraire hautement complémentaires. Ta phrase en bleu m'apparaît donc superflue.

ABC/ On ne peut pas éliminer l’indéterminisme au prétexte de son caractère seulement intersubjectif. Le déterminisme est une propriété de lois d’évolution, utiles par leur capacité prédictive, et non une propriété objective de l’univers lui-même. /ABC

Et pourquoi serait-il donc possible d'éliminer, comme tu le fais, l'objectivité de ce déterminisme (15) en vertu de cette même racine intersubjective ?

Si ce que nous appelons déterminisme est effectivement une caractéristique de l'interaction entre une classe d'observateurs capable de le comprendre et de le conceptualiser (16) d'une part, et le reste de l'Univers de l'autre, pourquoi ne serait-il pas une propriété (parmi de nombreuses autres) objective (9) du système observacteurs+reste de l'Univers, donc de l'Univers entier ?

Pour finir, je ne vois vraiment pas le rapport (17) entre tes développements (méta)physiques et ta conclusion (17), qui opèrent sur des ordres conceptuels très différents...

Le "déterminisme" invoqué par les détracteurs du volontarisme climatique ne se réfère évidemment pas au déterminisme microscopique (18), mais bien aux interactions (18) mutuellement macroscopiques (18) des systèmes organiques. Il opère donc à un niveau intersubjectif et représente une "loi" statistique au sein de ces systèmes. Ce n'est pas parce que ces lois ne constituent pas une "objectivité immanente" qu'elles ne nous touchent pas et peuvent être ignorées ; et il y avait à mon sens des manières moins laborieuses de souligner le caractère (19) statistique, humain et malléable (19), de ces tendances...

Je pense en revanche qu'en tant que rhétorique pro-action écologique, ton discours peut se montrer efficace. Je me permets de la contester étant donné le (relatif) consensus sur ce sujet au sein du forum, sans remettre en question le bien-fondé de tes intentions.

*Je laisse ici de côté les symétries P et C (20) qui ne changent pas le raisonnement.

20 points clé de ton post

physique quantique (1)
réalisme (2)
• "subjectivisme" (3)
Irréversibilité perçue à l'échelle du vivant (4)
l'irréversibilité est apparente (5)
univers fondamentalement déterministe (6)
l'objectivité (7)
distinction entre observateur et reste de l'Univers (8)
concept d'intersubjectivité besoin d'objectivité (9)
traces du passé (10)
traces du futur et processus d'inférence (11)
le présent (12)
l’indéterminisme ne demande pas d'asymétrie (13)
l'(ir)réversibilté recouvre 2 notions (14)
l'objectivité du déterminisme (15)
comprendre et conceptualiser (16)
rapport entre déterminisme et responsabilité (17)
déterminisme microscopique versus interactions macroscopiques (18)
caractère malléable (19)
symétries P et C (20)

6 thèmes visant à couvrir ces points clé
Les points clés concernés sont entre parenthèses

1. "Le" point de vue réaliste (1, 2, 5, 6, 7, 13, 15, 20)
2. "Le" point de vue positiviste (1, 3, 4, 5, 9, 10)
3. Evolutions irréversibles, traces du passé, objectivité et intersubjectivité (4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14)
4. Les observateurs macroscopiques (4, 5, 16)
5. Déterminisme, libre arbitre et responsabilité (15, 17, 18)
6. Responsabilité, attentes, valeurs, choix de priorité et malléabilité culturelle (17, 18, 19)

Je présente mon point de vue sur ces 6 thèmes dans le post suivant.
Dernière modification par ABC le 16 oct. 2024, 19:09, modifié 1 fois.

Avatar de l’utilisateur
ABC
Messages : 3846
Inscription : 11 mai 2014, 20:37

Sommes nous les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe ?

