HMS_Endeavour a écrit :Jean-Francois a écrit :Très rapidement, cela devient un moyen commode de prendre l'illustration pour la chose et de confondre une réflexion détachée de tout substrat empirique avec une explication de faits réels
Pensez-vous sincèrement que c’est ce que je fais
Là, non. Mais je pense que cela vous conduit à raisonner selon une direction de laquelle il devient difficile de dévier.
Si je me sers d’une métaphore ou d’une simple illustration, d’un exemple c’est de façon circonstancié, pour argumenter un propos
S'il y a autre chose que des métaphores, c'est vrai, mais c'est comme pour le lyrisme: le risque est de finir par prendre la forme pour le fond, de se laisser entrainer par des à côté pour éviter les points de réflexion plus essentiels.
Lorsque je m’interroge sur la distanciation (et c’est elle qui m’interpelle dans tout ce débat) nécessaire à prendre vis-à-vis de soi même afin de prendre conscience du fait que « je » existe, je ne vois pas en quoi cette impression ne pourrait pas être comprise comme un fait objectif, de fait étant commun à tout être humain ?
Cela reste une manière subjective de voir les choses, reposant sur plusieurs préjugés (dont celui voulant que les choses se passent pour autrui exactement de la même manière pour chez vous). Ce n'est pas forcément faux mais ce n'est pas non plus forcément un fait objectif. En plus, vous laissez parfois parler vos envies de ce que devrait être ou permettre la conscience*. Je ne dénigre pas, je signale.
* Par exemple: "[p]arvenir à cela, c’est devenir créateur de notre existence, ne serait-ce que par intervalle. Là il y a une brèche". Ou encore, "[p]arce que j’ai l’intuition (mot approprié ?) qu’il y a 50.1% de chance que l’origine de la conscience ne soit pas d’origine matérielle et 49.9% de chance qu’elle le soit".
Jean-Francois a écrit : Sauf que rien justifie de penser qu'un "ordinateur" suffisamment complexe ne puisse ressentir la même impression de "libre arbitre" que celle que vous avez
Pourquoi pas. Mais QUI ressentirait dans un tel cas de figure ?
L'ordinateur. Si l'ordinateur est suffisamment complexe pour atteindre une forme de conscience, pour pouvoir "[s’interroger] sur la distanciation [...] nécessaire à prendre vis-à-vis de [lui-]même afin de prendre conscience du fait que [son] « je » existe", c'est lui qui devient le "qui",
Nous sommes mus plus qu’agissant, la plupart du temps. Mais PAS TOUT LE TEMPS. Sinon, aucun questionnement ne serait possible… Aucune créativité non plus
Il faudrait le prouver. Là, je vois surtout un a priori. Je ne vois pas du tout en quoi se questionner ou être créatif veut dire que notre capacité de choisir
n'est pas* fortement contingentée. (Surtout en ce qui concerne la créativité, terme franchement galvaudé à force d'être sorti à toutes les sauces, publicitaires en premier lieu. La créativité n'est jamais une capacité d'invention à partir de rien, cela limite beaucoup son intérêt quand on parle de conscience.)
* Modifié après coup.
Jean-Francois a écrit :Oui, j'imagine bien un mécanisme biologique capable de telles prouesses: le cerveau
Rhooo, oui bien sûr !! C’est une pirouette !
C'est surtout l'adhésion à un principe sain de raisonnement: le rasoir d'Occam ou principe de parcimonie, qui veut que l'on ne multiplie pas inutilement les éléments d'un raisonnement (si on veut maximiser les chances de ne pas se tromper). Il est évident que le cerveau est nécessaire à la conscience. Postuler qu'il existe autre chose que le cerveau demande d'invoquer une hypothèse non démontrée et ajoute donc un facteur d'erreur non-négligeable. A fortiori lorsque cet autre chose est passablement flou.
Je ne pars pas de conclusion. Je n’affirme pas que la conscience soit immatérielle. Je m’interroge sur la pertinence d’une telle hypothèse
À vous voir mélanger certaines conséquences des capacités conscientes spécifiquement humaines ("verser des larmes devant la beauté d’un paysage", notions de bien et de mal, etc.), je continue à me dire que vous partez d'une conclusion - une idée préconçue et anthropomorphe de ce que doit permettre la conscience - sans vraiment vous interroger sur la base de la conscience.
Par exemple, il est toujours impossible de savoir quel lien vous faites entre la conscience et le corps de l'individu. Vous ne l'expliquez pas.
