Bonjour,
Je me permets de m’immiscer dans ce fil au sein duquel beaucoup de choses intéressantes y ont été dites pour présenter un « climato scepticisme », non pas concernant la réalité des changements climatiques (il faudrait vivre sur une autre planète pour l’ignorer) ou son origine anthropique (car ne disposant pas, comme beaucoup, des compétences nécessaires pour discuter des théories du GIEC).
Mais essentiellement sur la pertinence et la faisabilité des solutions pour limiter à terme les émissions de CO2 en France et de passer au « tout renouvelable », et que l’on voit fleurir tous azimuts, que ce soit dans les conversations de comptoirs ou dans des réflexions plus complètes, à l’image de l’étude ADEME 2050 ou du scénario négaWatt.
Concernant ce dernier, une nouvelle mouture est parue en janvier.
https://negawatt.org/IMG/pdf/synthese_s ... 7-2050.pdf
C’est, comme les précédents (2003, 2006, 2011), un impressionnant travail de décortication et de compilation de données. Ils ont, par rapport au scénario 2011, et suite probablement aux critiques de l’époque, éliminé certaines hypothèses non réalistes et détaillé l’aspect coût. Mais on voit également apparaître très souvent le mot « ambitieux » ou des formulations du conditionnel qui peuvent laisser supposer de leur part quelques interrogations sur la faisabilité de leurs propositions.
Ce scénario reste effectivement toujours une utopie, pas trop sur les solutions techniques suggérées et le changement radical de notre mode de vie qu’il exige, mais sur le délai fixé, à savoir l’horizon 2050.
Les points sur lesquels on bute le plus sont les suivants.
1 Arrêt total du Nucléaire en 2035
La loi de transition énergétique a pour objectif de passer en 2025 la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % ce qui conduirait à fermer une vingtaine de réacteurs sur les 58 existant. Quand on constate que l’arrêt des 2 réacteurs de Fessenheim, décidé en 2012 ne sera pas concrétisé avant 2018 (si elle l’est..), on émet de sérieux doutes sur l’hypothèse négaWatt. Au mieux, on sera en 2035 dans le respect de la loi de transition énergétique.
Par ailleurs, le scénario oublie volontairement l’EPR de Flamanville, en cours de construction…
2 Production d’électricité
Celle-ci est assurée à 85 % par des énergies de flux (ici éolien et PV). Nos modes de vie exigent que nos sources d’alimentation soient des énergies de stock (qu’elles soient renouvelables ou pas). Il n’y a, à ce jour, aucun exemple de pays développés et de forte consommation dont l’énergie électrique primaire soit fabriquée majoritairement à partir d’énergie de flux.
Le pari est donc très osé, d’autant plus que les solutions en France pour convertir ces énergies de flux en énergie de stock (= stockage) sont très limitées, comme l’indique à juste titre négaWatt. Ils proposent donc sans grande conviction un stockage basé sur la méthanation (87 TWh de stock constitué annuellement et dont moins de la moitié sont affectés au back-up électricité), mais sans préciser comment techniquement réaliser cela et dont on signalera au passage le faible bilan énergétique de ce procédé Electricité – H2 – CH4 – Electricité (de l’ordre de 40 %).
A noter également que les facteurs de charge annuels de l’éolien utilisés sont très optimistes (37 % pour la moyenne terre/mer, 57 % pour la mer seule), comparés à ce que l’on peut voir dans des régions plus ventées comme au Danemark.
Et aussi que les 247 TWh fournis conduisent à la présence d’environ 23000 éoliennes. Mais ce point et ses considérations esthétiques associées sont affaire de goût personnel.. !
3 Bilan en puissance pour l’électricité
Seules les bilans en énergies sont effectués, par ailleurs très bien présentés sur les diagrammes de type Sankey. Mais aucun bilan en puissance n’est montré, même si négaWatt précise avoir fait des simulations.
Il est dommage que ceci n’ait pas été explicité davantage et on reste sur sa faim car rien de démontre qu’à tout moment de l’année, la puissance appelée reste inférieure à la puissance disponible
4 Des hypothèses osées…. Par exemple :
- Disparition des vols aériens intérieurs et remplacements par le ferroviaire
--> Conséquences sur les infrastructures, l’économie et les emplois correspondants ?
- Utilisation du pétrole uniquement pour la pétrochimie
--> Est-on sûr qu’il est économiquement envisageable de développer des champs pétrolifères dans des environnements de plus en plus complexes pour ne produire que 15 % de ce qui est produit actuellement ?
- Dès maintenant, rénovation énergétique de 780 000 logements par an
--> Coût : 550 €/m2. On est actuellement à moins de 300 000 rénovations complètes / an….Cela dit les professionnels espèrent atteindre 500 000 à partir de 2017.
5 CO2 émis
On remplace une partie des énergies fossiles par de la biomasse, elle-même émettrice de CO2. On reconnaît cela, mais puisque celle-ci constitue à l’origine un puits de carbone, on considère que les émissions « nettes » sont nulles…
Eternel débat sur le fait qu’il y aurait du CO2 sale et du CO2 vert et que les arbres ne récupèrent que le CO2 vert….
A énergie égale fournie, la combustion de gaz fossile génère moins de CO2 que celle du bois…
En bref, fort scepticisme sur la faisabilité de tout ceci…