#4

Message par ABC » 16 oct. 2024, 16:13

.
Ci-dessous, réponse en 6 thèmes au format pdf
.
determinism_responsability_climate_crisis.FR_themes.pdf
.
Le post ci-dessous est identique au pdf
.
20 points clé de ton post

physique quantique (1)
réalisme (2)
• "subjectivisme" (3)
Irréversibilité perçue à l'échelle du vivant (4)
l'irréversibilité est apparente (5)
univers fondamentalement déterministe (6)
l'objectivité (7)
distinction entre observateur et reste de l'Univers (8)
concept d'intersubjectivité besoin d'objectivité (9)
traces du passé (10)
traces du futur et processus d'inférence (11)
le présent (12)
l’indéterminisme ne demande pas d'asymétrie (13)
l'(ir)réversibilté recouvre 2 notions (14)
l'objectivité du déterminisme (15)
comprendre et conceptualiser (16)
rapport entre déterminisme et responsabilité (17)
déterminisme microscopique versus interactions macroscopiques (18)
caractère malléable (19)
symétries P et C (20)

6 thèmes visant à couvrir ces points clé

1. "Le" point de vue réaliste (1, 2, 5, 6, 7, 13, 15, 20)
2. "Le" point de vue Positiviste (1, 3, 4, 5, 9, 10)
3. Evolutions irréversibles, traces du passé objectivité et intersubjectivité (4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14)
4. Les observateurs macroscopiques (4, 5, 16)
5. Déterminisme, libre arbitre et responsabilité (15, 17, 18)
6. Responsabilité, attentes, valeurs, choix de priorité et malléabilité culturelle (17, 18, 19)

1. "Le" point de vue réaliste (1, 2, 5, 6, 7, 8, 13, 15, 20)

Point(s) de vue dans la lignée d’Einstein, Schrödinger, de Broglie, Bohm, Bell, Laloë [1], Bricmont, Aspect… selon lequel lois et propriétés de (nos interactions avec) l’univers (y compris la distinction entre observateurs et reste de l’univers (8)) seraient objectives (2)(7), cad existeraient/auraient un sens physique sans avoir à recourir à la notion seulement intersubjective de grandeur macroscopique.

L’écoulement irréversible du temps, les traces du passé, la distinction entre évènements passés et évènements futurs ainsi que l’indéterminisme et l’irréversibilité (4)(5) (dont ceux de la mesure quantique (1)) violent l'unitarité des évolutions (20). Or cette violation d’unitarité des évolutions [2] exige le recours à l’information incomplète [3], reposant sur la notion thermodynamique statistique de grandeur macroscopique propre à l’observateur macroscopique (donc seulement intersubjective (9)). Ils sont donc considérés comme des illusions (4)(5) [4] [5] et "le" point de vue réaliste est donc le plus souvent accompagné de l’hypothèse d’un déterminisme objectif (6)(15).

[1] Comprenons nous la physique quantique (1), Franck Laloë, vidéo, Février 2015

[2] H. Price, Time’s Arrow and Eddington’s Challenge, Séminaire Poincaré XV Le Temps, 2010, 115– 140 "The thermodynamic arrow isn’t just a T- asymmetry, it is a PCT-asymmetry (1)(13)(20) as well"

[3] R. Balian, Incomplete descriptions and relevant entropies, (1)(4)(5) Am. J. Phys. 67, 1078, 1999

[4] La distinction entre le passé, le présent et l'avenir n'est qu'une illusion obstinément persistante, Einstein, dans une lettre de condoléance de 1955, adressée à la famille de son ami et plus proche collaborateur Michele Besso

[5] L’écoulement du temps est une illusion, Thibault Damour, Novembre 2016


2. "Le" point de vue positiviste (1, 3, 4, 5, 9, 10)

Point(s) de vue selon lequel seul entre dans le champ de la physique ce qui peut ou pourra être observé par un observateur macroscopique, cad peut ou pourra donner lieu à des enregistrements irréversibles (4)(5) d’informations/traces du passé (10). C’est, par exemple, le point de vue de Fuchs [6], Peres [7], Zwirn, Bitbol, Grinbaum, Gell-mann… dans la lignée des Bohr, Born, Heisenberg… de l’école de pensée de Copenhague.

Le rôle de la physique n'est alors plus de décrire objectivement la réalité (point de vue réaliste ambitionné fin 19ème) car on ne sait pas donner à la notion de grandeur objective un sens opérationnellement testable par des observations reproductibles*. Elle a pour rôle d'élaborer des modèles prédictifs aptes à fournir des prédictions fiables de ce que l'on est en mesure d'observer de façon reproductible [6]. La notion de grandeur ou propriété objective (9) est donc considérée comme une illusion, une identification abusive avec la notion d’intersubjectivité (9), une identification incompatible (selon ce point de vue) avec le changement de paradigme induit par la physique statistique et la physique quantique au passage de la fin du 19ème siècle au début du 20ème siècle.

