Merci ABC, concernant la MQ l'anti positivisme d'Einstein est évident, le désaccord entre nous est donc concernant la RR (puisque je prétend que Einstein n'a jamais été positiviste, y compris concernant la RR).
Tu rappelles à raison que Heisenberg considère Einstein positiviste concernant la RR, mais la réponse d'Einstein est assez claire: il nie avoir été positiviste (de manière générale) puisque sa réponse "C'est la théorie qui décide ce qui peut être observée" est valable pour n'importe quelle théorie, y compris la RR.
Certes Heisenberg pense que Einstein a été positiviste concernant la RR, mais Einstein le niant ... De deux choses l'une: soit Heisenberg se trompe à propos de la philosophie d'Einstein, soit Einstein a été, concernant la RR, un positiviste qui s'ignore.
Quelques pensées anti-postivistes d'Einstein :
Lettre d'Einstein à Popper:
Je n’aime pas du tout cette tendance à la mode qui consiste à coller de façon « positiviste » aux données observables. (…) je pense que la théorie ne peut pas être fabriquée à partir des résultats de l’observation, qu’au contraire elle ne peut être qu’inventée.
Einstein et Infeld (L'évolution des idées en physique):
Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux, il pourra se former quelque image du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce qu’il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité d’une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu’à mesure que ses connaissances s’accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l’existence d’une limite idéale de la connaissance que l’esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la vérité objective
De ceci il donne comme exemple une expérience de pensée datant d'avant la RR :
C’est au cours de cette année passée à Aarau que me vint à l’esprit la question suivante : si l’on poursuit une onde lumineuse à la vitesse de la lumière, on se trouve face à un champ d’ondes indépendant du temps. Mais il n’existe, semble-t-il rien de tel. C’est ainsi que je fis, tout jeune, la première expérience de pensée concernant la relativité restreinte. l’invention n’est pas l’oeuvre de la pensée logique, même si le produit final est inséparable d’une mise en forme logique.
Mais revenons à l'argument précis que heisenberg donne pour dire que Einstein aurait été positiviste, et relisons la RR:
Heisenberg à Einstein :
"Vous avez souligné que l’on ne pouvait pas parler d’un temps absolu. Vous avez dit que seules les indications des horloges, que ce fut dans un système de référence ou au repos, étaient déterminantes pour la mesure du temps."
Heisenberg pense donc que Einstein a dit "que seules les indications des horloges étaient déterminantes pour la mesure du temps" serait une raison positiviste. Mais Einstein a dit, bien au contraire, que ça ne résolvait pas les difficultés de s'en tenir aux seules indications des horloges, c'est justement pour résoudre les difficultés qu'il introduit un NON OBSERVABLE (la simultanéité) contrairement aux préceptes de Mach (qui souhaitait que seul ce qui est observable soit scientifique)
Dans, électrodynamique des corps en mouvement (la RR), Einstein, aprés avoir donné un exemple d'asymétries de descriptions des interactions éléctromagnétiques (selon qui on considère en repos, et qui est en mouvement ) entre un aimant et un conducteur, poursuit en faisant allusion à l'expérience de Michelson-Morley puis dit :
"au concept de repos absolu ne correspond aucune propriétés des phénomènes"
... puis il parle du principe de relativité ...
puis dit:
"l'introduction d'un éther luminfère se revelera superflue dans la mesure où, dans la conception qui va être développée, il ne sera pas introduit d'espace au repos absolu doté de propriétés particulières, pas plus qu'il ne sera attribué de vecteur vitesse à un point de l'espace vide... "
puis continue par:
"1.Définition de la simultanéité"
dans laquelle il dit :
"On pourrait penser que toutes les difficultés liées à la définition du temps peuvent être surmontées en remplaçant 'temps' par 'position de la petite aiguille de ma montre'"
Noter le conditionnel employé par Einstein ("On pourrait penser que") qui montre que Einstein n'a jamais soutenu ce que Heisenbreg prétend devant Einstein lui-même (et que Einstein nie) que Einstein a soutenu.
Einstein se justifie ensuite en disant :
"Ce type de mise en correspondance présente l'inconvénient de ne pas être indépendant du point où se tient l'observateur doté d'une horloge".
Ensuite, avec ces arguments, il en conclut qu'on est, par conséquent amené (pour surmonter les difficultés inhérentes au fait que si on remplaçait 'temps' par 'position de la petite aiguille de ma montre') obligé de recourir à une convention pour pouvoir définir la simultanéité.
Par conséquent, je trouve que l'argument de Heisenberg concernant le sois disant positivisme d'Einstein concernant la RR, faux. Il est faux déjà parce que Einstein le contredit dans sa réponse, et faux aussi parce que si on lit la RR, alors on ne voit nulle part où Einstein aurait dit ce que Heisenberg pense qu'Einstein a dit (il dit même, de surcroit, que celà amènerait à des difficultés, et c'est pour celà qu'il introduit un non observable, la simultanéité, en désaccord radical avec les préceptes positivistes !).
Ce que j'ai résumé, par cette simple phrase que j'adressais à Externo l'autre jour : dans la RR, la simultanéité
N'EST PAS UN OBSERVABLE.
En conclusion Einstein n'est pas positiviste concernant la RR, Einstein introduit même une simultanéité non observable en accord avec sa vraie position philosophique qui est:
Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur
Enfin, pour finir, une reflexion de Meyerson ,je précise que Meyerson est le philosophe dont Einstein disait qu’il était celui qui avait le plus lucidement interprété sa théorie :
Ce serait en tout cas être dupe d’une apparence que de croire que, dans cette théorie, le phénomène se trouve plus fortement attaché à l’observateur, au moi, pour nous servir de ce terme philosophique. Il en est au contraire […] plus détaché, et le réel de la théorie relativiste est, très certainement, un absolu ontologique, un véritable être-en-soi, plus absolu et plus ontologique encore que les choses du sens commun et de la physique pré-einsteinienne.