ABC a écrit :Concernant l'interprétation des mondes multiples on ne peut pas affirmer, comme tu le fais, que ce point de vue soit inéluctable. Tu laisses ainsi penser qu'une telle affirmation découle exclusivement de considérations physiques et mathématiques.
A mon sens, ce n'est pas correct. En effet, l'interprétation des mondes multiples ne découle pas seulement de la physique et des mathématiques, elle demande d'interpréter la fonction d'onde comme une grandeur physique objective. Ce point de vue philosophique me semble extrêmement difficile à défendre.
Dany a écrit : 02 déc. 2019, 16:30Oui, mais non. J'expose l'avis d'Everett en ayant un petit peu l'air d'acquiescer, mais je n'interprète pas nécessairement la fonction d'onde comme une grandeur physique objective. Je n'en sais rien.
Du coup tu ne sais pas non plus si l'interprétation d'Everett est correcte puisqu'elle requiert cette hypothèse philosophique.
On a besoin, en effet, de considérer la fonction d'onde (l'état quantique pour être plus correct) comme la fidèle représentation de l'état d'un objet physique pour en tirer le fait que chaque mesure quantique crée, physiquement, objectivement, réellement, une superposition en autant d'univers distincts que l'observable concernée a d'états propres.
Or, en fait, grandeurs physiques, constantes physiques et modèles de la physique sont justifiés par leur
aptitude à prédire des résultats intersubjectivement conformes à l'observation (cf. le
quantum bayesianism de Fuchs).
J'ai eu énormément, énormément de mal à admettre le fait que la fonction d'onde
et en fait toutes les grandeurs physiques et tous les modèles de la physique, n'étaient en définitive que des outils d'inférence statistique.
Grandeurs physiques et modèles de la physique ne sont en fait pas justifiés pas leur conformité à "la réalité". En effet, on a seulement accès à des
observations de la réalité, c'est à dire à des résultats de notre interaction avec elle (ou plutôt d'ailleurs, en toute rigueur, à des témoignages scientifiques écrits de ces observations). Le point de vue réaliste, prêtant aux propriétés que nous tirons de l'observation un caractère indépendant de l'observation, est une hypothèse métaphysique (1). Elle ne présente pas d'intérêt puisqu'elle ne peut être vérifiée (toute vérification demandant, en effet, une observation).
En particulier, pour ma part, je voyais l'écoulement irréversible du temps (et le principe de causalité : les causes précèdent forcément les effets) comme un fait de nature, physique, objectif, valide à toutes les échelles d'observation, totalement indépendant de l'observateur, de sa grille de lecture et de ses gros doigts maladroits d'observateur macroscopique
(
l'empêchant de transformer de la chaleur en travail par échange thermique avec un seul thermostat).
C'est le point de vue des physiciens réalistes tels que les
Prigogine, Petrosky, Antoniou, Gadella...) (2).
J'ai commencé à me poser des questions sur cette position là (et à réaliser que ce n'était pas une vérité physique incontournable associée à un modèle mathématique cohérent, mais au contraire le choix d'un a priori philosophique) quand j'ai suffisamment creusé la notion d'irréversibilité pour découvrir qu'elle reposait, incontournablement, sur la notion de création d'entropie, notion d'
entropie reposant elle-même sur l'information accessible à l'observateur
Bien que je me montre affirmatif (un peu trop peut-être) il y a débat. Je pourrais, en effet, fort bien recevoir une volée de bois vert sur la question du lien entropie information si un physicien en désaccord avec le point de vue que j'exprime passait dans le coin.
Bien noter, aussi, comment s'exprime le désaccord de physiciens réalistes vis à vis du point de vue positiviste que j'exprime ci-dessus. Pour un physicien réaliste, l'entropie n'est qu'un modèle. Pour un physicien réaliste encore, s'appuyer sur un modèle pour affirmer telle ou telle chose c'est confondre la carte et le territoire.
- Pour un physicien réaliste en effet (Einstein en est l'archétype), il y a des territoires et des cartes représentant plus ou moins fidèlement ces territoires.
- Pour un physicien positiviste au contraire (Bohr en est l'archétype), la seule chose à laquelle nous ayons accès et dont nous puissions parler sans tomber dans la métaphysique, ce sont les résultats d'observation, résultats enregistrés sous forme de cartes (cartes dont la qualité se juge par la fiabilité et la précision de leurs prédictions quand elles sont confrontées avec les faits d'observation).
Pour un physicien réaliste, le temps s'écoule objectivement, irréversiblement, à toutes les échelles d'observation, qu'on le modélise ou pas. C'est, pour lui, un fait de nature. Il ne doit rien à l'observateur. La création d'entropie, la fuite d'information hors de portée de l'observateur (caractérisant les évolutions irréversibles caractérisant le passage du temps par les marques de son passage), n'est, pour un physicien réaliste, qu'
un moyen de représenter l'irréversibilité des évolutions et
non la réalité de cette irréversibilité d'évolution elle-même.
Dany a écrit : 02 déc. 2019, 16:30Et, accessoirement, merci d'être sur ce forum… sinon je ne me serais jamais mêlé d'écrire tous ces posts...
...tout mon travail de recherche

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Je suis impressionné par le peu d'affirmations contestables dans ce que tu as écris sur la physique quantique (en particulier sur le problème délicat de la mesure quantique et de la décohérence) alors que tes mails initiaux sur la relativité m'avaient semblé, au contraire, révéler que tu n'étais pas très familier avec la physique.
Si richard faisait les mêmes efforts de compréhension, son nombre de posts sur la relativité aurait été divisé par au moins 200 et on serait probablement en train d'aborder des problèmes beaucoup, beaucoup plus difficiles que les questions de débutant en relativité qu'il continue à très mal poser (ses questions contiennent souvent des affirmations et, implicitement, leur contraire), questions auxquelles il se complait à donner, à longueur de post, plusieurs fois successives, les mêmes réponses grossièrement erronées comme on le lui signale à chaque fois en quelques lignes souvent très simples (lignes que manifestement il ne lit pas sérieusement, sinon la discussion avancerait).
(1) Une hypothèse métaphysique n'est,
en soi, pas un gros mot. Une hypothèse peut
- s'avérer métaphysique (inaccessible à la physique) à une époque donnée où les moyens d'observation ne permettent pas encore de la tester,
- devenir physique quand les progrès de la physique et de l'observation permettent de lui donner une signification en termes de résultats d'observation.
(2) Bien noter que je ne conteste nullement l'intérêt des
modèles mathématiques développés par l'école de pensée de Bruxelles-Austin. Je trouve leurs travaux très intéressants (et pas assez connus). Leurs modèles, dans lesquels il peut y avoir évolution irréversible d'un système pourtant isolé (et donc violation d'unitarité), sont très intéressants.
En déduire, pour autant, que la notion d'écoulement irréversible du temps serait indépendante d'une classe d'observateurs implicite consiste à passer sous silence un a priori philosophique : l'hypothèse selon laquelle la carte (que constitue leurs modèles mathématiques) représente objectivement, indépendamment de toute considération d'observateur, un territoire et non la formalisation de ce que cette classe d'observateurs implicite tire de l'observation de ce territoire.
C'est une erreur philosophique de même nature que celle consistant à dire de la physique quantique (dans sa forme actuelle) qu'elle prouve la réalité physique objective des mondes multiples de l'interprétation d'Everett.