[6] A private view of quantum reality, C. Fuchs, quanta magazine, Juin 2015
Selon Fuchs QBism (1) = Quantum Betabilitarianism = aptitude à faire des paris gagnants.
"When an observer makes a measurement, she instantaneously “collapses” the wave function into one possible state. QBism argues that this collapse isn’t mysterious. It just reflects the updated knowledge (3)(4) of the observer.”

La mesure quantique (1) n’est donc pas interprétée comme un phénomène objectif mais, au contraire, comme un enregistrement irréversible d’information (4)(5) [8], une opération s’accompagnant d’une transformation d’informations pertinentes, cad accessibles à l’observation, en informations dites non pertinentes [3].

[7] Quantum Theory Needs No Interpretation, A. Peres, C. Fuchs, Sept 2000, Physics Today 53(3)
“The thread common to all the “nonstandard interpretations" is the desire to create a new theory with features that correspond to some reality (2) independent of our potential experiments (4)(5). But, trying to full a classical worldview by encumbering quantum mechanics with hidden variables, multiple worlds, consistency rules, or spontaneous collapse…”

* Des grandeurs/traces du passé reproductiblement observables sont issus d’évolutions irréversibles (4)(5), cad s'accompagnant de création d'entropie dite pertinente = fuite d'informations dites non pertinentes hors de portée de l'observateur macroscopique (Cf. thème 3 ci-dessous).

[8] Delayed-Choice Experiments and Bohr's Elementary Quantum Phenomenon,
W.A. Miller; J.A. Wheeler. Proceedings of the international symposium foundations of quantum mechanics in the light of new technology, 1984
"No elementary quantum phenomenon is a phenomenon until it is a registered ('observed', 'indelibly recorded') phenomenon, 'brought to a close' by 'an irreversible (4)(5) act of amplification'."

[3] R. Balian, Incomplete descriptions and relevant entropies, §7 Reduction of the description,
Am. J. Phys. 67, 1078, 1999


3. Evolutions irréversibles, traces du passé objectivité et intersubjectivité (4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14)

Evolutions s’accompagnant d’une création d’entropie pertinente (14), c’est-à-dire une fuite d’information hors de portée de l’observateur macroscopique (souvent par transformation d’informations accessibles à l’observateur en corrélations inaccessibles. Cf. par exemple l’hypothèse du chaos moléculaire). Cette irréversibilité est nécessaire à l’obtention de macroétats d’équilibre [9] où l’état macroscopique d’un système considéré n’évolue plus (l’état microphysique en reste prisonnier). C’est le cas, par exemple, de la diffusion d’une goutte d’encre dans un verre d’eau. Grâce à ces évolutions irréversibles (4)(5), il y a création de traces du passé (10), stables, résistant aux agressions de l’environnement et à des lectures successives d’observateurs macroscopiques distincts, nous offrant ainsi l’accès à une information intersubjective (9) sur (nos interactions avec) l’univers.

Les traces du passé (9)(10), émergeant d’évolutions irréversibles (4)(5)(9), ne servent donc pas à décrire des phénomènes à la seule échelle macroscopique. Elles sont requises pour décrire les phénomènes se produisant à l’échelle microphysique (4)(5) [8] base de notre physique. Ces informations, recueillies sous forme d’enregistrements irréversibles (4), cad à l’échelle macroscopique, nous permettent d’affecter des lois et propriétés à l’univers, y compris le déterminisme (15) et la distinction entre observateurs et systèmes observés (8).

A l’inverse, l’hypothèse d’existence de grandeurs physiques et de propriétés, dont le déterminisme (15), qui présenteraient un caractère objectif, cad indépendant de toute considération de grandeur macroscopique, est une hypothèse métaphysique. En effet, la preuve en demanderait des observations reproductibles reposant sur la notion seulement intersubjective (9) de grandeur macroscopique (4) : contradiction. Le concept de lois et propriétés de l’univers a donc besoin du concept d’intersubjectivité (9) et non de celui d’objectivité (9). Il est donc légitime, d’après moi, selon le principe du rasoir d’Occam, de faire l’économie de l’hypothèse métaphysique d’existence de propriétés objectives [10].

