PhilippeL a écrit :J'ai autant du mal qu'elle à comprendre le discours (qu'on peut lire dans cette enfilade) selon lequel DSK est le pauvre type qui s'est fait avoir dans tout ça (peu importe les hypothèses, même s'elles sont contradictoires).
(Je précise que je ne dis pas forcement ça pour vous, PhilippeL? vu que je ne sais pas si vous êtes français ou Québécois, mais si ce que je vais dire peu éclairer un peu nos amis d'outre-atlantique sur le pourquoi la France devient apparemment un pays de misogynes et de complotistes)
Il faut le remettre dans son contexte ce discours en fait et pas en tirer des conclusions hâtives comme l'a fait cette journaliste québécoise.
S'il y a un fond de vrai quand à un reste de misogynie dans la société française, le cas actuel est particulier.
La France traverse actuellement une profonde crise politique, au même titre que le reste de l'Europe d'ailleurs, parce que la crise actuelle et notamment l'affaire des dettes publiques a exacerbée le fossé qui existait entre les politiques et la population. L'Europe est majoritairement égalitariste, faisant bien souvent passer des idées d'égalités sociales et politiques avant des idées de libertés (d'où une certaine réticence d'une partie du continent face à la mondialisation, vu comme l'avènement de la libre entreprise à l'échelle mondiale et donc l'absence de justice sociale garantie par l'Etat.) et donc l'existence d'élite politique et d'une quasi classe sociale politique passe très mal.
La France en particulier, traverse une profonde désillusion vis à vis de sa classe politique, notamment après un certain nombre d'affaires au sein de la majorité parlementaire, comme plusieurs procès liés à des affaires financières et un certain nombre de scandales vis à vis d'un manque de tenue de membres du gouvernement qui se sont permis des comportements ou des propos qui ont beaucoup choqué.
Par exemple, le ministre de la Défense à par exemple proposé au dictateur tunisien Ben Ali une aide policière au le début de la révolution dans son pays. Il s'agissait juste d'un échange de savoir faire avec un partenaire commercial, mais dans une France qui reste (trop) fascinée par son mythe révolutionnaire et son mythe de la Libération de 1944, c'était l'action à ne surtout pas faire.
Bref, comme d'habitude, les Français, dont l'élection présidentielle approche, ont fait ce qu'ils font quand ça va pas, ils ont focalisé leur attention sur l'homme providentiel (chaque courant politique ayant le sien), avec comme consensus pour une majorité de la population de n'avoir plus Sarkozy comme président en 2012, peu importe qui on élit à la place.
Seulement cette désillusion, couplée à la volonté de trouver le héros qui sauvera la France et fera la révolution du système en place, a fortement fait monter le Front national (extrême droite, présidé par Marine Le Pen), ce qui fait évidement peur à une grande partie de la population.
Dans toute cette crise, DSK a été présenté par les média, qui ont fait des semaines de titres dessus, comme le meilleur candidat de la gauche selon les sondages (même si des sondages à 1 ans des présidentiels, ça veut rien dire...), c'est à dire à la fois celui qui pourrait battre Sarkozy et Marine Le Pen.
Dans la mesure où en plus, son mandat au FMI l'empêchait de dire quoi que ce soit, le fantasme a été d'autant plus nourri qu'il ne disait rien, donc ne faisait pas de bêtise.
Et au milieu de ça, il tombe pour une affaire de viol.
Je pense qu'il faut mesurer le traumatisme que ça représente pour une partie de la population, qui perd d'une certaine manière celui dont elle pensait qu'il allait la débarrasser d'un président détesté (Sarkozy), empêcher l'extrême droite de gagner (même si c'est improbable) et qui en plu semblait avoir enfin la stature d'un homme politique d'envergure, ce qui plait toujours en France.
Le tout au milieu d'une défiance de plus en plus marqué pour les politiciens et d'une peur de l'avenir (la France se spécialisant dans le pessimisme économique, avec une bonne proportion de la société qui pense que tout va toujours plus mal.)
C'est difficile à digérer parce que ça fait ressurgir le spectre d'un duel droite/extrême droite comme en 2002 avec une élection de la droite alors qu'une majorité de la population veut tout sauf encore un mandat de Sarkozy et n'est pas prête à accepter un mandat de l'extrême-droite.
Du coup, ça n'est pas surprenant que les théories du complot circulent et que la population en veuille à la victime de faire tomber un "sauveur" potentiel, quitte à devenir carrément misogyne pour n'avoir pas à accepter que c'est foutu pour une candidature de cet homme politique.
Je sais que c'est compliqué d'appréhender ça de l'extérieur, mais la France est depuis longtemps un pays avec un rapport conflictuel et passionnel plus qu'utilitaire vis à vis de sa politique, donc les affaires politiques peuvent parfois toucher l'opinion très fortement quand celle-ci avait placé beaucoup d'espoir dans l'action d'un politicien.