Doute, climatoscepticisme vs GIEC

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Florence
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Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#1

Message par Florence » 09 janv. 2024, 12:11

Ma chère maman, abonnée à la gazette de l'évêché La Croix, m'a donné à lire une bonne chronique de Marie Grand
https://www.la-croix.com/a-vif/j-ai-dis ... d-20240108

Après une discussion laborieuse avec un climatosceptique, Marie Grand s’interroge sur nos doutes, et les bonnes ou mauvaises manières de douter. Le doute, explique-t-elle, pour nous faire progresser sur le chemin de la connaissance, doit demeurer raisonnable, et s’arrimer au consensus scientifique.


J’ai discuté avec un climatosceptique et… j’ai perdu pied ! Progressivement asphyxiée par son millefeuille d’objections vraisemblables, j’ai fini par invoquer, en argument d’autorité, l’expertise du Giec. Moi, la professionnelle de l’esprit critique, j’ai été surprise en flagrant délit de dogmatisme, accusée de m’en remettre à la science officielle comme à une religion. Mais si je devais refaire le match, c’est pourtant à la question suivante que je conduirais mon interlocuteur : pourquoi ne pas faire confiance au Giec ?

La plupart du temps, pressés de passer à autre chose, nous nous contentons de peu dans l’établissement de la vérité. Or, en matière de climat, nous n’en avons jamais su autant. Pourquoi vouloir prolonger l’enquête alors qu’un millier de spécialistes font périodiquement, de manière indépendante, bénévole, méthodique, transparente et collégiale, la synthèse de toutes les connaissances disponibles et concluent unanimement à l’existence...
Le reste hélas est payant …
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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#2

Message par LoutredeMer » 09 janv. 2024, 14:02

... à l'existence d’un réchauffement accéléré d’origine anthropique ? Comment ne pas accorder du crédit à un texte dont chaque ligne a été discutée et validée par 195 pays ? Comment penser que les plus grands scientifiques mondiaux, répartis dans trois groupes de travail distincts, aidés d’une armée de relecteurs, ont pu laisser passer entre les mailles de leur filet des arguments accessibles au non-spécialiste et susceptibles d’alimenter les conversations du repas de Noël ? La chose n’est pas raisonnable.

Bien douter
Le fait est que notre raison se laisse tromper. Probablement parce que le déni climatique lui emprunte son principal instrument : le doute. Le climatosceptique retourne contre le savoir son arme la plus affûtée. Faire profession d’incertitude passe pour éminemment rationnel. N’est-ce pas la principale vertu scientifique ? Le climat est d’ailleurs un objet particulier. Soumis à une multitude de paramètres, il est trop complexe pour que l’on puisse prédire avec certitude son évolution.

Mais le tout n’est pas de douter mais de bien douter. Car l’esprit critique peut devenir stérile esprit de contradiction, l’enquête méthodique soupçon facile. Accaparés par les exigeantes procédures de la démonstration, nous oublions que le doute demande autant, voire plus de métier que la preuve. « Il faut savoir douter où il faut, assurer où il faut, en se soumettant où il faut. Qui ne fait ainsi n’entend pas la force de la raison », écrit Pascal.

Accepter des vérités
La science ne vit pas seulement de remises en question mais aussi de consensus. D’ailleurs, dans sa pratique, un scientifique accepte plus de vérités qu’il n’en démontre, ne pouvant maîtriser l’intégralité des connaissances produites. Et quand une part d’incertitude accompagne ses modèles, celle-ci est rationnellement évaluée.

Les rédacteurs des rapports du Giec ont dressé la liste des principaux facteurs d’incertitude : la variabilité naturelle du climat, les choix socio-économiques des États et l’imperfection de nos outils scientifiques et techniques. Ils ont même inventé un langage pour qualifier et quantifier ce que l’on ignore, affectant à chacun de leurs résultats un niveau de probabilité. La science ne nous a jamais promis des certitudes absolues mais elle ne se contente pas de dire « c’est plus compliqué ». Il y a cinquante nuances de « je ne sais pas » et c’est dans l’estimation de ces nuances que l’on reconnaît la trace du travail scientifique.