Par ailleurs, il n’y a pas de traces du présent (12) car les évènements séparés par un intervalle de type espace ne nous sont pas accessibles (la mesure d’Alice ne crée pas d’entropie du côté de Bob). Il n’y pas non plus de traces du futur (11). Une évolution à rebrousse-temps en provenance d’un évènement futur, donc créateur seulement ultérieurement d’entropie pertinente, est nécessairement inobservable. En effet, étant à entropie décroissante, une évolution du futur vers le présent efface les traces/enregistrements irréversibles reproductiblement observables créés dans le futur [11]. Cette asymétrie temporelle de notre information est l’origine du principe de causalité et plus généralement de toutes les asymétries temporelles et de l’indéterminisme (13), cad notre ignorance du 2ème vecteur d’état évoluant du futur vers le présent [12].

[9] M. Gell-Mann, The Quark and the Jaguar, Londres. Little Brown and Co, 1994, p. 218-220
"L’entropie peut être considérée comme une mesure de l’ignorance. Lorsque nous savons seulement qu’un système est dans un macroétat donné, l’entropie du macroétat mesure le degré d’ignorance à propos du microétat du système, en comptant le nombre de bits d’information additionnelle qui serait nécessaire pour le spécifier [complètement]."

[8] Delayed-Choice Experiments and Bohr's Elementary Quantum Phenomenon,
"No elementary quantum phenomenon is a phenomenon until it is a registered ('observed', 'indelibly recorded') phenomenon, 'brought to a close' by 'an irreversible act of amplification'."

[10] A. Peres, D.R. Terno, Quantum Information and Relativity Theory, Rev. Mod. Phys. 76:93-123, 2004
B. Quantum mechanics and information : "Even the very existence of particles depends on the context of our experiments… In particular, observers whose world lines are accelerated record different numbers of particles, as will be explained in Sec. V.D (Unruh, 1976; Wald, 1994).”

[11] L. Maccone, A quantum solution to the arrow-of-time dilemma, Phys. Rev. Lett. 103:080401, 2009
“All phenomena where the entropy decreases must not leave any information of their having happened.”

[12] Y. Aharonov, L. Vaidman, The two-state vector formalism
"Time in Quantum Mechanics'', edited by J. G. Muga, R. Sala Mayato and I. L. Egusquiza


4. Les observateurs macroscopiques (4, 5, 16)

Regroupe l’ensemble des observateurs (les êtres vivants (4)) pour lesquels les grandeurs pertinentes sont les grandeurs macroscopiques usuelles. C’est une classe bien plus large que celle des êtres conscients, classe elle-même plus large que celle d’êtres aptes à comprendre et conceptualiser (16) les informations recueillies. Le concept d’observateur macroscopique sert à définir la notion d’entropie pertinente. Il repose sur le concept de grandeur macroscopique (température, pression, caractéristiques physicochimiques d’un milieu…), les informations dites pertinentes car exploitées par les êtres vivants au cours de leur vie [3]. Un appareil de mesure peut être considéré comme un observateur macroscopique car il fournit des informations pertinentes à l’échelle macroscopique à l’issue d’un processus irréversible (4) (un processus créateur d’entropie pertinente (5)).

[3] R. Balian, Incomplete descriptions and relevant entropies, Am. J. Phys. 67, 1078, 1999


5. Déterminisme, libre arbitre et responsabilité (15, 17, 18)

Voilà ce que nous dit Sabine Hossenfelder : "L’avenir est déterminé par le passé, à l’exception des sauts quantiques que personne ne peut contrôler. Les causes ont des causes, ont des causes et elles remontent jusqu’au big-bang. Cela veut-il dire que nous n’avons pas de libre arbitre ? Prenons-nous des décisions ? Bien sûr que nous n’avons pas de libre arbitre" [13].

