Jean-Francois a écrit :Tu admets que la psychanalyse (freudienne) n'a rien de scientifique,
Je n'ai jamais formulé une pareille sentence contre la psychanalyse. Je reconnais sans difficulté que la psychanalyse ne soit pas une science au sens propre. C’est différent ! Tu as toujours abordé la question de la psychanalyse dans un registre manichéen. Pas moi !
Dans le procès du savoir, je trouve très utile la ligne de démarcation entre science et non-science. Mais je ne crois pas que cette ligne de démarcation suffise à rendre compte de la complexité de la réalité. Tous les savoirs scientifiques ne sont pas de même valeur et tous les savoirs non scientifiques ne sont pas de même valeur non plus.
Dans ton domaine, les nuances n’ont peut-être pas autant d’importance (je ne sais pas). Dans le mien, les petites nuances ont une importance critique !
Prenons la cartographie comme métaphore.
En ce qui regarde le comportement humain (et la maladie mentale), la science psychologique évolue comme une série d’équipes d’arpentage qui avancent borne par borne et qui disposent de rubans millimétrés, d’appareils optique, de lasers. Leur travail est beaucoup plus fiable. Mais les arpenteurs géomètres n’ont couvert que 15% du territoire total et pas de façon continue. Disons 25 cartes partielles qui ne se rejoignent pas encore. Tu appartiens probablement à une de ces équipes d’arpentage. Tu travailles probablement à faire avancer la carte des connaissances relativement sûres. Tu parts donc de ce qui est connu de manière fiable pour tirer un peu plus loin la carte des connaissances fiables. Bravo pour la rigueur !
Moi je travaille avec une équipe de sauvetage obligé d’aller récupérer des personnes en détresse n’importe où sur le territoire total et le plus souvent (85%) en dehors du territoire cartographié.
Alors, on fait quoi lorsque la victime est hors carte ? On se débrouille avec des mauvaises cartes bricolées à la main par des explorateurs plus où moins rigoureux, plus ou moins échevelé. Et dans le domaine des mauvaises cartes, les nuances sont importantes. Il y a du mauvais et du pire. Certaines cartes sont parfaitement fantaisistes et reflètent pas autre chose que l’imaginaire du dessinateur. D’autres sont au moins collées sur l’expérience des sens. Lorsqu’on arrive sur place on reconnait à peu près ce qui avait été dessiné.
La psychanalyse est une de ces mauvaises cartes. Ce n’est pas une carte d’arpenteur géomètre, mais elle a certaines qualités qui la rendent intéressante pour des sauveteurs.
La psychanalyse offre plus qu’une carte (1=théorie de la personnalité, du développement et de la maladie). Elle propose une théorie de la «cartographie rapide » (2= méthode de recherche) et une théorie du sauvetage et région sauvage (3= technique de traitement).
La théorie psychanalytique de la cartographie (2) a montré ses limites. Par ailleurs, la technologie moderne permet maintenant d’explorer et de cartographier rigoureusement des territoires autrefois inaccessibles aux géomètres. Bravo !
La théorie du sauvetage (3) n’était pas trop mal lorsqu’on n’avait rien d’autre. Aujourd’hui on a mieux pour beaucoup de situations. Alors on utilise autre chose.
Que reste t-il dans la psychanalyse d’encore utile à des sauveteurs?
a) La carte approximative (non scientifique mais pas bête du tout) des territoires sauvages
b) Une technique de sauvetage de rechange lorsque des situations se présentes pour lesquelles nos autres techniques ne s’appliquent pas.
***********
Je sais que tu es capable de comprendre tout ça. Alors, ça me fâche toujours un peu lorsque tu joins ta voix à ceux qui disent que tout ce qui est sous la ligne de démarcation des sciences est d’une égale invalidité.
« Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire. » George Orwell