La question n'est pas simple, puisqu'elle revient à demander: qu'est-ce que la maladie? Par commodité, on parle de la médecine comme d'une science. Ce n'est pas faux dans la mesure où la médecine s'est donné une épistémologie scientifique et parce qu'une partie importante de son ontologie est effectivement de nature scientifique. Mais tout en médecine n'est pas "science". C'est particulièrement vrai lorsqu'on regarde les spécialités une à une. La psychiatrie, par exemple, n'est considérée comme scientifique que par affiliation. Le noyau scientifique dur de la psychiatrie est assez peu important par rapport à l'ensemble des épistémologies et des modèles qui cohabitent en psychiatrie. Il n'y a pas longtemps nous discutions ici de la psychanalyse...«Les trouves-tu peu convainquants par eux-mêmes (ce que je peux admettre pour certains) ou soutiens-tu le caractère pathologique de l'homosexualité ? Si oui, sur quelle base ? »
Pour ce qui est de la notion de maladie en psychiatrie, nous entrons au coeur de la "culture" psychiatrique. Certaines maladies mentales peuvent être objectivé par une instrumentation mais, de manière générale, les critères qui placent un tableau clinique du côté de la maladie relèvent de l'arbitraire culturel psychiatrique. Toi qui a une certaine connaissance de l'anthropologie, ne doit pas ignorer que même la schizophrénie n'est pas considérée comme une maladie dans toutes les cultures.
Dans la culture psychiatrique traditionnelle, la perversion (appelée aujourd'hui déviance ou paraphilie) suivait la définition suivante : Le but de la sexualité est le coït génital, les objets en sont un homme et une femme d'âge pubère! Toutes déviations "exclusives" quant au but ou à l'objet de la sexualité sont des perversions. Suivait ensuite les différents objets de déviance et les différents buts de déviance. C'est la définition depuis le 18e siècle. Au début du siècle, par exemple, Freud part de cette définition pour ses: "Trois essais sur la théorie de la sexualité".
Depuis quelques décennies, la psychiatrie se laisse interpeller par la recherche scientifique. Par exemple, c'est au gré des découvertes que le DSM se reformule. On scinde un diagnostique ici! On en regroupe là! On reformule l'ensemble de la classification! Etc...
Le cas de l'homosexualité est différent. Ce n'est pas en fonction de découvertes scientifiques que l'homosexualité a été retirée du DSM. C'est purement en fonction de critères politiques (Beltrami E, Couture N. & Boulet R. 1988). Il y a certainement la question des lobbys homosexuels, comme le soulignait "Invité", mais il y a aussi un autre enjeu politique. Les psychiatres américains ont simplement constaté que le DSM servait à "justifier" une discrimination inexcusable contre les homosexuels. Les personnes qui opprimaient les homosexuels se servaient du DSM comme argument, mais leurs mobiles psychologiques véritables étaient d'un tout autre ordre. Les psychiatres n'ont pas voulu demeurer les complices d'une pareille discrimination. Ils ont voté pour le retrait de l'homosexualité comme diagnostic, bien que la plupart d'entre eux aient admis, dans des recherches subséquentes, qu'ils considéraient toujours l'homosexualité comme une déviance. Ça a ensuite été un vrai casse-tête pour les auteurs du DSM de trouver une définition de la paraphilie qui ne couvre pas automatiquement l'homosexualité. Ils y sont parvenus grâce à une acrobatie intellectuelle qui tient de la virtuosité.
Voilà! Je connais l'histoire de ce retrait du DSM et je partage le point de vue de ces psychiatres. Mais quand on m'affirme que l'homosexualité n'est pas une maladie et que la "preuve" en est que ce diagnostic a été retiré du DSM, je m'amuse un peu.
Pour ce qui est des éléments empiriques justifiant de toujours considérer l'homosexualité comme une maladie, ils sont assez pauvres. Mais ils sont pauvres dans le cas de presque toutes les maladies du DSM. Le diagnostic, je le répète, est surtout une affaire de culture psychiatrique. Personnellement, je ne connais qu'un seul argument empirique. Je n'ai pas le livre sous la main, mais dans "Handbook of Sexuel Assault" je me souviens d'avoir pris connaissance des études de comorbidité. Il ressortait que les paraphilies sont presque toutes fortement liées les unes aux autres. Lorsqu'une personne présente une paraphilie, elle a beaucoup plus de chance d'en présenter une autre. Ce lien statistique n'apparaissait pas avec les autres troubles mentaux. Sur ce terrain, l'homosexualité se comportait statistiquement comme toutes les autres paraphilies.
Toi aussi tu te fais la vie belle. J'ai pris des exemples extrêmes pour bien montrer que l'argument de Jean-François n'était pas recevable. Ce que mon argument démontre c'est simplement que le fait que quelque chose soit présent dans la nature n'en fait pas automatiquement une preuve de santé. En dernière analyse, la maladie est toujours quelque chose de naturel.««Citation:
D'abord, les comportements homosexuels dans la nature ne sont pas exclusifs. Ils apparaissent dans des conditions relativement circonscrites. Ensuite, la tuberculose, la peste et la rage aussi se retrouvent dans la nature. Est-ce moins pour autant moins des maladies?
Là, c'est ton argument qui est faible. Comme HDP, tu compares des choses pas vraiment comparables. »»
Tout a fait vrai! Mais c'est le cas d'autres formes de paraphilies. La zoophilie, par exemple, a des conséquences sur l'individu extrêmement variables et pas automatique. Elle n'entraîne pas toujours une souffrance psychologique de la personne, elle n'est pas non plus de nature à annihiler l'espèce humaine dans un proche futur. Milite tu en faveur du retrait de la zoophilie de la liste des paraphilies?««Tout le monde s'accorde sur ce point. Il s'agit de toute façon d'un strawman, car a) les conséquences sur les individus homosexuels sont extrêmement variables et pas automatiques et b) la prévalence de l'homosexualité n'est pas de nature à anihiler l'espèce humaine dans un proche futur, quoiqu'en disent les Cassandre. »»

Disons que c'est un autre problème! Je l'abordais parce qu'ici les lobbys homosexuels militent en faveur du mariage et de l'adoption d'enfants par des couples homosexuels. Je suis plus que tiède face à ces revendications.««Citation:
Par ailleurs, l'homosexualité n'est pas l'objet d'une exclusion dans la société puritaine pour rien. Culturellement, la magnification de la famille nucléaire hétérosexuelle est un des fondement de cette société. Nous connaissons les problèmes que pose la société puritaine. Connaît-on les problèmes d'une société qui ne le serait plus? Dire qu'il n'y a que des avantages à opérer un changement culturel aussi important m'apparaît naïf.
Mauvais argument, façon "peste contre choléra": "le système actuel a ses défauts mais gardons-le car un changement pourrait mener au pire". »»
Je ramasse tous les jours la merde héritée de la contre-culture des années 70. Tous le milieu de la psychiatrie s'entend pour dire que les psychopathologies modernes sont bien pires que les psychopathologies de la société puritaine des années 40. Je crois que l'on ne se pose pas assez la question de mesurer les conséquences des changements dont nous faisons parfois la promotion.
Cliniquement, je trouve important que les homosexuels assument leur différence. Je suis également contre la plupart des discriminations dont ils sont victimes. L'adoption d'enfant par des couples homosexuels, par contre, je n'achète pas ça! Au-delà de mes arguments, mes vrais mobiles sont peut-être psychologiques? Peut-être! En tout cas, ils sont très bien encrés!