Enfin, vu que ce sujet intéresse les foules, profitons-en pour le lancer. Tu ne m'en voudras pas si je propose des trucs que tu sais déjà. C'est pour lancer discussion et m'éclaircir les idées. Aussi pour ne pas démériter les remerciements de Vinety.
J-F a écrit :Qu'est-ce t'en sais? A ma connaissance, le génome de néanderthal n'a pas été séquencé (même s'il y aurait des tentatives en ce sens).
Oui. J'aurais pu écrire
"il y a très probablement plus de différences génétiques entre X et Y qu'entre ... ", mais il faut vivre dangereusement.

Des tentatives de séquençage de son génome ? Bé, il faudrait déjà en avoir quelques-uns de complets pour ce faire. Or y en a point. Il n'y a point non plus de séquençage spécifique au génome du bonobo, puisque c'est
Pan troglodytes qui fut choisi.
Il existe des méthodes moléculaires autres que le séquençage complet pour évaluer les proximités génétiques...
Faut donc déduire et proposer, faire avec le matériel, les méthodes et les fragments à disposition - ou reconstituer ce génome et tenter de suivre les informations à disposition sur les différents travaux effectués. Des études comparatives sur des fragments donnent une idée des ressemblances et différences entre hommes : depuis 10 ans, elles se sont suivies les unes les autres, avec à chaque fois ou presque une conclusion différente...
Cependant que les ressemblances morphologiques (squelette) moyennes entre neander et cro-magnon sont un fait établi - aussi établi que les différences interindividuelles parfois aggravées entre sapiens et sapiens du même quartier ne les empêchent pas de copuler avec fertilité.
Plus récemment,
Jared Diamond :
"la distance génétique séparant l'Homme du chimpanzé commun et du chimpanzé pygmée est grossièrement le double de celle qui sépare ces des deux espèces entre elles (0,7 %). Elle est plus petite que celle existant entre deux espèces de gibbons connus (2,2 %) ou entre deux espèces aussi étroitement apparentées que le sont le viréon à oeil rouge et le viréon à oeil blanc (2,9 pour cent)."
Récemment encore, Green et al., Nature 444, 330-336 (16 Novembre 2006) Noonan, J. P. et al. Science 314, 1113–1118 (2006). Evans et al., PNAS, 2006 Nov 7
L'équipe de Rubin (Noonan et al.) a séquencé 65000 bases, a trouvé 502 bases mutées à la fois chez sapiens et Néandertal (en comparant au chimpanzé comme outgroup), dont 27 sont spécifiques à sapiens. Green et al. ont analysé près d'un million de bases, ont trouvé 10167 bases différentes par rapport aux chimpanzés, dont 434 uniques à Sapiens. Sapiens et Néandertal partagent en fait 99.5% de leur génome.
Que nous dit maintenant ce séquençage sur une possible hybridation entre les deux espèces homo ? L'équipe de Green/Pääbo a comparé une bibliothèque d'allèles de sapiens (des SNPs, i.e. Single Nucleotide Polymorphism) à ceux de Néandertal. 30% de ces SNPs sont présents dans Néanderthal mais absents chez le chimpanzé. C'est beaucoup trop pour des espèces séparées par 500 000 ans d'évolution, et, même si on est encore loin d'avoir une preuve absolue, cela suggère effectivement que Sapiens et Néanderthal ont pu s'hybrider. Comme les chromosomes X des Néandertal ont l'air particulièrement divergents, l'hypothèse serait que des mâles sapiens ont pu avoir des enfants avec des femelles Néandertal. Qui sait, peut-être Eve (la dernière femelle dont nous descendons tous) était-elle une Néandertale
... "
J-F a écrit :Remarque, tu parles sans doute de ton expérience personnelle, parce que t'arrives à copuler avec des sapiens...
Arf. C'est vrai que me taperais bien cette sainte à l'ombre d'un cocotier en croix.

Plus sérieusement, j'avais en premier lieu pensé à ce travail-ci, proposant de multiples échanges de gènes entre l'Homme et le chimpanzé :
Selon une étude publiée mercredi 17 mai 2006, en ligne par la revue Nature, les ancêtres de l'homme et du chimpanzé se seraient croisés pendant des millénaires avant de se séparer.
Des chercheurs américains ont mené une étude sous la direction de David Reich, de la Harvard Medical School à Boston (Massachusetts), qui a révélé que les deux lignées se sont séparées dans un premier temps il y a 6,3 millions d'années au maximum, et peut-être il y a moins de 5,4 millions d'années, sans que cela ne les empêchent de procéder à des échanges de gènes. Les scientifiques soulignent que cette constation se précise en observant chromosomes X (chromosomes sexuels femelles) dont les similitudes révèlent une longue "ré-hybridation" entre les deux lignées. La rupture finale ne serait intervenue qu'à la suite d'une longue période de "métissage" qui a duré peut-être 4 millions d'années.

