qpad2 a écrit : Ce que je comprends de ta présentation, c'est l'idée d'associer une température aux fluctuations du vide quantique (sinon, d'où vient ce "champ de vecteurs température" ?). A partir de là, j'imagine qu'il y a moyen de définir une sorte d'entropie et, comme en RG l'espace-temps est lié à l'énergie présente, de lier cette entropie au temps. C'est grossièrement formulé mais est-ce que ça correspond à ce que tu évoquais ? Si oui, il me semble que ça implique nécessairement d'avoir un modèle quantique de la RG, ce qui aux dernières nouvelles n'est pas encore possible... enfin peut-être que dans ce contexte, les modèles existant sont suffisants ?
Ce que disait Jean Marie Souriau, oralement, c'est que, selon lui, l'écoulement du temps aurait une base thermodynamique reposant sur un champ de 4-vecteurs température, champ que l'on peut associer à tout milieu. Ce champ de 4-vecteurs température serait obtenu en tant champ de vecteurs dual d'un champ de flux d'entropie (une 3-forme) via un potentiel de dissipation (je suppose qu'il s'agit d'une 4-forme, mais je n'ai pas de document écrit là dessus).
Cette interprétation donne à la direction privilégiée d'écoulement du temps (les référentiels locaux privilégiés), et à leur sens d'écoulement du temps passé-futur, un caractère définitivement thermodynamique. Cela fait donc implicitement intervenir une classe d'observateurs, caractérisée par leur limitation (identique) d'accès à l'information, en relation avec la théorie de l'information. Cela me semble avoir un lien de parenté avec l'objectif affiché par Michel Bitbol, W. Zurek et Anton Zeilinger de reformuler complètement la mécanique quantique sur une base théorético-informationnelle.
Malgré tout, supposer l'existence d'un champ de 4-vecteurs temps privilégié égal, par définition (à la normalisation près), à un champ de 4-vecteurs température du milieu considéré, me semble poser le problème suivant. Il n'y a pas un vide quantique, mais des vides quantiques. Que se passe-t-il si des champs quantiques n'interagissent pas suffisamment les uns avec les autres pour qu'un équilibre thermodynamique soit établi entre eux. Il y a plusieurs flèches du temps selon le champ dans lequel on prélève l'information ? Pourquoi pas, mais ça modifierait pas mal notre conception d'un temps unique s'écoulant du passé vers le futur.
En outre, que se passe-t-il tant que l'équilibre local n'est pas atteint ?
Pour en rajouter une couche avec les tours de passe passe que la MQ semble jouer à notre perception locale et causale de l'espace-temps perçu à notre échelle macroscopique sur la base des échanges d'informations classiques que nous savons prélever, contrôler et enregistrer (par opposition à l'échange de caractéristiques quantiques non exploitables sans transfert d'une information classique concomitante) une "petite expérience" mérite d'être présentée. Il s'agit de l'expérience dite du choix retardé de Marlon O Scully
http://www.bottomlayer.com/bottom/kim-s ... ly-web.htm .
Elle utilise 2 cristaux BBO. 1 cristal BBO est placé derrière chaque fente d'un dispositif d'interférence à 2 fentes de Young. Quand un photon passe dans un cristal BBO, une paire photon signal/photon témoin est créée (il s'agit d'une paire de photons EPR corrélés d'énergie divisée par 2) .
Dans le dispositif expérimental présenté, quand la détection de photons témoins fournit une information which way sur leurs photons signaux EPR corrélés, les photons signaux passent obligatoirement par une seule des 2 fentes de Young et ne permettent alors pas la construction de franges d'interférence sur l'écran de détection des franges d'interférence (écran sur lequel un capteur D0 comptabilise les détections de phtons signaux et enregistre l'emplacement de ces détections sur l'écran).
Quand, au contraire, l'information which way, portée par les photons témoins (jumeaux EPR corrélés des photons signaux) est effacée par l'effaceur quantique, alors les photons signaux passent par les deux fentes à la fois et contribuent donc à la formation d'une figure d'interférence (sur l'écran chargé de recevoir cette figure d'interférence).
Cette expérience peut être vue comme établissant une corrélation instantanée (et parfois même rétrocausale) entre la formation/destruction d'une figure d'interférence entre deux faisceaux de photons signaux (issus du système d'interférence à 2 fentes de Young) et l'enregistrement/(destruction, grâce à un effaceur quantique, de la possibilité d'enregistrement) de l'information which way portée par les photons témoins (EPR corrélés à ces photons signaux).
Ces photons témoins fournissent en effet l'information which way de leurs photons signaux EPR corrélés s'ils sont détectés en D3 ou en D4 (donc sans passage par l'effaceur quantique, cf la figure du document donné en lien). Cette information which way est au contraire effacée par l'effaceur quantique si les photons témoins sont détectés en D1 ou D2 (détecteurs situés derrière l'effaceur quantique).
Ce qui est bizarre, vis à vis de notre perception de la causalité (valable seulement pour les échanges d'informations classiques avec alors correspondance entre l'ordre cause-effet et l'ordre passé-futur), c'est que le passage des photons signaux par une seule des deux fentes de Young ou au contraire par les deux fentes en même temps (ce second cas donnant lieu à des franges d'interférence au bout d'un certain nombre de tirs) est "décidé" _avant_ que les photons témoins aient été détectés en D3 ou D4 (l'information which way sur les photons signaux EPR corrélés à ces photons témoin est enregistrée par ces 2 capteurs) ou au contraire aient été détectés en D1 ou D2 (cas où l'information which way, sur les photons signaux EPR corrélés à ces photons témoins, a été effacée grâce à l'action de l'effaceur quantique situé avant ces détecteurs). En fait, tant que la mesure quantique de l'information which way portée par les photons témoins n'a pas été enregistrée par l'un des détecteurs D3 ou D4, cette information est effaçable et c'est ce que fait l'effaceur quantique avant détection des photons témoins en D1 ou D2.
Toutefois, l'alternance des franges sombres et claires créées par interférence des photons signaux (sur l'écran situé derrière les deux fentes de Young) ne peut pas être observée directement. Ces franges peuvent seulement être reconstruites
après la détection des photons témoins (en D3, D4, D1 ou D2), et ce, à partir d'une transmission d'information classique (donc à vitesse inférieure à celle de la lumière) de comptage de coïncidences (coincidences entre les détections des photons témoins en D1, D2, D3 ou D4 et la détection en D0 des photons signaux EPR corrélés absorbés par l'écran d'interférence placé derrière les fentes de Young). La causalité (et la flèche passé-futur associée) ainsi que la localité associées au transfert d'informations classiques, les seules informations que nous sachions contrôler et enregistrer, est donc sauve.
Tout cela évoque bigrement l'idée selon laquelle nous ne saurions observer que des situations d'équilibre, l'information classique étant (probablement) enregistrée sous forme d'états d'équilibre.
Peut-être le passé peut-il être effacé et réécrit (difficile à dire car d'autres interprétations sont envisageables) à condition que nous ne puissions pas accéder à cette "information" (sur cet "ancien passé"). Cela me semble rejoindre le lien temps/thermodynamique/théorie de l'information évoqué par l'hypothèse du temps thermique proposée par Carlo Rovelli et le rôle essentiel joué, dans notre perception de l'espace et du temps et probablement dans sa définition même) par l'information classique captée par l'observateur.