Nicolas a écrit :Donc les dernière religions monothéistes sont bien monothéistes.
Mouais, ça se discute.
Ca dépend largement de la manière dont le divin est perçu, sachant qu'il y a mille et une manière de l'envisager, les seuls traits réellement commun c'est que c'est "au dessus des hommes" et que ça donne du sens à une vision particulière du monde. Disons que c'est une manière de faire d'une perception humaine un élément intangible et intemporel et de repousser l’incertitude. Ca permet de créer de la normalité.
En fait, les notions de monothéisme/polythéisme sont très réductrices et très influencée par la chrétienté qui a opposé les deux notions au travers de l'idée d’idolâtrie qui définissait les païens. Dans les faits, ces deux catégories manquent pas mal de pertinence pour catégoriser les cultes, parce que ça suppose une vision unifiée de ce qu'est une divinité, alors que ça n'est quasiment jamais le cas.
Je pense surtout que l’évolution théorique religieuse à été causé par une évolution de la théorie/logique de la philosophie et des idées "rationalisantes"
Ca dépend comment on l'envisage.
Si c'est pour dire qu'il y a une évolution linéaire vers la rationalisation, alors non. En fait, ça oscille sans arrêt entre une "la foi" et la raison, selon les périodes (je mets foi entre guillemet, parce que c'est un concept chrétien qui ne recoupe pas forcément toutes les forme de croyances religieuses), le type de religion, la philosophie du moment, l'origine sociale de celui qui donne son avis sur le sujet. Je veux dire, si des gens comme Platon ou Aristote méprise la religion populaire qu'il décrive comme faites de fables mythiques, c'est que ce sont des aristocrates, convaincus des bienfaits de l'oligarchie et qu'en bon grec, ils méprisent l'hybris et la démesure et ne peuvent donc qu'être hostiles à l'idée d'une religion qui n'est pas raisonnable, car le bon citoyen se doit d'être raisonnable, tempéré et réfléchi et de ne pas agir à la légère.
L'opinion d'un paysan pauvre d'Athènes aurait sans doute été très différente.
Dash a écrit :
Non seulement elle ne s'accommode pas, mais au-delà de la philosophie, j'imagine que, parallèlement à l'évolution des croyances et des conceptions du monde, qu'un jour certains ont saisi qu'il serait de toute façon plus facile de manipuler et de diriger les fidèles en « centralisant tous les pouvoirs », non?
C'est du complotisme de penser ça. Les prêtres ne se réunissaient pas dans une pièce obscure pour ourdir des plans de dominations.
Non, le monothéisme en occident est une conjonction d'un tas de facteurs qui s'entrecroisent et non pas une évolution volontaire. De plus, il ne faut pas oublier que la religion n'est pas que l'affaire des prêtres, de l'antiquité jusqu'à la fin du moyen-âge, elle se confond assez largement avec la culture et tout est plus ou moins religieux. La vie civique antique, par exemple, est une vie imprégnée de religion aussi bien dans la politique, la guerre, la vie quotidienne...
Les prêtres sont juste des professionnels du sacré au service d'une communauté qui lui confère la tache de dialoguer avec le divin. Évidement, ça n'est pas neutre, vu que c'est un rôle de pouvoir et donc que beaucoup ont vite compris l'intérêt à intégrer les rangs des prêtres, mais on ne peut pas comprendre les religions sans comprendre leurs caractères communautaires. Ils ont évidement un rôle politique, mais il n'y a pas de clergé détaché du champs laïque avant longtemps.
Quand à ce que je dis sur le fait que la raison s'accomode mal des divinités antiques, je ne parle que dans le cas de la philosophie grecque hellénistique ou de la période classique (Vème-IIIème siècle essentiellement). C'est une période où plusieurs philosophes tentent de rationaliser la religion en justifiant les mythes, soit comme parabolle, soit comme récit historique déformé. Il y a l'expression du mépris d'une religion populaire qui croirait à des fables quand les vrais philosophes sauraient, eux, que le monde n'est pas l'affaire de puissance magique mais éternel, sans origine ni fin et bougeant sans fin dans un mouvement parfait qui ne demande donc pas de divinité si ce n'est comme métaphore.
Mais c'est une vision qui ne durent que ce temps là. Quelqu'un comme l'empereur Julien, par exemple, qui écrit contre les chrétiens au IVème siècle ap JC reprend à son compte l'idée d'un monde éternel et parfait mais, inspiré par les idées de son temps où se rependent christianisme et autres cultes orientaux, en fait une lecture totalement différentes qui vient au contraire soutenir le paganisme et les dieux multiples, prétextant que le monde parfait ne saurait être que la création d'un dieu parfait, très au dessus de la petitesse du dieu juif, jaloux et inconstant, et qui aurait crée même les dieux multiples pour inspirer chaque peuple selon les moeurs qui lui conviennent. Dans sa vision, les divinités romaines traditionnelles, vu comme des fables par des philosophes grecs qu'il cite pourtant, deviennent presque des anges d'une divinité suprême.
Il utilise pourtant la même raison et des arguments similaires à ceux des philosophes qu'il cite, mais arrive à une conclusion très différente, faisant cohabiter sa volonté d'opposer la raison au fanatisme et les divinités classiques.
Je veux dire que, pour le clergé, il est sans doute moins risqué et plus facile de prêcher la parole d'un seul et unique Dieu tout puissant que de gérer et de maintenir un équilibre entre ce que peuvent évoquer et représenter de multiples divinités
Ca serait vrai si les religions étaient détachées de leurs communautés d'origine, mais ça n'est pas le cas. Comme dit au dessus, on ne peut pas détacher la religion de la population qui l'abrite.
En fait, le monothéisme profite surtout de l'évolution des sociétés que crée l'unité de l'empire romain. On passe, autour de la méditerranée, d'un ensemble de religions ethniques ou civiques correspondant à autant de population, à un seul ensemble unifié qui promeut en plus le culte impérial et sa citoyenneté.
A mon sens, c'est la création progressive de cette identité commune, qui affaiblit l'identité locale, qui devient un terrain propice à l'arrivée de religion plus personnelle, moins ethnique, plus universelle.
Il y a un peu la même crise d'identité qu'au moment de la fondation des royaumes hellénistiques au IIIème siècle. En fait, la fondation de royaumes affaiblit considérablement la valeur des cultes locaux qui sont censé être protecteur du peuple, pourtant vaincu par le royaume dont ils sont désormais partie.
Au IIIème siècle, cette contradiction entre la défaite manifeste des cités face aux royaumes issus de l'empire d'Alexandre et le caractère poliade des divinités crée une profonde crise de religions dans l'espace grec qui crée un report de la spiritualité vers un début de culte des rois hellénistiques et vers un développement de la philosophie.
Pour l'empire romain, c'est un peu le même phénomène. Le culte civique ou ethnique perd de son impact dans une société qui s'étend désormais au delà des murs de la cité ou des terres du peuple conquis et si l'on continue de prier les dieux locaux qui reste indispensable à la vie civique locale, le fait est qu'ils ne sont plus que des divinités parmi d'autres dans un empire immense, laissant de la place pour des cultes différents, promouvant des mécanismes communautaires différents plus adaptés au monde romain impérial.
D'ailleurs, même la défense du paganisme de Julien que j'ai cité plus haut est déjà très imprégnée de cette aspiration à une philosophie et une religion moins locale, plus unifiée et moins civiques et très loin de ce qu'était originellement la religion civique de Rome qu'il prétend pourtant défendre.