On peut au moins prouver que l'idée est très antérieure à Trump et qu'elle n'est pas partie des USA mais de Turquie (édit par précaution, sous réserve qu'on ne trouve pas quelque chose de plus ancien encore).PhD Smith a écrit : 11 nov. 2024, 16:53 Allons-y qu'on s'amuse à prouver que l'"état profond" existe.
"Selon l'historien Tancrède Josseran, la paternité de la locution « État profond » (derin devlet) revient au Premier ministre turc Bülent Ecevit. Au départ, le terme est utilisé dans un sens différent du sens actuel. Il désigne la contre-guérilla (Kontrgerilla), à savoir un réseau clandestin chargé de lutter contre une éventuelle invasion soviétique, et dont l'organisation est gérée par le ministère de la Défense1. Ce réseau demeure inconnu des pouvoirs publics jusqu'en 19731. Le derin devlet est le bras armé de l'élite militaro-laïque. Kenan Evren qui dirige le coup d'État en 1980 déclare ainsi : « L'État profond, c'est nous. À chaque fois que l'État s'affaiblit, nous le reprenons en main1. » Leur idéologie considère que la République turque laïque et moderniste se construit au détriment d'une société attachée à l'islam, et qu'une organisation occulte serait nécessaire pour lutter contre cela. Pour eux, il revient à l'État profond la mission de lutter contre "le séparatisme ethnique du PKK", les "groupes gauchistes" ou la "réaction religieuse"1. (...)
Le terme effectue un glissement sémantique dans les années 1990. Selon Jean-Paul Burdy et Jean Marcou, le terme est utilisé en Turquie à partir de ce moment-là pour désigner « un pouvoir invisible, non détectable parmi les institutions légales et légitimes de la République, mais qui pèse sur les grandes décisions politiques et le fonctionnement sociétal ». Il est censé reposer « sur une fraction de la bureaucratie civile et militaire [...] le corps des magistrats ; le corps diplomatique ; les écoles formant les élites administratives »9.
"Il est aussi utilisé par les islamistes pour désigner les forces au sein de l’État « qui veille[nt] sur la république indivisible et laïque léguée par Mustafa Kemal Atatürk »10.
"Le terme est notamment réutilisé en lien avec l'affaire de Susurluk pour désigner cette fois les services secrets11,12. Quand le Parti de la justice et du développement de Recep Tayyip Erdoğan parvient au pouvoir en 2002, le Service de renseignement national (MIT) reste loyal au nouveau pouvoir1,13, l'armée turque n'incarnant plus « l’État profond »14.
"Le terme apparaît à nouveau à partir de novembre 1996 dans des interviews, toujours dans le cadre de la Turquie15. Demirel, ancien Président de Turquie, déclare ainsi qu'« il y a un État profond et un autre État [...]. L'État qui devrait être véritable est celui de secours, celui qui devrait être de secours est le véritable »16.
"Le terme est repris par le président Recep Tayyip Erdoğan, qui déclare en 2012 que « Chaque État a son propre État profond; c'est comme un virus; il réapparaît lorsque les conditions sont favorables. Nous continuons la lutte contre ces structures. Nous ne pouvons pas bien sûr prétendre que nous l'avons complètement éliminé et détruit parce qu'en tant que politicien, je ne crois pas qu'un État dans le monde a été capable de le faire complètement »17."
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat_profond
Après, qu'une structure ou un système informels assure la continuité de ce qu'on ne peut pas chambouler sans inconvénient grave après une transition démocratique, et que l'électeur moyen ignore, c'est peut-être défendable voire nécessaire. Mais c'est un pouvoir de fait, et tout pouvoir peut dériver.