La performance, en tant qu’outil prédictif, des lois d’évolutions déterministes n’est nullement contestable. Par ailleurs, attribuer au déterminisme modélisé à l’échelle microscopique un caractère objectif se répercute nécessairement, mécaniquement, à l’échelle macroscopique (17)(18). Dans cette hypothèse, nous sommes des marionnettes d’un univers dont le futur est déjà écrit.

Or, opérationnellement, la signification physique du déterminisme repose sur le concept observable de prédictibilité, une prédictibilité bornée par notre manque d’information. C’est, grosso modo, l’entropie des traces du passé. Mesuré en nombre de bits (S/k ln(2)), ce manque d’information, ne peut pas être fortement réduit. La nature même de l’information à la base de notre physique nous interdit de nous rapprocher peu à peu des capacités prédictives d’un démon de Laplace. Le démon de Laplace, le représentant idéalisé d’un déterminisme objectif (15), n’est donc pas une idéalisation mais une illusion.

[13] Je ne crois pas au libre arbitre, S. Hossenfelder


6. Responsabilité, attentes, valeurs, choix de priorité et malléabilité culturelle (17, 18, 19)

Une autre croyance me semble elle-aussi erronée : l’hypothèse selon laquelle le mécanisme de la récompense [14] expliquerait à lui seul nos choix d’objectifs. Cette hypothèse ne tient pas compte d’un point très important : les résultats d’un logiciel dépendent de ce que qu’on y entre : "garbage in, garbage out". Notre culture, notre système de valeurs, sont des données d’entrée de ce mécanisme. Elles jouent donc un rôle déterminant dans nos choix de priorité et présentent une certaine malléabilité (19). Cette malléabilité est possiblement compatible avec le délai requis pour les changer avant que les dommages créés par nos modes actuels de production et de consommation n’engendrent des conséquences catastrophiques pour l’humanité (pour le règne animal et végétal c’est déjà fait).

D’une façon plus générale, l’hypothèse d’un déterminisme ou de contraintes diverses insurmontables responsables à 90% de nos choix collectifs actuels, est fausse (selon moi). Elle donne un argument de poids aux détracteurs des notions de responsabilités individuelle et collective. Elle repose inconsciemment sur le désir d’évacuer le stress induit par la situation actuelle en nous trouvant des causes insurmontables et/ou des coupables sur lesquels diriger nos frustrations et notre colère, un confort psychologique trop coûteux pour nous en offrir le luxe.

Il me semble donc important de mieux apprécier :
• D’une part, le poids réel de nos attentes, valeurs et choix de priorités dans l’arbre des causes.
• D’autre part, les causes sur lesquelles nous pouvons réellement avoir une action efficace au lieu de nous focaliser sur des causes que nous pouvons seulement trouver affligeantes et décourageantes car ne nous offrant pas d’autre issue qu’un sentiment de colère impuissante.

Cela demande aussi :
• D’acquérir une compétence/connaissance des défis écologiques et climatiques et une maîtrise de nos divers biais pas toujours au rendez-vous à ce jour, notamment biais de valeur sacrée/ligne rouge et biais d'appartenance.
• De ne plus interpréter le besoin d’une information correcte comme de la seule responsabilité d’être correctement informés par d’autres que nous-mêmes.

Des efforts sur ces points me semblent pouvoir payer en quelques décennies s’ils sont correctement identifiés et pris en compte. Pour ma part je les crois au moins nécessaires s’ils ne sont pas suffisants.

Un dernier point. Ce type de document doit-il est être coupé en 2 parties (17)(18) pour être utile (en 2 parties distinctes : l’une philosophique/physique et l’autre sociétale comme tu le signales) ? D’autant que la partie physique/philosophique est sujette à débats. Sur cette partie, de vives controverses sont toujours en cours au plus haut niveau (qui plus est, souvent sans insister sur le lien intersubjectivité/grandeur macroscopique) alors que l’impérieuse nécessité de réaliser notre part de responsabilité dans les choix collectifs actuels est (selon moi) au contraire indiscutable et cruciale (et possiblement sujette à des réactions de rejet, même en déployant d’importants efforts pour identifier et éviter les points sensibles).

