Un autre lien du même site, avec l'entrevue de Bruno Fay.
les inrocks a écrit :A l’occasion de notre dossier sur les complotistes en kiosque le 12 septembre, entretien avec l’enquêteur Bruno Fay, auteur du livre “Complocratie”*. Le journaliste décrit l’émergence massive d’un “complotisme ordinaire” coincé entre incompréhension, mépris médiatique et existence de vrais complots.
Pourquoi avoir enquêté sur les personnes taxées de complotisme ?
La genèse de mon travail est partie de rencontres avec des gens autour de moi. Des proches qui me disaient “t’as vu le 11 Septembre ou la mort de Lady Di ? C’est un complot”. Il n’étaient ni illuminés, ni extrémistes. Pourquoi ces gens-là, cultivés et éduqués, croient à des complots ? Vers 2002/2003, je me suis dit : “merde c’est intéressant, j’ai besoin d’une grille de lecture pour comprendre”. En me penchant sur les travaux existants, j’ai constaté un décalage entre la vision des spécialistes** du complot et la réalité que je percevais.
Quel décalage ?
Une nouvelle forme de conspirationnisme est apparue. Elle ne concerne plus des cercles restreints d’antisémites, d’extrémistes ou d’idéologues qui propageaient des théories autour du complot judéo-maçonnique avec un objectif politique. Ces cercles existent encore, mais ils sont noyés dans la masse. Ça reste une minorité. L’essentiel, c’est la remise en question des versions officielles.
Vous qualifiez ce phénomène de “complotisme ordinaire”…
Ordinaire, car il touche tous les milieux, de Bac + 10 à Bac – 5. Le problème traduit davantage une crise de confiance entre les citoyens et les gouvernants économiques, politiques et les professionnels de l’information. On ne croit plus la parole officielle. C’est la fameuse phrase : “on nous cache tout, on nous dit rien”. Quand on se trouve face à des chiffres très importants, par exemple 57 % de Français qui croient à un complot sur DSK, il n’y a pas 57 % de fous ou de fachos en France. C’est ça que je nomme le nouveau conspirationnisme de masse, un complotisme ordinaire.
Quels sont les facteurs ayant contribué à cette transformation ?
Il y a des raisons technologiques correspondant à la montée d’Internet et des réseaux sociaux. L’accélération de l’information y contribue également. Une info en chasse une autre, on n’a plus le temps de revenir sur des événements, d’aller au fond des choses. Le problème qu’on a derrière tout ça, c’est le traitement médiatique. Les journaux ont tendance à rejeter toutes les théories du complot en bloc. Soit on les tourne en ridicule, soit on met tous les complotistes dans le même sac. Quand Guillaume Durand laisse entendre que Kassovitz serait antisémite, il est complètement à côté de la plaque. En tapant sur les complotistes, on les marginalise, voire on les “extremise”. Le traitement médiatique entretient leurs propres croyances et renforce la crise entre citoyens et gouvernants.