En s'inspirant de cela, on peut facilement éconduire une séparation de plusieurs centaines de milliers d'années comme déterminante pour une barrière à l'hybridation. Apparemment, les génomes des lignées hominidés réservent plein de surprises et une bonne souplesse.
Je rappelle aussi qu'à l'heure actuelle,
on ne peut pas affirmer non plus que le chimpanzé à 24 paires de chromosomes et seulement 1,2 % de différences avec l'homme entre les gènes codant des protéines,
ne pourrait pas avoir de gosses avec l'espèce humaine (à 23 paires de chromosomes). Il est tout simplement interdit de procéder à ce genre d'expérimentations.
Et on sait - par d'autres espèces -, que le nbre de chr n'est pas non plus une barrière infranchissable pour l'hybridation...
Ce n'est pas un gag (si, un peu), c'est au contraire très utile d'en être conscients pour relativiser les spéculations, des uns comme des autres experts, sur l'impossibilité d'hybbridation/métissage entre les deux lignées humaines les plus proches connues. Voire sur la possibilité de métissage qui, par défaut, reste pour moi le plus probable.
On conclut donc ce que l'on veut pour l'instant, pour peu que l'on tienne compte des éléments connus afin de ne pas devenir loufoques.
Pour ce qui me concerne, majeur et vacciné, j'évalue que les différences morphologiques entre Néander et sapiens sont suffisamment minimes pour refléter un génome très très proche. Mais il y a d'autres éléments.

J'ai aussi et surtout considéré le problème par un autre bout de la queue, c'est-à-dire par la variabilité génétique entre néanderthaliens. Cette étude-ci... (remarquablement bien expliquée et complète, disponble sur cette page)
http://bmsap.revues.org/document524.html#tocto7
... propose ceci (je relève ce passage en milieu de page) :
" [...] Cela implique qu’une plus grande proportion d’hommes modernes ressemble plus aux Néanderthaliens qu’ils ne se ressemblent entre eux (variation de 1 à 24) [...]
Et notamment cela :
" Pour chacune des sous-espèces de chimpanzés (Krings et al., 1999), la variation est toujours inférieure à celle qui existe entre « Anderson » et « Néanderthal » (23,8 différences) mais au sein des Pan troglodytes verus cette divergence atteint presque 20 différences.
La divergence homme moderne/Néanderthalien (de 23,8 différences en moyenne) est très nettement inférieure à celle qui existe entre les deux espèces de chimpanzés, Pan paniscus et Pan troglodytes (de 41 à 48 différences). Elle se situe dans la fourchette de variation des sous-espèces de chimpanzés communs, fourchette qui varie de 16 à 32 différences. La comparaison avec les chimpanzés actuels va donc plutôt dans le sens d’un statut taxonomique de sous-espèce pour les Néanderthaliens. "
D'où je suis incliné encore à penser, par ces indices supplémentaires, que le génome de Néanderthal (les bouts de génome connus) sont moyennement plus proches des nôtres, sapiens, que celui de
Pan paniscus ne l'est respectivement de
Pan troglodytes - qui tous deux ont acquis le statut d'espèces génétiquement différentes depuis belle lurette.
Par esprit de complétude et d'objectivité, d'impartialité, je propose quelques passes sur ces dernières années :
Récemment, ceci est intéressant :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/quer ... stractPlus
Sequencing and analysis of Neanderthal genomic DNA
Noonan JP, Coop G, Kudaravalli S, Smith D, Krause J, Alessi J, Chen F, Platt D, Paabo S, Pritchard JK, Rubin EM.
U.S. Department of Energy Joint Genome Institute, 2800 Mitchell Drive, Walnut Creek, CA 94598, USA.
Our knowledge of Neanderthals is based on a limited number of remains and artifacts from which we must make inferences about their biology, behavior, and relationship to ourselves. Here, we describe the characterization of these extinct hominids from a new perspective, based on the development of a Neanderthal metagenomic library and its high-throughput sequencing and analysis. Several lines of evidence indicate that the 65,250 base pairs of hominid sequence so far identified in the library are of Neanderthal origin, the strongest being the ascertainment of sequence identities between Neanderthal and chimpanzee at sites where the human genomic sequence is different. These results enabled us to calculate the human-Neanderthal divergence time based on multiple randomly distributed autosomal loci. Our analyses suggest that on average the Neanderthal genomic sequence we obtained and the reference human genome sequence share a most recent common ancestor approximately 706,000 years ago, and that the human and Neanderthal ancestral populations split approximately 370,000 years ago, before the emergence of anatomically modern humans. Our finding that the Neanderthal and human genomes are at least 99.5% identical led us to develop and successfully implement a targeted method for recovering specific ancient DNA sequences from metagenomic libraries. This initial analysis of the Neanderthal genome advances our understanding of the evolutionary relationship of Homo sapiens and Homo neanderthalensis and signifies the dawn of Neanderthal genomics.

