curieux a écrit : 29 mai 2022, 15:20des choses très simples à comprendre.
J'ai trouvé très intéressants et très instructifs les articles scientifiques traitant de l'émergence d'une flèche du temps. Par contre, pour ma part, je ne les ai pas trouvés très simples à comprendre.
curieux a écrit : 29 mai 2022, 15:20Autrement dit, l'exception constatée en MQ qui donne une confirmation de l'irréversibilité de T, c'est une contrainte qu'on peut objectivement appeler une propriété de notre univers, observateurs ou pas (sous-entendu lié à cet univers).
C'est le point de vue défendu par Ilya Prigogine et l'école de Bruxelles-Austin par exemple et, d'une façon plus générale, par des physiciens restant attachés à une interprétation réaliste de la physique, une interprétation selon laquelle les propriétés que nous attribuons à l'univers ne devraient rien à nos limitations d'accès à l'information.
Pour préciser le point de vue réaliste vis à vis de la flèche du temps (un point de vue réaliste auquel tu accordes ta préférence si j'ai bien compris ta réponse) voir par exemple :
Ainsi parle Ilya Prigogine "Les phénomènes réversibles constituent des exceptions", "L'irréversibilité est l'expression de systèmes dynamiques différents" "Loin de l'équilibre, les phénomènes irréversibles jouent un rôle important, constructif. Ils engendrent des structures (Cellules de Bénard, réactions oscillantes, structures de Turing). Nous voyons des organisations qui n'existeraient pas sans la flèche du temps. Il est donc tout à fait impossible de parler de la flèche du temps comme d'une illusion, comme due à nos approximations".
Je cite en (1) un paragraphe, écrit par Prigogine, expliquant son point de vue (correspondant au tien) sur la flèche du temps. Il y cite longuement Gell-mann, pour le contredire, cad pour contester le point de vue, à ce jour majoritaire, attribuant à l'observateur, et à ses limitations d'accès à l'information l'émergence d'une flèche du temps.
De façon plus détaillée, concernant les physiciens partisans d'une flèche du temps qui serait physique, objective, indépendante de l'observateur, valide à toutes les échelles d'observation, une flèche du temps interprétée, donc, comme un fait de nature, on a par exemple :
En physique classique
The arrow of time, Ilya Prigogine
The extension of classical dynamics for unstable Hamiltonian systems, T.Petrosky, I.Prigogine
En physique quantique
Time Asymmetric Quantum Mechanics Arno R. Bohm, Manuel Gadella, Piotr Kielanowski
Hilbert Space or Gelfand Triplet - Time Symmetric or Time Asymmetric Quantum Mechanics, A. Böhm, H. Kaldass, P. Patuleanu
Ce point de vue réaliste, relativement à la flèche du temps, s'oppose au point de vue majoritaire défendu au contraire par les Balian, Bitbol, Rovelli, Lebowitz, Gell-mann, etc, etc qui ne croient pas à l'interprétation réaliste. Ils interprètent, au contraire, la flèche du temps, la brisure de symétrie (CP)T, comme découlant de nos limitations d'accès à l'information (2).
Nota : bien qu'ayant clairement basculé dans le camp positiviste, je ne suis pas encore convaincu par la conservation de l'information. Une violation "objective" de conservation de l'information prend naturellement place dans les modèles d'évolution dynamique, tant classiques que quantiques, d'inspiration réaliste (ces modèles servent d'ailleurs d'argument favorable pour les défenseurs du point de vue réaliste). En particulier, je ne comprends pas bien, intuitivement, comment la conservation de l'information peut s'accommoder d'observables possédant un spectre continu...
...et je serais intéressé par une réponse sur ce point si un physicien passe dans le coin.
Il est à noter, par ailleurs, que le cadre théorique requis pour l'établissement du
théorème de récurrence de Poincaré (objection de Zermelo à Boltzmann quant à l'existence d'une
fonction H monotonement décroissante, à juste titre d'ailleurs pour un système possédant un nombre fini de particules)
is of course inapplicable to the completely isolated gas treated by the kinetic theory, if one first lets the number of molecules become infinite [passage à la limite thermodynamique].