Je repense à votre exemple de la marche. Et si la conscience, à l’instar de la marche, mais à une échelle beaucoup plus vaste et complexe, était comparable à elle ?
Pourquoi "vaste", sur quelle étendue? Quant à la complexité, je ne suis pas très convaincu que la conscience soit nécessairement plus complexe que la marche. Elle est surtout plus difficile à définir, à appréhender de manière explicite.
Sinon, vous ne semblez pas avoir compris mon exemple. Je ne cherchais pas à dire que les pieds devaient être conscient de la marche. Je répondais à votre remarque selon laquelle la conscience était une sorte "d'espace" et vous demandiez "comment [cet espace] pourrait-il être fait de matière". Je montrais que la locomotion (dont la marche n'est qu'une manifestation) partage de très grandes similitudes avec la conscience: que ce n'est pas une chose, que c'est un phénomène complexe. Vous ajoutiez qu'il était impossible que cet "espace" était fait de matière, je montrais comment on peut concevoir qu'un tel "espace" puisse être défini en termes matériels, i.e., si des réseaux neuronaux sont capables de produire quelque chose d'aussi intangible que la locomotion, pourquoi ne pourraient-ils produire la conscience (qui est à la base une propriété d'analyse rétroactive)?
J’ai pris le libre arbitre ou bien encore la notion de bien et de mal. Mais ces exemples n’étaient peut-être pas judicieux
À mon avis, lorsqu'on cherche à expliquer quelque chose de complexe et mal défini il est particulièrement peu constructif de chercher à baser cette explication sur des concepts au moins aussi complexes et flous. On ne fait qu'ajouter inutilement du bruit et on noie totalement le signal.
Une remarque cependant : le libre arbitre est limité, absolument évident. Merci de le rappeler, si besoin était. Est-ce pour autant qu’il n’existe pas ?
Selon ce que vous dites là, il existe (s'il est limité, c'est qu'il existe). Mais, définissez libre arbitre, on verra bien si c'est un élément qui apporte à la compréhension (du signal) ou si c'est un élément-bruit.
Moi, je pense que c'est un élément-bruit car soit il se simplifie (on a la capacité - limitée, influencée par notre expérience préalable - de faire des choix) soit il est fortement connoté religieusement.
Nous sommes mus plus qu’agissant, la plupart du temps. Sommes-nous que cela : des êtres mus par la contingence des circonstances et de la matière ?
Je ne suis pas sûr de comprendre la question car nous sommes forcément soumis aux lois de la matière. Par exemple, nous aurions beau nier très fort la gravitation, nous ne léviterons pas pour autant.
Il y a des limites à nos conditionnements. L’Homme est capable de dépassement de soi
Je trouve ça amusant: vous parlez de sortir de nos conditionnements puis vous enchainez avec une formule-cliché
Ma façon de m’exprimer était abrupte. Ne le faites-vous pas vous-même d’ailleurs ?
Oui. Je ne faisais que remarquer qu'il y avait là un problème de conception de la conscience (il faut bien que la conscience soit liée d'une manière où d'une autre à l'individu pour que ce dernier soit conscient). Je pense que dire que la conscience n'a aucune volition dénote encore une mauvaise conception.
Non, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Ce que je voulais exprimer c’est en quoi le fait de partir d’un postulat déterminé, en l’occurrence celui que j’exprimais enlèverait de l’intérêt à cette étude et donc, nous empêcherait de la mener à bien de façon empirique, dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. Suis-je plus clair ?
Quel postulat exactement? J'ai soulevé: "[c]roire que matière et conscience sont de même nature ne me semble pas raisonnable" en ajoutant qu'il ne servait à rien de postuler que "que la matière ne peut générer la conscience". Pour moi, ce postulat est particulièrement stérile car il enlève toute possibilité de vérifier les affirmations que l'on peut faire sur la conscience.
Jean-Francois a écrit : Si on se contente de suppositions et qu'on juge que la conscience est un machin inatteignable (hors de l'espace et du temps), on peut s'illusionner étudier la question mais on ne se questionnera jamais vraiment sur ce qui permet la conscience.
Hors de l’espace et du temps ne veut nécessairement dire inatteignable
Vous pouvez fournir un exemple
précis de quelque chose qui est hors de l'espace et du temps mais qui a été atteint.
Voyez-vous ce que je veux dire ? Si non, pourquoi ne serait-ce pas possible ?