Peut-être. Ça dépend du poids (ou pas) dont pèse l’argument d’un hypothétique déterminisme objectif pour nier l’impérieuse nécessité de reconnaître la responsabilité de nos attentes, valeurs et choix de priorités dans l’évolution collective de nos modes de production et de consommation et pour aboutir, au contraire, en un petit nombre de décennies, aux conclusions, choix et changements appropriés.

[14] Le mécanisme de la récompense. L.A. O’Connell, H.A. Hofmann, Evolution of social behavior, Genes, hormones, and circuits: An integrative approach to study the evolution of social behavior, Frontiers in Neuroendocrinology, Volume 32, Issue 3, August 2011, Pages 320-335
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.

Akine
Messages : 242
Inscription : 25 janv. 2017, 19:48

Re: Sommes nous les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe ?

#5

Message par Akine » 19 oct. 2024, 11:07

ABC a écrit : 16 oct. 2024, 15:54 Merci pour ta réponse détaillée. Afin de couvrir les points abordés dans ta réponse, j’ai procédé ainsi :
  • J’ai numéroté 20 points clé de ton post me semblant être de bons marqueurs
  • J’ai ensuite découpé ma réponse en 6 thèmes en précisant les n° des points clé concernés.
Ce mode de réponse me semblait s’accorder avec ta remarque sur les heurts évoqués avec certaines de mes formulations. Je présente ensuite mon point de vue sur ces 6 thèmes dans le post suivant.
Bonjour ABC,

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de me répondre de cette façon aussi sourcée qu'exhaustive.

Je vais avoir besoin de trouver celui de te lire, d'absorber en détail les références que tu fournis et de parvenir à une compréhension satisfaisante de l'ensemble avant de m'autoriser à rebondir sur tes propos, ce qui risque d'être assez long.

A bientôt donc sur ce fil, mais dans un avenir incertain.

Avatar de l’utilisateur
ABC
Messages : 3846
Inscription : 11 mai 2014, 20:37

Re: Sommes nous les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe ?

#6

Message par ABC » 25 févr. 2025, 13:16

Jodie a écrit : 24 févr. 2025, 22:44je ne crois pas que l'on puisse changer quoi que ce soit au destin.
Pour ma part (point de vue controversé et probablement minoritaire parmi les personnes de formation scientifique), j'interprète le destin comme une illusion. La notion de propriétés et lois physiques objectives, dont découle l'interprétation d'une évolution objectivement déterministe de notre univers, est (selon moi) une illusion...

Pour ma part, je suis partisan d'une interprétation positiviste de la physique (1), une interprétation selon laquelle la notion d'objectivité est une illusion héritée de la physique de la fin du 19ème. A cette époque, l'extraordinaire avancée des capacités prédictives de la science, la fiabilité et la précision de ses prédictions ont pu laisser croire qu'il existait des grandeurs physiques objectives (comme les constantes fondamentales de la physique : G, c, h, la chargé électrique de l'électron, la masse des particules élémentaires...) et des lois fondamentales qui existeraient indépendamment de notre grille de lecture d'observacteur macroscopique...

...Or les informations sur lesquelles reposent les lois et propriétés physiques de l'univers, sont (et ne sont que) des informations présentant un caractère intersubjectif. Elles sont donc, nécessairement extraites d'enregistrements d'information irréversibles, de traces du passé. C'est en effet de cette irréversibilité que découle leur intersubjectivité, la reproductibilité de leur lecture car (c'est le principe d'un enregistrement d'information irréversible) les microétats restent piégés dans des macroétats d'équilibre...

...Il n'y a donc pas de traces du passé intersubjectivement lisibles sans la notion seulement intersubjective d'état/grandeur macroscopique, une notion de macroétat qui n'existe pas sans le recours aux observacteurs macroscopiques (les êtres vivants, percevant les mêmes grandeurs thermodynamiques statistiques macroscopiques : pression, température, volume, salinité, acidité, composition chimique...)

Dans le présent fil, j'ai donc défendu le point de vue selon lequel l'attribution d'une évolution objective et déterministe à notre univers serait une illusion découlant d'une interprétation réaliste des lois d'évolution, une illusion prétant à ces lois un caractère objectif/indépendant de l'observateur macroscopique. Nous sommes (selon moi) les artisans de notre destin par nos choix de priorité et par nos décisions.

