Bonjour Beetlejuice,
Content que vous entriez dans la discussion et préveniez quelques possibles errements.
BeetleJuice a écrit :babel a écrit :Je ne suis pas persuadé que le "superorganisme" ou "superstructure" que représente la fourmilière soit si éloigné que cela des "fourmilières" humaines. Particulièrement quand on regarde les organisations hyper hiérarchisées comme les castes indiennes par exemple.
Est-ce que ce n'est pas pour cela qu'a été inventé la "démocratie" au fond ? Pour nous donner l'illusion que nous sommes libres de devenir ouvrier ou soldat, maître ou esclave, mendiant ou roi ? Je force volontairement le trait mais le système de castes hindous ou un régime totalitaire n'a-t-il pas pour but de maintenir chaque individu, dès sa naissance, dans un seul et unique rôle comme l'ouvrière de votre fourmilière ?
Comme le dit Miraye, ça n'a rien à voir.
D'abord parce qu'effectivement, les sociétés d'insectes sociaux ne sont pas hiérarchisés au sens où on l'entendrait pour les humains, la différenciation des rôles est plus semblable à une différenciation d'organe dans un corps entre les cellules qui le composent.
Comme je l'écrivais à Miraye plus haut, je comparais moi aussi une fourmilière à un corps puisque j'employais le terme de superorganisme. D'autre part, si j'ai pris l'Inde comme analogie, c'est parce que je repensais à l'un de ses mythes de la création qui fait lui-même appel à la symbolique corporelle.
Le mythe explique que les dieux ont créé le monde à partir du corps d'un être primordial appelé le Purusa. Le soleil a été fait avec son oeil, la lune avec son cerveau, les Brahmines (prêtres) à partir de sa bouche, les Ksatriyas (guerriers) avec ses bras, les Vaisyas (paysans et marchands) avec ses cuisses, et les Sûdras (serviteurs) avec ses jambes.
Ainsi, mythiquement, la distribution des rôles sociaux est bien semblable à une
différenciation d'organes pour reprendre vos termes.
BeetleJuice a écrit :(...)On n'a jamais vu une ouvrière fourmi tenter de reproduire le mode de vie de la reine pour "faire monter sa caste", alors qu'en Inde, il y a un fort phénomène d'imitation des castes supérieures par certaines castes intermédiaires, notamment dans l'adoption des pratiques religieuses ou du mode de vie (avec une forte diffusion du végétarisme et une crispation autour de symbole religieux, ce qui a tendance à aggraver la difficile cohabitation entre musulmans et hindous, notamment en diffusant la paranoïa des hindous autour de la question de la consommation de viande de bovin par les musulmans). Idem, on n'a jamais vu les ouvrières d'une ruche tenter de profiter de leur statut d'ouvrière pour obtenir des avantages politiques au nom d'une discrimination positive à l'avantage des castes inférieures (voir le mouvement des Other backward casts en Inde si ça intéresse).
Je ne prétends évidemment pas qu'on peut comparer totalement une société de fourmis à une société humaine d'un point de vue de la complexité des rapports entre individus. Les analogies ont évidemment leurs limites et il est possible que celle-ci soit mal choisie.
Néanmoins, vous avez omis ce que je disais à Miraye au-dessus :
Du reste, à ce qu'il me semble, même si une fourmi éclot comme simple ouvrière, les "schémas" du soldat et de la reine sommeillent toujours en elle. Quand la reine de la colonie disparaît, je crois avoir lu que l'ouvrière peut développer les pouvoirs reproductifs et commencer à pondre des oeufs en "espérant" devenir reine. Auquel cas,
ce ne serait pas tant la biologie qui l'oblige que le groupe.
Si ce que je dis ici est juste (à vérifier, je ne suis pas biologiste), ça entre en résonance, toutes proportions gardées bien sûr, avec votre (ironique)
On n'a jamais vu une ouvrière fourmi tenter de reproduire le mode de vie de la reine pour "faire monter sa caste", alors qu'en Inde, il y a un fort phénomène d'imitation des castes supérieures.