Première question: absolument pas, je "nage" totalement. Seconde question: parce que votre enfilade de questions est un peu sans queue ni tête, ce qui rend plutôt difficile la compréhension de votre pensée
Pourquoi ne serait-il pas possible d’aller plus avant, en opérant des rapprochements avec ce que nous savons déjà et ce que nous observons du comportement humain ?
Me semble que ça s'approche de ce que je signalais: pour avoir les moyens de le faire, il
ne faut pas postuler qu'elle est inatteignable (hors de l'espace et du temps".
A moins que vous ne discréditiez par avance toute approche discursive, le raisonnement logique ne servant à rien
Un raisonnement logique qui n'est que ça ne sert à rien quand il s'agit d'expliquer la nature de quelque chose de réel. Un raisonnement n'a qu'à découler ses prémisses pour être logique, on peut donc arriver à une conclusion en arrangeant ces dernières. Cela ne rendra pas le raisonnement vrai ou adéquat dans la réalité.
Jean-Francois a écrit :En posant la question de cette manière vous niez à l'avance toute réponse: si c'est irréfutable, il est impossible de l'infirmer. Mais, cette hypothèse n'est pas irréfutable. Par exemple, on pourrait démontrer (i.e, faire plus que spéculer) que la conscience est présente même lorsqu'il n'y a pas de support matériel. Je ne dis pas que ce serait facile mais la possibilité existe et repose sur quelque chose de connu (une manifestation de conscience).
Je ne nie rien du tout. Vous m’avez mal compris
Certainement, et j'avoue que ça continue parce que votre explication n'est pas des plus limpides. (ex., vous dites ne pas prétendre que c'est irréfutable mais c'est vous qui avez posé le terme "irréfutable".)
Jean-Francois a écrit :Comment on réfute ça? Comment on réfute l'inconnu?
Oui. Il ne s’agit pas de le réfuter. Juste de le questionner pour voir ce qui pourrait en sortir éventuellement. Pourquoi serait-ce impossible ?
Ah? bon: comment on questionne l'inconnu (i.e., ce qui est totalement inconnu)?
Jean-Francois a écrit :Si c'est simplement une capacité à prendre du recul et à envisager ses propres actes ou sensations comme étant les siens, votre chien à probablement cette forme de conscience.
S’agissant du chien, il est aisé de démontrer que ce que vous supposez est faux. Je vous renvoie vers ce modeste développement :
post283851.html#p283851
Le problème est que dans ce message vous définissez la conscience comme étant la capacité d'être angoissé par la mort. (Éthologiste, c'est un métier

) Sauf que ce n'est pas ce que je dis. Je dis que votre chien est conscient que ses actes et sensations se réfèrent à lui. S'il a fait une bêtise et qu'il voit que vous n'êtes pas content, il va agir en se sentant visé. J'imagine qu'il répond à l'appel de
son nom. (Ne me dites pas que ce n'est
que du conditionnement: l'humain fait pareil, simplement le conditionnement est parfois beaucoup plus subtil.) Etc.
Il n’a aucun recul
Je trouve surtout que c'est vous qui n'en montrez pas beaucoup, du recul, vis-à-vis des comportements animaux. Ce que j'explique par votre adhésion
a priori à une certaine idée de la conscience. Mais les faits sont que les animaux manifestent de la conscience, particulièrement les mammifères
mais pas seulement.
Par exemple: trouvez-vous vraiment que les rats dans l'étude dont vous parlez
ici ne manifestent "aucun recul"? Bon, vous vous moquez un peu
beaufement que certains rats vont jusqu'à offrir un morceau de chocolat à leur congénère libéré, mais il y a là un comportement qui demande un certain recul vis-à-vis de la situation: un nombre significatif de rat
choisissent* de libérer leur compagnon en mauvaise posture. Vous admettez tacitement qu'il y a un choix conscient en faisant un rapprochement avec l'altruisme chez l'humain.
Évidemment, on peut prétendre que des comportements complexes de ce type ne reflète pas de la conscience. Mais dans ce cas, il faudrait aussi revoir pas mal de comportements humains qui ne sont pas fondamentalement très différents. De plus, faire ainsi reviendrait à restreindre la définition de "conscience" pour que seul l'humain puisse, dans certains cas, en manifester (lorsqu'il se pose des questions existentielles, par ex.).
Jean-François
* Rien ne les y force.