Gwanelle a écrit : 11 janv. 2024, 12:07
Mais pourquoi cette question d'avoir confiance ou pas au consensus scientifique est t'elle toujours sur le tapis ?
Parce qu'elle est centrale dans la démarche sceptique, la détermination de la validité d'une source étant indispensable au progrès des connaissances personnelles. Cela peut sembler évident pour nous (les habitués du forum) mais ça ne l'est pas forcément pour le grand public, ce qui explique que la communication sur ce thème de la part des milieux scientifiques et zététiques soit cruciale pour contrer la profusion de délires plus ou moins plausibles qui saturent les diverses sphères informationnelles.
Il ne suffit pas de savoir raisonner "dans l'abstrait" pour obtenir une certitude quant à la véracité d'une conclusion, vu qu'il faut des bases pour "ancrer" nos prémisses et les rendre exploitables...
(Bases qui ne peuvent provenir que d'une connaissance expérientielle, donc sujette à biais idéologiques ou non, erreurs, heuristiques variables et différences entre individus...) Comme une vision interprétative du monde est un objet qui s'auto-propage à de nouveaux sujets, eu égard à la structure tant de l'esprit humain que de la démarche (saine) d'acquisition des savoirs, mieux vaut s'assurer de la solidité de nos hypothèses les plus fondamentales.
spin-up a écrit : 09 janv. 2024, 21:52
Les climatosceptiques ne croient pas en leur discours. Soit ils sont juste dans le déni par flemme de sacrifier du confort, soit le plus souvent c'est juste un marqueur d'identité politique.
On peut tout à fait être dans le déni ou marquer sa position politique tout en croyant sincèrement à un discours fait de toutes pièces.
En fait, je pense que pour beaucoup de personnes, la confiance accordée au milieu scientifique (ou à d'autres institutions) est une question d'affect, bien plutôt que de raison. Lorsque j'argumente avec ma famille ou d'autres sur des questions de ce type
(j'ai conscience que je pratique moi-même ce contre quoi je mettrai en garde, c'est-à-dire l'extrapolation à partir de l'expérience vécue, mais tout mon propos est qu'il est justement impossible de s'affranchir entièrement de cette dernière, en tous cas en l'absence d'études rigoureuses sur le sujet, i.e. de prouver logiquement a priori quoi que ce soit qui ne se rapporte pas directement à la logique !), c'est le fait de mettre en avant mon expérience du milieu de la recherche (et donc le fait de savoir que les scientifiques sont pour la majorité mus par la volonté de faire progresser honnêtement le savoir et d'y apporter leur contribution, que la corruption et l'invention de résultats sont exceptionnelles, que la plupart des erreurs sont commises de bonne foi...) qui emporte le plus d'adhésion - et non pas une déduction raisonnée... Alors que ce type de justification n'a aucun poids, ou presque, sur ce forum. Il faut une certaine "discipline" pour accepter de remettre en question ce que l'intuition nous dicte et passer à un style de raisonnement plus scientifique, autrement dit, pour parvenir à un terrain d'accord de "bon sens" le plus ténu possible et construire sur ces bases, raison pour laquelle, parfois, une technique moins rigoureuse mais plus efficace peut être justifiée dans la pratique.
Donc je nuancerais tes propos
(qui s'appliquent peut-être aux dénialistes "médiatiques" mais pas à la majorité des individus lambda qui les écoutent) car dans bien des cas, la défiance à l'égard de la science provient d'un ensemble de paramètres
(anecdotes, milieu culturel, sensibilité personnelle, expériences du rapport avec autrui, etc.) nettement plus complexe et imprévisible que la posture de principe que tu décris.
Il n'est pas trivial
(dans le sens évident, facile à prouver) que des conspirations à grande échelle ne puissent perdurer et porter leurs fruits
(l'existence de diverses collusions (Mediator), mensonges (crise des opioïdes), dissimulations (projet Manhattan) et manipulations (lyssenkisme) suggère le contraire, même si ce n'est ensuite que par un pur effet de perspective, de généralisation abstraite et abusive, que le saut extrapolatif vers un complot scientifique global peut advenir). Or, ce qui rend avant tout "impossible" un tel complot, c'est la structure actuelle de la recherche mondiale, le nombre invraisemblable de complices qu'il supposerait, sa complexité, sa lourdeur, etc. autant de traits dont l'acceptation (subjective) repose surtout sur une certaine connaissance/interprétation/expérience de la nature humaine, de la société et de ce que son fonctionnement permet. Connaissance inférentielle et qui est, pour le coup, hautement variable, difficile à appréhender
(nos capacités sociales ne nous permettent pas de comprendre intuitivement la dynamique d'un ensemble de millions d'individus), et que viennent parasiter un ensemble d'affects difficilement modulables. Dans ce contexte, l'attribution de la charge de la preuve* ne paraîtra plus si tranchée à qui considère par exemple que l'état par défaut du monde est dominé par la trahison, le mensonge et le népotisme**.
Je ne prétends pas que l'éducation au scepticisme doit être secondaire, ni ne nie l'importance des compétences logiques et scientifiques dans la lutte contre les idées contrefactuelles, mais je ne peux m'empêcher de penser que si ce type de démarche a du mal à trouver une résonance auprès du grand public
(au moins la partie "sensible" aux zozoteries), c'est qu'elle ne remet pas en cause les raisons profondes qui sont mises en avant pour que des individus, pourtant tout à fait capables de raisonner par ailleurs, adhèrent à ce type de propos.
*Phénomène relaté de façon particulièrement saillante par l'article que nous fournissent Florence et Loutre : les problèmes de la confiance "par défaut" et de la charge de la preuve apparaissent dans un débat dès que les modèles du monde des participants entrent en conflit trop direct (même entre sceptiques...)
**Raison pour laquelle je ne tiens aucune rigueur intellectuelle à un ancien ami libanais, pourtant doctorant en informatique, qui soupçonnait dans chaque événement à portée internationale, ou presque, une entente sordide et secrète entre grandes puissances...