cosmicboy a écrit : 13 avr. 2019, 04:44Je suis étonné que personne n’ait encore cité Hugh Everett, sa célèbre interprétation est quand même mathématiquement beaucoup plus simple et élégante que celle de Copenhague… je suis curieux de savoir ce que vous en pensez, elle qui a reçu le soutien enthousiaste de monstres sacrés tels que Bryce DeWitt ou John Wheeler, ou plus récemment David Deutsch, Thibaud Damour, Aurelien Barrau, Max Tegmark… excusez du peu…

Pour ma part, je reproche à l'interprétation d'Everett d'attribuer, à l'état quantique, un caractère de réalité physique objective extérieure en lieu et place d'un caractère d'outil prédictif d'inférence statistique (le point de vue positiviste défendu, notamment, par des Peres, Legett, Rovelli, Grinbaum, Bitbol et
Fuchs notamment avec son Qbism = Quantum bayesianism qu'il rebaptise quantum betabilitarianism : aptitude à faire des paris gagnants).
Ci-dessous un exemple d'expérience de pensée (mais quand même proche d'une expérience réalisable) dont une interprétation à caractère un peu trop réaliste (à la Einstein, Schrödinger, De Broglie, Bricmont, Popper... qui m'a très longtemps fortement tenté) tend (à mon sens) à favoriser de fausses pistes.
Interprétons l'état superposé, sur deux chemins 1 et 2, d'un photon unique après son passage dans une lame séparatrice, non comme un simple outil prédictif, mais comme un objet empruntant effectivement, réellement, objectivement, physiquement les deux chemins 1 et 2 à la fois (à la chat de Schrödinger vu comme physiquement, effectivement, objectivement, en état superposé).
Essayons (trompé par cette vision réaliste) de détecter, grâce à notre photon en état superposé, si un atome d'argent sortant d'un Stern et Gerlach à axe vertical en est sorti :
- dans un état up (envoyé exprès sur le chemin 1)
- dans un état down (envoyé exprès sur le chemin 2)
- dans un état up+down, donc en état superposé sur le chemin 1 et sur le chemin2 car entré dans ce Stern et Gerlach dans un état se spin horizontal (1)
Dans une "vision réaliste" de l'état quantique superposé chemin1 + chemin2 de l'atome d'argent il est très tentant de se dire que cet atome "bouche" les deux chemins et qu'il va donc forcément absorber systématiquement le photon.
Or il n'en est rien. Si on procède à une observation du couple photon+atome d'argent, on trouve (calcul évident) 4 possibilités équiprobables :
1 : le photon passe sur le chemin 1 sans être absorbé car l'atome d'argent se trouve sur le chemin 2
2 : le photon passe sur le chemin 2 sans être absorbé car l'atome d'argent se trouve sur le chemin 1
3 : le photon passe sur le chemin 1 et y est absorbé par l'atome d'argent qui, par malchance, se trouve sur ce chemin
3 : le photon passe sur le chemin 2 et y est absorbé par l'atome d'argent qui, par malchance, se trouve sur ce chemin
Rien donc, dans cette expérience, ne permet d'en tirer une information sur le caractère superposé ou pas de l'atome d'argent. Dans le cas inverse, on pourrait d'ailleurs exploiter l'effet EPR pour transmettre instantanément de l'information en violation du no-communication theorem.
Bien sur, la théorie d'Everett
conduit elle aussi à la bonne conclusion (je ne prétends nullement l'inverse) puisqu'il s'agit simplement (du moins à mon sens, bien que tu ais affirmé l'inverse) d'une
interprétation, une façon de voir les choses (et non d'une théorie quantique alternative).
Toutefois, après m'être débattu avec une
interprétation réaliste de l'état quantique pendant des années parce qu'elle avait ma préférence sans que cela ne m'ait conduit à quelconque idée technique utilisable en pratique, j'ai fini par me ranger dans le camp des positivistes, les Peres, Legett, Fuchs et compagnie (des positivistes modérés). La physique quantique se comprend beaucoup plus facilement si on abandonne la vision réaliste à la Einstein, Schrödinger, De broglie, Bricmont, Popper ... selon laquelle l'état quantique décrit objectivement un objet physique.
J'aboutis d'ailleurs (finalement) à la même conclusion concernant l'écoulement irréversible du temps. Malgré le caractère tout à fait intéressant des travaux de Prigogine sur les
Large Non Integrable Poincaré Systems, il n'y a pas plus de possibilité de se débarrasser de l'interaction avec un observateur (et de la notion d'
entropie pertinente qui lui est associée, cf les travaux de Balian) concernant l'écoulement irréversible du temps que pour toute autre grandeur physique, et ce, que l'on se place dans le cadre physique classique ou que l'on se place dans le cadre de la physique quantique.
Bref je me range au point de vue selon lequel la physique est, en fait, relationnelle. Elle ne décrit pas objectivement un monde extérieur, elle donne des prédictions intersubjectivement et reproductivement vérifiables relativement, non au monde extérieur, mais relativement à notre interaction avec ce monde extérieur...
...Et cela passe par notre grille de lecture d'observateur macroscopique modélisée par la notion d'entropie pertinente (sans avoir besoin de recourir au concept de conscience donc, mais sans pouvoir se passer concept
statistique d'information).
(1) qu'il n'a pas encore été observé, c'est à dire tant qu'il n'y a pas eu de réduction du paquet d'onde grâce à une interaction
en pratique irréversible, c'est à dire suffisamment créatrice d'entropie à notre échelle d'observation pour rendre en pratique impossible l'exploitation du caractère CPT symétrique des lois de la physique pour ramener l'ensemble du système et de ce avec quoi il a interagi dans son état initial.