Serait-il envisageable, au plan du principe de définir, mesurer et distinguer :
- la durée de mesures quantiques de polarisation Horizontal/Vertical d'un mélange statistique 50/50 de photons déjà en état H/V
- de la durée de mesures quantiques H/V d'un mélange statistique 50/50 de photons au contraire en état de polarisation à +45/-45 ?
Un petit tour sur l'expérience EPRB
Quand, dans l'expérience EPRB, Alice réalise exclusivement des mesures de polarisation Horizontale/Verticale, les photons d'Alice comme ceux de Bob sont, et ce indépendamment du référentiel inertiel considéré, instantanément projetés dans l'état Horizontal d'un côté et Vertical de l'autre (sans que l'on puisse prédire de quel côté on aura un photon en état de polarisation Horizontale et de quel côté on aura un photon en état de polarisation Verticale).
Cet effet instantané, qualifié de non local, propre à l'intrication quantique, est cependant réputé ne pas violer la causalité relativiste. Malgré la violation des inégalités de Bell, contrairement à ce qui est (majoritairement, mais pas tout à fait unanimement) considéré être une illusion propre à l'interprétation réaliste de l'état quantique, cet effet n'est pas sensé permettre une transmission d'information à vitesse supraluminique.
Et le no-communication theorem dans tout ça ?
La démonstration de cette impossibilité repose sur le no-communication theorem. Il s'agit de l'impossibilité majoritairement admise de transmettre une information à vitesse supraluminique en exploitant l'effet EPR.
Ce théorème repose toutefois (via son outil de modélisation : l'opérateur densité) sur l'hypothèse selon laquelle toute l'information pouvant être extraite d'un mélange statistique est en totalité contenue dans ce que l'on appelle la matrice densité du mélange statistique. L'information que l'on est en mesure d'extraire localement (que ce soit côté Alice ou côté Bob) est, à notre connaissance actuelle du moins, totalement contenue dans l'opérateur dit opérateur densité réduit du système observé...
...Hélas ! Trois fois hélas !!! L'opérateur densité réduit des photons de Bob, comme celui des photons d'Alice est dramatiquement vide de toute information. Il vaut diag(1/2, 1/2). Rien ne permet, en principe, de distinguer un mélange statistique 50/50 de photons H/V d'un mélange statistique 50/50 de photons polarisés à +/- 45°. L'entropie de Von Neumann de cet état statistique (diag(1/2,1/2)) est maximale. L'information d'intrication quantique entre photons de Bob et photons d'Alice est, en fait, réputée être totalement contenue dans la corrélation entre ce qui sort d'un côté et ce qui sort de l'autre quand Alice et Bob font des mesures. Aucune information ne peut être extraite localement de ce contenu non local.
Bon sang de bon soir ! Elles commutent les observables locales d'Alice et de Bob !
L'impossibilité pour Bob de savoir ce que fait Alice découle du fait que les observables locales côté Alice et les observables locales côté Bob commutent. Quoi que mesure Alice de son côté, les résultats de mesure de Bob, n'en sont pas affectés, donc n'en révèlent rien (et vice versa). Les statistiques des résultats des mesures locales de Bob sont désespérément dédaigneuses et indifférentes aux mesure d'Alice (et vice versa).
Il reste cependant, me semble-t-il, peut-être un petit espoir de faire mentir le no-communication theorem en s'attaquant à son hypothèse de base : "toute l'information pouvant être extraite d'un mélange statistique est entièrement contenue dans sa matrice densité". Se pourrait-il qu'il en soit autrement ?
Et si on essayait de le faire mentir ce no-communication theorem ?
En fait, je ne suis pas complètement certain que la réponse à la question soit un non ferme et définitif sans le moindre espoir d'une réponse différente. En effet, pendant très longtemps, on a pensé que la réduction du paquet d'onde ne pouvait être modélisée comme un processus physique prenant un certain temps. Depuis au moins une bonne trentaine d'années maintenant, les choses changent doucement.
Modéliser la mesure quantique comme un processus physique et définir sa durée, serait-ce possible après tout ?
Certains physiciens osent s'attaquer au problème de modélisation de la mesure quantique, ce processus mystérieux, indéterministe, irréversible, en apparent conflit avec les évolutions quantiques "normales". "Oui !" disent un petit nombre de physiciens, "le processus de mesure quantique, produisant un unique résultat de mesure (et non une superposition, en violation de l'unitarité des évolutions quantique) a peut-être bien une existence physique "objective", donc une durée et une possible signification physique un peu moins subjective qu'un simple recueil d'information par un observateur". Cela ouvre la porte à la définition (très difficile toutefois) et pourquoi pas, à la mesure, d'une durée de mesure quantique une fois cette définition posée.
Pourquoi cet intérêt pour la mesure de durée d'une mesure quantique ?
Il est le suivant : s'il s'avérait (par exemple) possible :
- de définir (et concrétiser par une mesure) une notion acceptable et précise :
- de durée de mesure de polarisation H/V de photons déjà en état H/V
- de durée de mesure de polarisation H/V de photons au contraire en état +45°/-45°
- et qu'on trouvait la durée de cette deuxième mesure un tout petit peu plus longue que la première (le temps que les photons initialement polarisés à +/-45° se mettent dans le nouvel état H ou V mesuré car ils y sont pas déjà ?)