(cf.
Ernst Zermelo's Recurrence Objection)
(1)
Les idées d’Ilya Prigogine
Prigogine cite ci-dessous longuement Muray Gell-mann pour reprendre, ensuite, le contrepied du point de vue positiviste exprimé
M.
Gell-Mann, The Quark and the Jaguar, Londres. Little Brown and Co, 1994, p. 218-220.
Un système entièrement clos, décrit de manière exacte, peut se trouver dans un grand nombre d’états distincts, souvent appelés "microétats ". En mécanique quantique, ceux-ci sont les états quantiques possibles du système. Ils sont regroupés en catégories (parfois appelées macroétats) selon des propriétés établies par une description grossière (coarse grained). Les microétats correspondant à un macroétat donné sont traités comme équivalents, ce qui fait que seul compte leur nombre.
Et Gell-Man conclut :
L’entropie et l’information sont étroitement liées. En fait, l’entropie peut être considérée comme une mesure de l’ignorance. Lorsque nous savons seulement qu’un systeme est dans un macroétat donné, l’entropie du macroétat mesure le degré d’ignorance à propos du microétat du système, en comptant le nombre de bits d’information additionnelle qui serait nécessaire pour le specifier, tous les microétats dans le macroétat étant considérés comme également probables".
Et voilà ce qu'en pense
Prigogine
J’ai cité longuement Gell-Mann, mais le même genre de présentation de la flèche du temps figure dans la plupart des ouvrages. Or cette interprétation, qui implique que notre ignorance, le caractère grossier de nos descriptions, seraient responsables du second principe et dès lors de la flèche du temps, est intenable. Elle nous force à conclure que le monde paraîtrait parfaitement symétrique dans le temps à un observateur bien informé, comme le démon imaginé par Maxwell, capable d’observer les microétats. Nous serions les pères du temps et non les enfants de l’évolution. Mais comment expliquer alors que les propriétés dissipatives, comme les coefficients de diffusion ou les temps de relaxation, soient bien définies, quelle que soit la précision de nos expériences ? Comment expliquer le rôle constructif de la flèche du temps que nous avons évoqué plus haut ? (...)
(2) Limitations d'accès à l'information de l'observateur que, pour ma part, je crois à l'origine des no-go theorem. Ces no-go theorem jouent un rôle essentiel, notamment :
- le no-cloning theorem,
- l'impossibilité (plus générale) de transmettre des informations entre évènements séparés par des intervalles de type espace,
- le principe de causalité (une impossibilité, pour l'observateur, de violer le principe de causalité relativiste),
- le second principe de la thermodynamique (et l'impossibilité de fabriquer un démon de Maxwell)
- l'irréversibilité et l'indéterminisme de la mesure quantique.
Concernant ce dernier point (important car la physique d'aujourd'hui c'est la physique quantique + la Relativité Générale),
la mesure quantique ne peut être interprétée comme une dynamique d'évolution des états quantiques prenant place dans le
cadre théorique quantique actuel. En effet, contrairement à la mesure quantique, l'évolution des états quantiques est
unitaire, donc réversible (isentropique) et déterministe. C'est le problème de la mesure quantique...
...Ce problème disparait, sans ajout d'hypothèses non vérifiables, si l'on accepte le rôle joué, dans la mesure quantique, par les limitations d'accès à l'information de l'observateur (qui revient ainsi au centre du jeu. Copernic doit se retourner dans sa tombe).
Les physiciens qui veulent rendre à la mesure quantique un caractère indépendant de l'observateur (exemple :
Théorie de Ghirardi–Rimini–Weber) le savent et introduisent des hypothèses supplémentaires (à ce jour non vérifiables) avec un objectif : violer l'unitarité des évolutions quantiques pour aboutir ainsi à une mesure quantique irréversible et indéterministe
sans avoir à recourir aux limitations d'accès à l'information de l'observateur.