Je concède bien volontiers que l'analogie est forcée et je ne cherchais absolument pas à mettre un signe = entre sociétés humaines et sociétés de fourmis bien entendu.
Ce que je voulais mettre en évidence, même s'il s'agit sans doute d'un truisme, c'est que les sociétés humaines comme les sociétés animales sont "naturellement" hiérarchisées. Que l'individu animal social (qu'il soit fourmi ou individu humain) est peut-être encore plus soumis à son groupe qu'à sa biologie.
Et j'entends par groupe aussi bien une organisation politique que religieuse, économique, intellectuelle...
L'idée que j'ai vue à plusieurs reprises développée (notamment par Richard Dawkins et Susan Blackmore) et que j'interroge ici avec vous est, en gros, celle-ci: on peut percevoir les cultures humaines comme une sorte d'infection mentale ou virale, dont l'Homme serait l'hôte involontaire. Des parasites organiques, comme les virus, vivent à l'intérieur du corps de leurs hôtes. Ils se multiplient et se propagent d'un hôte à l'autre, s'en nourrissant, les affaiblissant, voire les tuant. Tant que les hôtes vivent assez longtemps pour transmettre le parasite, celui-ci ne se soucie guère de leur condition. C'est ainsi que les idées culturelles vivraient dans l'esprit des hommes. Une idée culturelle comme le christianisme ou le communisme peut forcer un homme à passer sa vie à propager cette idée, fût-ce au prix de sa vie. L'homme meurt mais l'idée se répand.
Selon cette approche, les cultures ne sont pas tant des "complots" des dominants envers les dominés (vision marxiste) mais plutôt des sortes de parasites mentaux qui apparaissent par accident puis profitent de tous ceux qu'elles ont contaminés.
Comme toute théorie globalisante, cette théorie dite
mémétique a fatalement ses limites mais elle me séduit sur certains aspects. Notamment quand elle postule que, de même que l'évolution organique repose sur la reproduction des unités d'information organique (les gênes), l'évolution culturelle repose sur la reproduction d'unités d'informations culturelle (les mèmes).
BeetleJuice a écrit :babel a écrit :Idem. Je ne vois pas où est le problème de dire que chaque espèce animale (voire chaque être vivant, chaque cellule, chaque gène...) a pour but (conscient ou non) de survivre et de se reproduire. En tout cas, c'est ce qu'il me semble qu'on observe.
Ca pose problème parce que l'idée de but a tendance naturellement, dans le langage courant, à s'associer à l'idée de planification, donc de planificateur.
Or ça n'est pas ça qui se passe, la vie n'est pas "programmée" pour survivre et se reproduire, c'est juste que celle qui n'était pas programmée pour le faire, si elle a existé un jour, a fatalement disparu aujourd'hui. La tendance de la vie à survivre et à se reproduire est plus une conséquence de son évolution qu'un but. C'est lié au fait qu'une réaction chimique qui s'auto-entretient est plus efficace et à plus de chance d'exister qu'une réaction chimique qui compte sur le hasard de la rencontre des molécules.
Je comprends ce que vous dites mais j'ai du mal à ne pas y voir un pinaillage sémantique ne visant pas tant à la clarté qu'à se protéger (utilement d'ailleurs) des contempteurs de l'existence d'un Grand Architecte.
Vous-même devez dire dans la même phrase que la vie n'est pas programmée pour survivre mais que celle qui n'aurait pas été programmée pour survivre aurait disparu... Cela me pose un problème logique.
Je préfèrerais une formulation du type:
la vie n'a d'autre fonction que de s'auto-entretenir. Qu'en dites-vous ?
PS: je vais être absent au moins 24h et ne pourrai donc répondre de suite à jean7 ni chanur.