PhD Smith a écrit : 01 juil. 2022, 21:08
Mon impression de l'époque: son bouquin était bien écrit et parlait de tas de choses (sur la conception des centrales nucléaires, des problèmes de l'écologie politique...). C'est la seule fois où j'ai discuté des thèmes de sa conférence avec lui, quelques instants d'un auteur dédicaçant son livre lors de sa promotion, avec la queue conséquente d'acheteurs.
En 2010, je n'avais certainement pas l'esprit critique, la distanciation et le recul dont il me semble disposer actuellement.
Patrice van Eersel, dans un autre style, est un auteur également captivant. C'est un très bon parleur, avec un charisme indéniable.
Lui aussi émarge à l'IUP.
Je me serais fait séduire par Staune. J'ai eu ma période, courte, "van Eersel", et quelques autres de semblable acabit.
J'ai lu plusieurs articles de Staune. C'est un lettré indéniable, avec un raisonnement qui tient debout, son raisonnement. Si on sort de son raisonnement, ça coince.
La différence est là.
Quand on cherche à recontextualiser, à en apprendre plus, on compare, on tombe sur des études, des critiques, on poursuit d'autres recherches....
Staune se retrouve actuellement à la tête d'une entreprise, l'U.I.P., avec une gestion de fonds conséquente, dont une bonne partie provient de la John Templeton Fondation (cf. le fil sur le livre "Enquête sur les creationnismes", avec les documents afférents).
Il faut bien avoir à l'esprit les objectifs de la JTF, et de l'UIP, détaillés dans le livre et les moyens qu'ils se donnent pour y arriver.
La JTF s'élève contre le créationnisme, en apparence, mais promeut insidieusement le dessein intelligent sous couvert d'opérations médiatiques conséquenres de rapprochement entre scientifiques (pas n'importe lesquels tout de même, ceux qui manifestent un intérêt pour les questions spirituelles), des philosophes, des théologiens...
Si des Guillaume Lecointre, Pascal Picq, et une quantité d'autres montent au créneau pour essayer de contrer les discours de Staune et consorts, c'est qu'il y a une raison majeure qui concerne l'enseignement public avec la pénétration de ce type d'idéologie au détriment des valeurs de la laïcité, et de la qualité des enseignements dispensés. Le discours empreint de références religieuses et/ou spirituelles n'est tout de même pas à considérer sur le même plan que l'enseignement scientifique. Il n'a rien à y faire et doit être traité comme tel, en conséquence, c'est à dire rester clairement et explicitement dans le domaine privé. Il n'a pas à entrer en concurrence insidieuse avec l'enseignement des sciences, et encore moins s'y inviter. Dans le domaine des enseignements philosophiques, c'est une autre problématique (cf. plus bas l'interview d'André Comte-Sponville et de Jean Staune).
Un exemple concret ?
Le CNDP (Centre National de Documentation Pédagogique, devenu Canopé par la suite), qui dépend du ministère de l'éducation nationale, conseillait aux enseignants d'étudier la théorie présentée dans le film d'Anne Dambricourt, suite à sa diffusion : "Homo sapiens, une nouvelle histoire de l'homme", en octobre 2005, sur la chaîne Arte.
Indiqué p.204 du livre. On peut rétorquer qu'il s'agissait d'une information. Mais, la ficelle est grosse...
François Fillon a été ministre de l'éducation nationale, dans le gouvernement Sarkozy, jusqu'à fin mai 2005. Il fut remplacé par Gilles de Robien. Ces deux personnages sont de fervents catholiques, aucun souci, mais ils ne furent pas si neutres à ce titre. Pas sûr qu'il n'y ait pas un rapport entre le CNDP et l'un de ces deux personnages. Peut-être... François Fillon avait pour projet, s'il accédait à la présidence de la république, de faire réécrire le "roman national", par des académiciens. Ce genre d'idée permet d'apprécier l'envergure de la personnalité politique.