- alors on pourrait, grâce à de telles mesures de durée, extraire du mélange statistique de photons tous en état H ou V car tous projetés dans cet état par des mesures de polarisation H/V côté Alice (éventuellement par comparaison avec les résultats d'un deuxième canal) une information distinguant ce mélange H/V d'un mélange statistique +45°/-45° (obtenu au cas où, au contraire, Alice réaliserait exclusivement des mesures de polarisation à +/- 45°).
Et on en fait quoi de la violation d'invariance de Lorentz qui découlerait d'une telle possibilité ?
Quel modèle mathématiquement cohérent et physiquement compatible avec les faits d'observation pourrait donc bien survivre à pareille vilenie ?
En fait, eu égard à la confirmation, à ce jour sans faille, des prédictions de la Relativité Restreinte, on soupçonne très fortement qu'on est là dans une impasse, devant un mur infranchissable, car il s'agit d'une violation de l'invariance de Lorentz. Comment pourrait-on, dans de telles conditions, rester cohérent avec ce qui est observé, à savoir un parfait respect de l'invariance (locale) de Lorentz par tous les phénomènes physiques connus à ce jour ????
A way out ? Laquelle ?
... En fait, on peut parfaitement héberger :
- ET d'éventuelles violations d'invariance de Lorentz dans l'espace-temps moins contraint d'Aristote (1)
- Et tous les phénomènes parfaitement respectueux, eux, de l'invariance de Lorentz.
Aux dernières nouvelles, tous les phénomènes connus sont retenus prisonniers dans la villa de Minkowski. Aucun phénomène physique connu à ce jour ne prend le risque de sortir de la villa de Minkowski, en violation de l'invariance de Lorentz, pour aller se dégourdir les jambes sur le terrain d'Aristote (le terrain sur lequel est construite la villa de Minkowski occupée par le puissant groupe de Poincaré).
Et le référentiel privilégié de Lorentz avec son feuilletage privilégié en feuillets euclidiens 3D de simultanéité, que devient-il dans cette hypothèse ?
Envisageons que, finalement, se manifeste la possibilité de violer la limitation de vitesse de la lumière par un transfert d'information en mettant à profit, dans l'expérience EPRB, des mesures de durée de mesure quantique. Comme les interactions électromagnétiques et les effets observables associés sont toujours là, on a alors deux simultanéités :
- la simultanéité relative associée aux interactions électromagnétiques,
- la simultanéité privilégiée associée à cet hypothétique transfert d'information à vitesse supraluminique.
C'est l'idée présentée en Special Relativity and possible Lorentz violations consistently coexist in Aristotle space-time
Bon ! C'est bien gentil tout ça, mais, concernant la modélisation des mesures quantiques et de leur durée, quelles références susceptibles d'être prises au sérieux (c'est à dire publiées ou publiables dans des revues à comité de lecture) s'aventurent dans ces eaux quelque peu périlleuses.
Qui travaille sur la modélisation du processus de mesure quantique avec, potentiellement, la possibilité (pourquoi pas) de définir et mesurer une durée de mesure quantique ?
Parmi les articles me semblant intéressants à analyser avec une telle idée en tête en voici quelques uns :
- Understanding quantum measurement from the solution of dynamical models
de Armen E. Allahverdyan, Roger Balian, Theo M. Nieuwenhuizen - Measurement and Collapse within the Two-State-Vector Formalism
Yakir Aharonov, Eliahu Cohen, Eyal Gruss, Tomer Landsberger
Can the Two-Time Interpretation of QuantumMechanics Solve the Measurement Problem?
Katie RobertsonFebruary 2017 - What Happens in a Measurement?
Steven Weinberg - Reversibility and Irreversibility within the Quantum Formalism
Tim Jacobs, Christian Maes - Tracking the dynamics of an ideal quantum measurement
Fabian Pokorny, Chi Zhang, Gerard Higgins, Adán Cabello, Matthias Kleinmann and Markus Hennrich - A Flea on Schrödinger’s Cat
de N.P. Landsman and Robin Reuvers - Quantum measurements of time
Lorenzo Maccone, Krzysztof Sacha - The Quantum Jump Approach to Dissipative Dynamics in Quantum Optics
M.B. Plenio, P.L. Knight (Imperial College London)
Quantum Leaps, Long Assumed to Be Instantaneous, Take Time
(1) Bien noter qu'il ne s'agit pas d'un espace-temps de Galilée.
L'espace-temps de Galilée possède des symétries (modélisées par les boosts galiléens) incompatibles avec les symétries constatées des lois de la physique. Notre espace-temps n'est définitivement pas un espace-temps de Galilée, et ce, même dans l'interprétation lorentzienne des effets relativistes.
L'espace-temps d'Aristote n'impose pas des symétries différentes de celles du groupe de Poincaré. Il est seulement plus permissif car il autorise d'éventuelles violations d'invariance de Lorentz interdites dans l'espace-temps de Minkowski.
Par contre, le groupe d'Aristote (le groupe de symétrie de l'espace-temps d'Aristote) est un sous-groupe à 7 paramètres du groupe de Poincaré (un groupe à 10 paramètres, lui, donc plus contraignant). Le groupe d'Aristote impose toutes les invariances du groupe de Poincaré autres que l'invariance de Lorentz, à savoir :
- la conservation de l'impulsion = invariance par translation spatiale (3 paramètres),
- la conservation du moment cinétique = invariance par rotation spatiale (3 paramètres),
- la conservation de l'énergie = invariance par translation temporelle (1 paramètre).