Le Giec sait que le contrat de confiance qui lie la science et la société ne va pas de soi. Il tâche donc de rendre publiques et accessibles ses procédures, mais aussi ses tâtonnements. Ce faisant, il s’expose à voir grossir l’armée des apprentis sorciers du doute. Combattre ce risque n’exige pas de croire sur parole ou de renoncer à questionner mais plutôt d’apprendre l’usage du « doute raisonnable » afin de devenir d’authentiques sceptiques.
;)
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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#3

Message par Mirages » 09 janv. 2024, 17:09

C'est bien dit, comme quoi mes aprioris sur La Croix que je ne connais absolument pas...
Oh Papy ! Tu nous as déjà oubliés ?
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Florence
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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#4

Message par Florence » 09 janv. 2024, 18:58

@ Loutre

:fleurs:

@Mirages

Il y a un peu de tout là-dedans, pas que du prêchi-prêcha (qui fait malgré tout trop de volume pour que je fasse davantage que lire ce que ma môman insiste que je regarde et commente).
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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#5

Message par spin-up » 09 janv. 2024, 21:52

Le climatosceptique debat toujours sous forme pyramidale:

Le climat ne se rechauffe pas

Et s'il se rechauffe ce n'est pas a cause des gaz a effets de serre.

Et s'il se rechauffe et que c'est à cause des gaz a effets de serre, ce n'est pas d'origine humaine.

Et s'il se rechauffe a cause des GES qui sont d'origine humaine, ca n'a pas de conséquences graves.

Et s'il se réchauffe a cause de GES d'origine humaines et que ca a des conséquences graves, on ne peut rien y faire.

Et s'il se réchauffe a cause de GES d'origine humaines, que ca a des conséquences graves et qu'on peut faire quelque chose pour l'empecher, bah j'ai pas envie.


Les climatosceptiques ne croient pas en leur discours. Soit ils sont juste dans le déni par flemme de sacrifier du confort, soit le plus souvent c'est juste un marqueur d'identité politique.

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#6

Message par Jean-Francois » 10 janv. 2024, 15:38

spin-up a écrit : 09 janv. 2024, 21:52Les climatosceptiques ne croient pas en leur discours
Et il vaut mieux parler de climatodénialistes même si le terme est moche. Ou de "contraireux" puisque leur but premier est d'utiliser la contradiction comme technique sophistique pour semer le doute.

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#7

Message par Inso » 10 janv. 2024, 18:08

Jean-Francois a écrit : 10 janv. 2024, 15:38
spin-up a écrit : 09 janv. 2024, 21:52Les climatosceptiques ne croient pas en leur discours
Et il vaut mieux parler de climatodénialistes même si le terme est moche. Ou de "contraireux" puisque leur but premier est d'utiliser la contradiction comme technique sophistique pour semer le doute.
J'ai vu récemment le terme de climatoplatiste. J'ai bien aimé :a2:
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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#8

Message par Gwanelle » 11 janv. 2024, 12:07

Mais pourquoi cette question d'avoir confiance ou pas au consensus scientifique est t'elle toujours sur le tapis ?
Quels sont, en vérité, les rôles des savants et des décideurs dans une société qui fonctionne (= qui a un avenir) ?

Le rôle des savants n'est pas de convaincre les décideurs, et le rôle des décideurs n'est pas d'être convaincus mais de prendre des décisions en fonction des rapports d'experts.

Donc pourquoi attend t'on des premiers qu'ils soient convaincants ? et des seconds qu'ils soient convaincus ? C'est ça qui est insupportable, c'est cette attente inutile.
Ôte-toi de mon soleil !

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#9

Message par Jean-Francois » 11 janv. 2024, 12:35

Gwanelle a écrit : 11 janv. 2024, 12:07Le rôle des savants n'est pas de convaincre les décideurs, et le rôle des décideurs n'est pas d'être convaincus mais de prendre des décisions en fonction des rapports d'experts
Dans un sens, vous avez raison. Le rôle premier des scientifiques est de comprendre le monde.

Dans un autre sens, cette compréhension peut avoir un objet autre que le savoir pour le savoir. Une bonne partie de la recherche scientifique est de la recherche appliquée (ingénierie, médecine, etc.) visant à améliorer le sort de l'humanité. Et puis, les scientifiques sont des humains qui subissent les effets négatifs des perturbations climatiques et sont particulièrement à même de deviner comment elles vont s'aggraver. Pourquoi s'attendre à ce qu'ils ne tentent rien pour améliorer leur sort et, par conséquence, celui des autres humains?

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#10

Message par Akine » 12 janv. 2024, 14:36

Gwanelle a écrit : 11 janv. 2024, 12:07 Mais pourquoi cette question d'avoir confiance ou pas au consensus scientifique est t'elle toujours sur le tapis ?
Parce qu'elle est centrale dans la démarche sceptique, la détermination de la validité d'une source étant indispensable au progrès des connaissances personnelles. Cela peut sembler évident pour nous (les habitués du forum) mais ça ne l'est pas forcément pour le grand public, ce qui explique que la communication sur ce thème de la part des milieux scientifiques et zététiques soit cruciale pour contrer la profusion de délires plus ou moins plausibles qui saturent les diverses sphères informationnelles.

Il ne suffit pas de savoir raisonner "dans l'abstrait" pour obtenir une certitude quant à la véracité d'une conclusion, vu qu'il faut des bases pour "ancrer" nos prémisses et les rendre exploitables... (Bases qui ne peuvent provenir que d'une connaissance expérientielle, donc sujette à biais idéologiques ou non, erreurs, heuristiques variables et différences entre individus...) Comme une vision interprétative du monde est un objet qui s'auto-propage à de nouveaux sujets, eu égard à la structure tant de l'esprit humain que de la démarche (saine) d'acquisition des savoirs, mieux vaut s'assurer de la solidité de nos hypothèses les plus fondamentales.
spin-up a écrit : 09 janv. 2024, 21:52 Les climatosceptiques ne croient pas en leur discours. Soit ils sont juste dans le déni par flemme de sacrifier du confort, soit le plus souvent c'est juste un marqueur d'identité politique.
On peut tout à fait être dans le déni ou marquer sa position politique tout en croyant sincèrement à un discours fait de toutes pièces.

En fait, je pense que pour beaucoup de personnes, la confiance accordée au milieu scientifique (ou à d'autres institutions) est une question d'affect, bien plutôt que de raison. Lorsque j'argumente avec ma famille ou d'autres sur des questions de ce type (j'ai conscience que je pratique moi-même ce contre quoi je mettrai en garde, c'est-à-dire l'extrapolation à partir de l'expérience vécue, mais tout mon propos est qu'il est justement impossible de s'affranchir entièrement de cette dernière, en tous cas en l'absence d'études rigoureuses sur le sujet, i.e. de prouver logiquement a priori quoi que ce soit qui ne se rapporte pas directement à la logique !), c'est le fait de mettre en avant mon expérience du milieu de la recherche (et donc le fait de savoir que les scientifiques sont pour la majorité mus par la volonté de faire progresser honnêtement le savoir et d'y apporter leur contribution, que la corruption et l'invention de résultats sont exceptionnelles, que la plupart des erreurs sont commises de bonne foi...) qui emporte le plus d'adhésion - et non pas une déduction raisonnée... Alors que ce type de justification n'a aucun poids, ou presque, sur ce forum. Il faut une certaine "discipline" pour accepter de remettre en question ce que l'intuition nous dicte et passer à un style de raisonnement plus scientifique, autrement dit, pour parvenir à un terrain d'accord de "bon sens" le plus ténu possible et construire sur ces bases, raison pour laquelle, parfois, une technique moins rigoureuse mais plus efficace peut être justifiée dans la pratique.

Donc je nuancerais tes propos (qui s'appliquent peut-être aux dénialistes "médiatiques" mais pas à la majorité des individus lambda qui les écoutent) car dans bien des cas, la défiance à l'égard de la science provient d'un ensemble de paramètres (anecdotes, milieu culturel, sensibilité personnelle, expériences du rapport avec autrui, etc.) nettement plus complexe et imprévisible que la posture de principe que tu décris.

Il n'est pas trivial (dans le sens évident, facile à prouver) que des conspirations à grande échelle ne puissent perdurer et porter leurs fruits (l'existence de diverses collusions (Mediator), mensonges (crise des opioïdes), dissimulations (projet Manhattan) et manipulations (lyssenkisme) suggère le contraire, même si ce n'est ensuite que par un pur effet de perspective, de généralisation abstraite et abusive, que le saut extrapolatif vers un complot scientifique global peut advenir). Or, ce qui rend avant tout "impossible" un tel complot, c'est la structure actuelle de la recherche mondiale, le nombre invraisemblable de complices qu'il supposerait, sa complexité, sa lourdeur, etc. autant de traits dont l'acceptation (subjective) repose surtout sur une certaine connaissance/interprétation/expérience de la nature humaine, de la société et de ce que son fonctionnement permet. Connaissance inférentielle et qui est, pour le coup, hautement variable, difficile à appréhender (nos capacités sociales ne nous permettent pas de comprendre intuitivement la dynamique d'un ensemble de millions d'individus), et que viennent parasiter un ensemble d'affects difficilement modulables. Dans ce contexte, l'attribution de la charge de la preuve* ne paraîtra plus si tranchée à qui considère par exemple que l'état par défaut du monde est dominé par la trahison, le mensonge et le népotisme**.

Je ne prétends pas que l'éducation au scepticisme doit être secondaire, ni ne nie l'importance des compétences logiques et scientifiques dans la lutte contre les idées contrefactuelles, mais je ne peux m'empêcher de penser que si ce type de démarche a du mal à trouver une résonance auprès du grand public (au moins la partie "sensible" aux zozoteries), c'est qu'elle ne remet pas en cause les raisons profondes qui sont mises en avant pour que des individus, pourtant tout à fait capables de raisonner par ailleurs, adhèrent à ce type de propos.

*Phénomène relaté de façon particulièrement saillante par l'article que nous fournissent Florence et Loutre : les problèmes de la confiance "par défaut" et de la charge de la preuve apparaissent dans un débat dès que les modèles du monde des participants entrent en conflit trop direct (même entre sceptiques...)
**Raison pour laquelle je ne tiens aucune rigueur intellectuelle à un ancien ami libanais, pourtant doctorant en informatique, qui soupçonnait dans chaque événement à portée internationale, ou presque, une entente sordide et secrète entre grandes puissances...

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#11

Message par spin-up » 13 janv. 2024, 11:54

Akine a écrit : 12 janv. 2024, 14:36 Donc je nuancerais tes propos (qui s'appliquent peut-être aux dénialistes "médiatiques" mais pas à la majorité des individus lambda qui les écoutent) car dans bien des cas, la défiance à l'égard de la science provient d'un ensemble de paramètres (anecdotes, milieu culturel, sensibilité personnelle, expériences du rapport avec autrui, etc.) nettement plus complexe et imprévisible que la posture de principe que tu décris.
Je ne pense pas que le climato-dénialisme soit principalement une question de mefiance envers la science ou les scientifiques.

Les mêmes personnes qui sont climatosceptiques étaient prêtes à se gaver d'hydroxychloroquine parcequ'un type en blouse blanche inspiré par des scientifiques chinois leur promettait une solution miracle au COVID.

Ce n'est pas de la méfiance de ne remettre en question des faits que quand ils sont dérangeants ou inconfortables et d'accepter aveuglément ceux qu'on aime entendre.

Personnellement, j'ai de la méfiance envers les scientifiques. Parce que c'est mon domaine, et je sais que la fraude, les biais et les erreurs y sont très fréquents. Je suis sceptique devant la plupart des annonces sensationnelles, comme recemment quand ont été annoncés un nouveau traitement contre Alzheimer ou un supraconducteur a temperature ambiante.
Je ne suis pas climatosceptique ou antivax pour autant.

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#12

Message par Akine » 13 janv. 2024, 12:58

spin-up a écrit : 13 janv. 2024, 11:54 Je ne pense pas que le climato-dénialisme soit principalement une question de mefiance envers la science ou les scientifiques.

Les mêmes personnes qui sont climatosceptiques étaient prêtes à se gaver d'hydroxychloroquine parcequ'un type en blouse blanche inspiré par des scientifiques chinois leur promettait une solution miracle au COVID.
Disons que ça fait partie de ce que j'ai pu constater. Ce n'est peut-être pas représentatif de l'attitude de la population globale, d'autant que dans certains pays (USA) la polarisation politique a atteint un tel degré que le mécanisme de marquage d'identité et d'orientation idéologique que tu mentionnes est peut-être dominant. Dans tous les cas, la méfiance est présente et accompagne les convictions (le sens de la causalité seulement est le sujet de notre désaccord).

Lorsque je parlais de défiance, je faisais plutôt référence à celle envers les institutions et par extension la méthode*. Les pseudo lanceurs d'alerte le savent et s'en servent (le gourou marseillais se distancie explicitement de la méthode scientifique, et le revendique...). Bref, j'en viens plutôt à penser que c'est un noyau de complotisme général plus ou moins nettement formulé qui conduit les individus à renverser la charge de la preuve quand vient le moment de croire ou non au consensus scientifique. Il y a évidemment des effets de groupe et de contamination idéologique, mais la présence de réticences ou de négationnisme isolés chez des individus par ailleurs plutôt raisonnables et mesurés dans leurs convictions me conduit à formuler cette hypothèse.

Si je te comprends, tu as confiance dans le processus de peer-review (donc en la communauté et ses règles) plutôt qu'en les individus qui lui permettent de fonctionner. Cette conviction repose sur ta connaissance de celui-ci (et sur ton expérience de première main quant à son efficacité, ainsi que sur celle des savoirs académiques que tu possèdes). Elle est cependant relativement difficile à acquérir pour le public qui n'en est pas familier.

*Ses causes me paraissant en partie relever du lien perçu (et exagéré jusqu'à l'assimilation) entre pouvoir, technocratie et monde scientifique (souvent utilisée comme caution de manière plus ou moins fallacieuse par les premiers)...

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#13

Message par Numéro 6 » 14 janv. 2024, 21:33

Jean-Francois a écrit : 11 janv. 2024, 12:35Dans un sens, vous avez raison. Le rôle premier des scientifiques est de comprendre le monde.
Je chipote, mais c'est plutôt "Comprendre comment le monde fonctionne".
Les scientifiques donnent des équations pour calculer et prédire ce qui va se passer, mais jamais le pourquoi, seulement le comment.
Ni la gravité de Newton, ni la relativité générale d'Einstein n'expliquent pourquoi la matière attire la matière, elles ne font que dire comment ça se passe avec un précision différente dans les deux cas.

Maintenant, au niveau de l'argument d'autorité, même si c'est mal considéré dans l'esprit critique, il faut quand même avouer que dans des domaines trop pointus, on n'a pas le choix, et qu'on doit s'appuyer sur un consensus. Toutefois, on ne pourra jamais affirmer que c'est la vérité, juste que c'est la solution la plus précise au jour J.
De toute façon, en science, il n'y a jamais eu de vérité, on n'a jamais fait qu'affiner la prédiction.
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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#14

Message par Jean-Francois » 14 janv. 2024, 21:53

Numéro 6 a écrit : 14 janv. 2024, 21:33Les scientifiques donnent des équations pour calculer et prédire ce qui va se passer, mais jamais le pourquoi, seulement le comment
Je suis pas mal d'accord sur le fond. La précision est peut-être utile mais je n'en suis pas totalement convaincu, cependant, en l'absence du moindre corpus théorique ou simplement intellectuel qui permette de comprendre un "pourquoi" existentialiste. Le "comment" auquel répond la science est pas mal un "pourquoi" ou un "parcequoi" avec l'admission que la chaine des "parce que" est incomplète (contrairement à certains religieux qui pensent que "c'est la volonté de Dieu c'est comme ça" est une réponse satisfaisante) ;)
De toute façon, en science, il n'y a jamais eu de vérité, on n'a jamais fait qu'affiner la prédiction
C'est plus vrai dans certains domaines scientifiques que d'autres. Il y a des faits suffisamment bien testés, retestés, rereretestés pour qu'ils soient considérés comme des vérités, au minimum dans leur domaine de validité. Par exemple, il difficile de voir comment on pourrait arriver à penser que l'oxygène n'est pas nécessaire à la respiration humaine.

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#15

Message par Wooden Ali » 17 janv. 2024, 11:06

Jean-François a écrit :Le "comment" auquel répond la science est pas mal un "pourquoi" ou un "parcequoi" avec l'admission que la chaine des "parce que" est incomplète (contrairement à certains religieux qui pensent que "c'est la volonté de Dieu c'est comme ça" est une réponse satisfaisante) ;)
Tout à fait d'accord. L'avantage d'aborder une problématique par un "comment ?" est qu'il rend caduc bien des "pourquoi ?" Exemple :" pourquoi je suis malade et pas toi ? " entraine inéluctablement vers des réponses métaphysiques (parce que c'est la volonté de Dieu, par exemple) sans lien avec une vérité réellement partageable. Alors que "comment je suis malade ? " entraine des réponses objectives rendant inutile toute spéculation métaphysique. Le champ des "pourquoi ? " rétrécit à la mesure des réponses au "comment ? "
Les réponses aux "pourquoi ? " sont, par essence, clivantes et sources de conflits. Celles aux "comment ? " (la démarche scientifique) beaucoup moins car elle portent en elles les possibilités de lever les désaccords qui pourraient apparaitre.
Dans l'angoissante et inextricable question que posait Fernand Raynaud : "Pourquoi les vaches ont des cornes et les chevaux n'en ont pas ? ", il suffit de remplacer "pourquoi? " par "comment ? " pour la rendre triviale et source de vérité acceptable par tous.
Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances. Marcel Proust

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#16

Message par Numéro 6 » 20 janv. 2024, 22:22

Jean-Francois a écrit : 14 janv. 2024, 21:53Je suis pas mal d'accord sur le fond. La précision est peut-être utile mais je n'en suis pas totalement convaincu, cependant, en l'absence du moindre corpus théorique ou simplement intellectuel qui permette de comprendre un "pourquoi" existentialiste. Le "comment" auquel répond la science est pas mal un "pourquoi" ou un "parcequoi" avec l'admission que la chaine des "parce que" est incomplète (contrairement à certains religieux qui pensent que "c'est la volonté de Dieu c'est comme ça" est une réponse satisfaisante) ;)
C'est une question de point de vue, la gravité de Newton n'a jamais dit pourquoi la pomme tombait, mais juste comment.
Celle d'Einstein n'a jamais dit pourquoi la masse courbait l'espace, mais comment.
C'est même pire en physique quantique.
Je n'ai jamais considéré la science du "comment" comme un "pourquoi".
C'est plus vrai dans certains domaines scientifiques que d'autres. Il y a des faits suffisamment bien testés, retestés, rereretestés pour qu'ils soient considérés comme des vérités, au minimum dans leur domaine de validité. Par exemple, il difficile de voir comment on pourrait arriver à penser que l'oxygène n'est pas nécessaire à la respiration humaine.
Bien sûr, il n'y a pas de doute sur le fait que l'oxygène est nécessaire à la respiration humaine.
Sur ce point tu as raison.
Mais on n'est plus dans les théories de science fondamentale.
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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#17

Message par Jean-Francois » 20 janv. 2024, 22:46

Numéro 6 a écrit : 20 janv. 2024, 22:22
C'est plus vrai dans certains domaines scientifiques que d'autres. Il y a des faits suffisamment bien testés, retestés, rereretestés pour qu'ils soient considérés comme des vérités, au minimum dans leur domaine de validité. Par exemple, il difficile de voir comment on pourrait arriver à penser que l'oxygène n'est pas nécessaire à la respiration humaine.
Bien sûr, il n'y a pas de doute sur le fait que l'oxygène est nécessaire à la respiration humaine.
Sur ce point tu as raison.
Mais on n'est plus dans les théories de science fondamentale
C'est bien pourquoi j'ai commencé par "c'est plus vrai dans certains domaines que d'autres". Il y a des pans de la science pour lesquels il n'est pas faux de dire qu'il existe des vérités. La science n'est pas juste la physique fondamentale.

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Re: Doute, climatoscepticisme vs GIEC

#18

Message par Inso » 21 janv. 2024, 10:31

À propos des climato-dénialistes, le CCDH (Center forCountering Digital Hate) a réalisé une étude en analysant l'évolution des arguments climato-dénialistes sur les réseaux sociaux.
Il en ressort que le "nouveau dénialisme" l'emporte de plus en plus sur l"ancien dénialisme" :
Image

Voir ce schéma sur les types d'arguments des anciens et des nouveaux :

Image
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