L'affaire devient suffisamment sérieuse pour qu'en 2007 le Conseil de l'Europe propose un texte correspondant à une résolution :"Les dangers du créationnisme dans l'éducation".
l'Académie pontificale, entre autres, s'est élevée contre cette résolution. Darwin, l'évolution, ce genre de dynamique posent toujours souci aux autorités religieuses du Vatican.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Les_dan ... A9ducation
Le souci avec des personnes comme Jean Staune, c'est qu'elles sont toutes d'un abord sympathique, empathique, bienveillant, avec un fond de sincérité, mais trempent dans une idéologie qui n'a assurément pas sa place dans les systèmes éducatifs, dans les domaines de recherche publics (privés, ça peut encore se discuter), etc...
Quand on constate le battage médiatique, et les opérations de séduction, avec une puissance financière derrière, autour du livre "Dieu, la science...", il y a des raisons de s'inquiéter, parce qu'on se situe bien au-delà d'une simple opération commerciale. Il y a des enjeux, des parts de cerveau à conquérir.
Pris isolément, le cas de Staune, dans le contexte d'une conférence, d'une dédicace, d'un entretien courtois, apparaît anecdotique.
Replongé dans la structure à laquelle il appartient, il s'agit d'une toute autre dimension.
C'est la stratégie du jeu d'échecs : on pousse ses pions (n'est-ce pas proche? instructif, ton site...).
Référence de l'AFIS:
https://www.afis.org/Creationnismes-cro ... s-sciences
Point de vue personnel...
Il y a encore quelques années, Staune pouvait encore passer pour un idéaliste, au bénéfice du doute.
Depuis, il s'est certainement transformé en homme d'affaires pugnace. L'heure n'est plus à la rêverie mais à l'efficacité. Il a une entreprise à faire tourner. Il est en mission, il y a des parts de marché à conquérir, et ça m'étonnerait qu'il n'ait pas de comptes à rendre à ses bailleurs de fond.
Jean Staune se fait remettre en place par André Comte-Sponville, qui lui reproche son confusionnisme, au niveau des valeurs et des domaines d'expression :
https://archive.wikiwix.com/cache/index ... ikiwix.com
Une critique (2007) du livre de Jean Staune, et par ricochet, des courants véhiculés par des structures comme l'IUP:
https://archive.wikiwix.com/cache/index ... ikiwix.com
Face à ces tendances, que devraient faire les croyants comme Jean Staune. Ce serait précisément une question à lui poser. J'ai compris en le lisant qu'il continuerait à lutter pour la neutralité de la science. Il s'oppose ainsi fermement aux abus du Créationnisme et de l'Intelligent Design, financés par de nombreux crédits sur l'origine desquels on est en droit de s'interroger. Mais ira-t-il jusqu'à demander aux scientifiques croyants d'abandonner tout a priori religieux dans l'étude de questions sensibles comme celles de la vie et de la conscience ?(7). Ira-t-il jusqu'à demander aux scientifiques croyants, qui ne s'en privent pas, de s'abstenir d'interprétations philosophiques et religieuses quand ils rapporteront les résultats de leurs travaux, concernant par exemple les questions délicates de la physique, de la cosmologie, de la biologie ou de la neurologie. Certainement pas, comme le montre son livre.
Il a été souvent question de conscience, sur ce fil...
Concernant enfin la conscience et afin de prouver le dualisme, c'est-à-dire que la conscience constitue une propriété indépendante du cerveau, probablement en communication avec une conscience universelle, il pense pouvoir contredire les observations matérialistes des plus grands neuroscientifiques pour qui les états de conscience sont déterminés par la compétition au sein du cortex associatif de « modules cognitifs » provenant de sources endogènes et exogènes. Il s'appuie pour défendre le dualisme sur des expériences acrobatiques de Benjamin Libet réalisées sur un patient au crâne ouvert, ou bien il ressort de l'oubli les thèses quantico-spiritualistes de John Eccles qui me semblent être tombées dans l'oubli.
De plus, au contraire de ce que j'ai fait dans mon livre, il ne fait aucune allusion aux travaux des roboticiens évolutionnaires sur la conscience artificielle (cognitive systems), dont aujourd'hui les neurologues, tels Gerald Edelman, attendent beaucoup pour mieux comprendre les observations fournies par l'imagerie cérébrale et la clinique.
Quninze ans plus tard, nous pouvons constater que les neuroscientifiques ont progressé, qu'un Jean-Pierre Changeux est toujours présent dans le débat (l'homme neuronal, trente ans après), avec de nouvelles interrogations.