Il me semble utile, dans la période critique que nous vivons, de souligner l'importance de la notion de responsabilité individuelle. Une interprétation réaliste de la physique (à laquelle j'ai pourtant cru trèèès longtemps avant de réaliser qu'elle était incompatible avec l'existence même d'informations stables, intersubjectives et reproductiblement lisibles) et certains biais d'appartenance (notamment, parfois, un accent à mon sens trop fort mis sur telle ou telle catégorie spécifique de coupables) tendent (selon moi) à minimiser l'importance de la notion de responsabilité individuelle, une notion me semblant cruciale pour notre avenir. Personne ne pourra choisir à notre place les décisions que nous prendrons...
...ou pas.

(1) Il n'y a pas consensus quant à l'interprétation positiviste de la physique, bien que ce point de vue positiviste me semble plutôt majoritaire à ce jour dans la communauté scientifique.

Jodie
Messages : 827
Inscription : 05 févr. 2024, 01:14

Re: Sommes nous les marionnettes impuissantes d’un univers déterministe ?

#7

Message par Jodie » 25 févr. 2025, 13:46

ABC a écrit : 25 févr. 2025, 13:16

Dans le présent fil, j'ai donc défendu le point de vue selon lequel l'attribution d'une évolution objective et déterministe à notre univers serait une illusion découlant d'une interprétation réaliste des lois d'évolution, une illusion prétant à ces lois un caractère objectif/indépendant de l'observateur macroscopique. Nous sommes (selon moi) les artisans de notre destin par nos choix de priorité et par nos décisions.

Il me semble utile, dans la période critique que nous vivons, de souligner l'importance de la notion de responsabilité individuelle. Une interprétation réaliste de la physique (à laquelle j'ai pourtant cru trèèès longtemps avant de réaliser qu'elle était incompatible avec l'existence même d'informations stables, intersubjectives et reproductiblement lisibles) et certains biais d'appartenance (notamment, parfois, un accent à mon sens trop fort mis sur telle ou telle catégorie spécifique de coupables) tendent (selon moi) à minimiser l'importance de la notion de responsabilité individuelle, une notion me semblant cruciale pour notre avenir. Personne ne pourra choisir à notre place les décisions que nous prendrons...
...ou pas.

(1) Il n'y a pas consensus quant à l'interprétation positiviste de la physique, bien que ce point de vue positiviste me semble plutôt majoritaire à ce jour dans la communauté scientifique.

Je vois les choses un peu différemment de vous, soit que je suis libre d'adopter ou non mes pensées ou réflexions (notre libre-arbitre), mais pas de notre destin, soit de l'Inévitable. Mëme si on ne veut pas mourrir, on va mourrir. Il faut donc considérer le destin et le choix du comment nous le vivrons dans notre tête. Autrement dit, nous avons tous deux un raisonnement qui se tient, possiblement.

Ce qui est cruciale pour notre avenir ABC, c'est de se connaître.

Que ce passerait-il si on comprenait suffisamment bien ce qui se passe en amont de nos pensées et actions, soit dans notre organisme ?

Apprendre à mieux raisonner ne suffit pas parce que tout dépend des connaissances enregistrées, autrement de ce que vous avez appris. Délaisser volontairement ses croyances, non plus parce qu'on n'a pas accès à toutes les connaissances et il faut bien donner une valeur ou non à ce qui nous vient à l'esprit. De plus, les risques de retomber dans la facilité d’un ‘’vieux pensé’’ c’est comme de bons vieux chaussons; ca nous garde dans un certain confort. Par ailleurs, de ce que je comprends de mes lectures actuelles, le cerveau a possiblement tendance à nous faire glisser dans cette facilité pensante.

La connaissance est notre seul espoir pour espérer que le monde change, mais peut-être est-ce écrit quelque part dans les cellules du vivant de notre espèce que nous deviendrons plus intelligent (le destin de notre espèce) pour que nombre fausses idées tombent (notre libre-arbitre d'avancer ou de faire du sur place avec ce qui est déjà établis).

Je vais relire votre partie après le travail parce qu'il y a un certain nombre de définitions qu'il faut que je comprenne.

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit