@ABC : je ne commenterai pas ton post de ce matin, Jean-François y ayant très bien répondu de mon point de vue.
ABC a écrit : 06 août 2025, 16:58
Sans une forte adhésion de l'opinion publique à de tels changements contraignants (induits par l'acceptation des normes, quotas et règlements négociés, choisis puis soutenus)
rien n'est possible.
Et je pense que c'est très mal barré.
Le climato-scepticisme progresse fortement en France (37% de climato-sceptique en France cf
cet article ou bien pour plus de détails le sondage
Obs’COP 2024)
Il y a plusieurs type de climato-sceptiques.
- Ceux remettant simplement en cause la science ne sont plus les plus nombreux.
- Ceux issus d'un certain complotisme développé lors du covid qui se tournent de plus en plus vers le climat.
- Ceux davantage influencés par CNews ou les réseaux sociaux*.
- Les dénialistes face à une situation qu'ils voient s'aggraver mais contre laquelle ils se sentent impuissants.
- Ceux qui s'accrochent (et c'est assez normal) à un mode d'existence dépassé (oui, le nôtre).
- Ceux qui sont désabusés devant les sacrifices qu'on leur demande alors que les plus aisés et les décideurs profitent du système. (ce qui montre que sans exemplarité des plus aisés et des décideurs, ça n'avancera pas).
Face à ça, je ne suis pas convaincu du tout qu'il suffise de "se contenter d'exprimer son point de vue le mieux et le plus factuellement possible en montrant du respect et de l'écoute pour les contradicteurs".
cf
cet article de Reporterre :
"Paradoxalement, c’est au moment où les effets du changement climatique sont de plus en plus couverts par les médias que le climatoscepticisme reprend des forces, avec une population de plus en plus dubitative. Ce qui paraît paradoxal pourrait en réalité être assez compréhensible : c’est peut-être précisément parce que les effets sont de plus en plus visibles, et que l’ensemble paraît de plus en plus insurmontable, que le déni devient une valeur refuge de plus en plus commode."
"Pour le moment, nous semblons penser la question du changement climatique avec le logiciel politique et économique du XXe siècle. Résultat : des récits comme le climatoscepticisme, le greenwashing, le technosolutionnisme (le fait de croire que le progrès technique règlera le problème climatique), la collapsologie ou encore le colibrisme (le fait de tout faire reposer sur l’individu) nous piègent dans un archipel narratif confus, qui repose plus sur nos croyances et notre besoin d’être rassurés, que sur un avenir à bâtir."
"De fait, le climatoscepticisme prospère encore, car il est le symptôme d’autodéfense d’un vieux monde qui refuse de mourir. Sans alternative désirable ou réaliste, alors que nos sociétés et nos économies sont pieds et poings liés par la dépendance aux énergies fossiles, nos récits sont condamnés à tourner en rond entre déni, faux espoirs et évidences trompeuses."
"si le climatoscepticisme grimpe, c'est qu'il traduirait finalement une forme de ressentiment vis-à-vis d'injonctions écologiques perçues comme punitives alors même que le niveau de vie moyen semble baisser — une position finalement compréhensible dans un pays où l'on enjoint les plus pauvres à une sobriété énergétique alors même que la précarité règne, tandis que l'on continue à faire des cadeaux aux plus aisés."
Voir aussi (pour plus de détails) l'étude parue sur Hal.science en 2023 :
Les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme
*
Et ça marche bien, car ces influenceurs (bien financés pour certains) ont bien compris les ressorts sociaux et psychologiques liés à la problématique.
"si les chiffres sont importants pour se rendre compte de l’importance du changement et de ses conséquences (y compris pour mesurer les fameux franchissements des limites planétaires), ce n’est pas avec des chiffres seuls que l’on met en mouvement les sociétés et les politiques. Les tenants du climatoscepticisme ont parfaitement compris cette limite, en nous proposant les certitudes confortables d’un vieux monde inadapté, face aux incertitudes paralysantes d’un avenir qui sera radicalement différent du monde que nous connaissons"
Autre point, de plus en plus nous voyons que les grandes entreprises nous empapaoutent sur le sujet :
- La pétrochimie, celle qui tente de saborder les discussions sur la problématique des plastiques (que j'ai cité il y a peu), a toujours mis en avant le recyclage afin de pouvoir continuer à produire sans entraves (et à récupérer au passage les subventions associées). Et bien ces industriels
savaient depuis le début que les plastiques ne sont pas recyclables au-delà d'environ 10%
- Le captage du CO2, technique "prometteuse" suivant ses promoteurs s'avère en fait bien moins efficace qu’annoncé. Norway’s Equinor, pionnier dans le domaine a en fait
capté 10 fois moins de CO2 qu'annoncé (mais a bien encaissé les subventions).
- Des exemples comme ça, il y en a une multitude. Et tant qu'on les laissera faire, la crise climatique ne fera que s'aggraver et il ne sera pas possible d'avoir une adhésion des personnes qui, elles, doivent se serrer la ceinture.
Je remet donc cette analyse que je trouve de plus en plus juste de Bruno Latour :
"La mutation écologique actuelle a organisé l'ensemble du paysage politique au cours des trente dernières années. Cela pourrait expliquer le cocktail mortel d'inégalités explosives, de déréglementation massive et la transformation du rêve de la mondialisation en un cauchemar pour la plupart des gens.
Ce qui relie ces trois phénomènes, c'est la conviction, partagée par certaines personnes puissantes, que la menace écologique est réelle et que la seule façon pour elles de survivre est d'abandonner toute prétention à partager un avenir commun avec le reste du monde. D'où leur fuite à l'étranger et leur investissement massif dans le déni du changement climatique." Down to Earth 2018.