Depuis 1997, un premier fragment d'ADN mitochondrial de 328 nucléotides, issu d'un humérus de néandertalien de - 50 000 ans, par Svante Paabo, suivi des critiques de plusieurs spécialistes portant sur l'idée que seule une comparaison de l'ADN des deux lignées et d'une époque similaire encore mieux, pourrait être "déterminante".
Voici une toute récente comparaison des ADNmt sur plusieurs séquences :
26 / 07 / 2006 16:55 - Décryptage de l’ADN de nos lointains cousins, les néandertaliens.
Une équipe du laboratoire de Paléogénétique et évolution moléculaire CNRS à Lyon a récemment déchiffré une séquence d’ADN néandertalien datant de 100 000 ans. Une découverte qui apporte de nouveaux éléments d’informations sur nos lointains cousins disparus il y a 25 000 ans : les Néandertaliens.
Hommes de Néandertal et hommes modernes ont cohabité en Europe il y a 35 000 ans : une cohabitation qui soulève chez les scientifiques, de nombreuses questions sur l’existence ou non d’un métissage entre ces deux populations. Alors sommes-nous le résultat d’une union entre Néandertaliens et hommes modernes ? Les résultats publiés par l’équipe du CNRS tendent à prouver que non. Les scientifiques ont isolé puis décodé 123 paires de bases de la région HVR-1 d’un ADN mitochondrial (ADNmt), issu d’une dent d’un jeune néandertalien découvert dans la grotte de Scladina en Belgique. Ce fragment d’ADN, âgé de 100 000 ans, est la plus vieille séquence néandertalienne jamais analysée. Ce qui la rend encore plus intéressante, c’est qu’elle correspond à l’époque précédant l’apparition des hommes modernes, ce qui permet une comparaison génétique beaucoup plus pertinente entre ces deux populations.
Cette séquence d’ADN ancien a été comparée avec les séquences d’ADNmt HVR-1 de neuf spécimens néandertaliens ayant vécu durant la cohabitation et enfin, avec 171 séquences HVR-1 humaines, échantillon représentatif de la diversité chez l’homme. Ces analyses ont montré que les Néandertaliens, quelle que soit l’époque, restent très proches entre eux. L’ADNmt de l’homme moderne, quant à lui, s’est révélé plus éloigné : Néandertal ne serait qu’un lointain cousin, pas un ancêtre. Cette étude a également souligné un nombre de différences plus important dans la séquence d’ADN de Scladina que chez les neuf autres analysées : ceci signifierait que la disparition des hommes de Néandertal se serait donc accompagnée d’une baisse de leur diversité génétique.
Ces résultats ne permettent cependant que d’esquisser de nouvelles hypothèses ; un plus grand nombre de séquences d’ADNmt néandertaliennes, d’une longueur supérieure à 100 paires de bases, seront nécessaires pour comprendre toute la mesure de la diversité génétique de ce lointain cousin, l’homme de Néandertal.

... Et encore. Car non seulement les facéties moléculaires et chromosomiques proposent une grande latitude d'interprétation et d'hybridation possible entre des animaux proches connus actuellement ; mais certains squelettes porteraient des traces d'hybridation entre les deux lignées. Le portugais Zilhao le hurlait, seul et isolé depuis des années, mais rejoint maintenant par d'autres, notamment par Erik Trinkaus :
Nov. 9, 2006
More human-Neandertal mixing evidence uncovered
A re-examination of ancient human bones from Romania reveals more evidence that humans and Neandertals interbred. Erik Trinkaus, Ph.D., the Mary Tileston Hemenway Professor in Arts & Sciences at Washington University in St. Louis, and colleagues radiocarbon dated and analyzed the shapes of human bones from Romania's Pestera Muierii (Cave of the Old Woman). The fossils, which were discovered in 1952, add to the small number of early modern human remains from Europe known to be more than 28,000 years old.
http://news-info.wustl.edu/tips/page/normal/8165.html
Nous avons donc, avec ces documents proposés en toute impartialité - les uns penchant vers non fécondité et les autres vers statut de sous-espèces,
deux chiffres proposés clairement, mais synthétiques :
0,7 % de distance génétique entre
Pan paniscus et troglodytes,
et
0,5 % de distance entre
Homo neandertalensis et sapiens.
Or, semblerait-il les deux chimpanzés sont encore interféconds. On peut en déduire ce que l'on veut, mais je penche provisoirement* vers la très plausible interfécondité entre les 2 lignées humaines, et encore plus franchement vers leur plus grande similitude entre eux.
* Susceptible de changer d'opinion à la prochaine parution, bien entendu.
Pour en revenir à ce film (dont je ne possède pas de titres cotés en bourse), il propose une jolie quantité de clins-d'oeil vers des thèses scientifiques modernes basées sur des travaux - assez soigneusement camouflées dans le scénario. Encore faut-il ouvrir l'oeil pour les voir.