jean7 a écrit : 11 mars 2024, 03:57est-il imaginable qu'un milliardaire soit mille fois plus méritant qu'un millionnaire ?
Comment mesurer le mérite ? Cad à dire, à mon sens, comment mesurer ce qu'une personne donnée
apporte à notre société ?
Imaginons, par exemple, que l'on estime approprié de mesurer le mérite d'une personne par la somme des prix que nous sommes prêts à payer sa valeur ajoutée (1), autrement dit, par la valeur (le prix d'achat) que collectivement nous attribuons à ce qui est produit (biens ou services fournis à des personnes, à des collectivités ou à des entités productives). C'est difficile car notre société est très
interconnectée. La somme de tout ce qui est produit n'est pas du tout égale à la somme de ce que produirait individuellement chacun d'entre nous isolément (pas grand chose bien sûr).
A titre d'illustration, si on avait enlevé de notre société les instituteurs, les personnes à l'origine des développements scientifiques, celles à l'origine des développements technologiques, celles à l'origine de l'organisation et du développement des entreprises et celles à l'origine du développement du commerce et qu'on avait ainsi bénéficié de l'
économie réalisée en n'ayant plus à les payer, à mon avis, au mieux, on produirait difficilement de quoi nous nourrir, nous vêtir et nous loger (et encore, sans un mimimum d'organisation type village, je pense que les survivants seraient peu nombreux).
Doit-on, pour autant, considérer que la
différence de valeur ajoutée crée par l'absence de ces acteurs mesure leur mérite et qu'on devrait donc leur attribuer la différence ? Non car les autres personnes participent
elles aussi à la création de richesse même si leur rôle est moins déterminant (notamment car cela est compensé par leur nombre)...
...et pourtant, dans certains métiers, c'est exactement cette notion de "mérite" (mesuré par ce à quoi nous décidons d'attribuer un prix) qui préside à la rémunération. Je pense à différents métiers se traduisant par des manifestations/services/spectacles rencontrant un
large public (induisant de nombreuses rentrées d'argent remunérant un mérite mesuré par la valeur/prix que nous attribuons au service rendu).
Pour ma part, je ne sais pas si une rénumération strictement
proportionnelle au mérite, mesuré par le prix que nous sommes prêts à payer ce que produit ce mérite, est la meilleure des solutions (mais le choix de meilleures solutions + un large accord sur ces choix n'est pas évident non plus). Je crains que l'on se trompe de critère. La bonne question me semble plutôt être celle-ci :
- quelles sont les valeurs que nous aurions intérêt à privilégier ?
- Quelles sont les priorités que nous aurions intérêt à promouvoir pour atténuer les profonds dysfonctionnements qui abiment notre société, font le malheur de nombreuse personnes (Guerres, problèmes de santé, malnutrition, insécurité...) et mettent en danger l'avenir de notre planète.
Notre vigilance me semble en partie déformée par un
système de valeurs nous éloignant parfois des vrais problèmes (2) et déformant souvent notre analyse de ces problèmes (3):
- d'une part en surestimant certaines causes, en en sous-estimant d'autres,
- d'autre part en tendant à affecter à nos catégories de coupables préférées des causes pour lesquelles notre participation/complicité est en fait importante, voir déterminante pour donner lieu aux nuisances que nous déplorons.
(1) Et en plus
sans nous tromper, par exemple en pensant qu'une activité est peu productive alors qu'elle est déterminante pour la réussite de l'activité d'un groupe de personnes donné dans un cadre donné.
Je prend un exemple qui ne choquera probablement personne, celui d'un soudeur s'avérant être le seul, dans une entreprise pourtant de bonne taille, à réaliser certaines soudures très difficiles, ces soudures étant incontournables pour les produits fabriqués par cette entreprise (on pourrait donner de nombreux autres exemples).
De nombreux biais, notamment culturels, sont susceptibles de grandement fausser cette évaluation. Certaines professions, moins aimées que d'autres (pour des raisons subjectives), peuvent se voir attribuer une valeur/mérite très inférieure à leur valeur mesurée en termes de participation à un gain collectif (sans qu'il soit facile de la séparer des autres participations. Que ferait tout seul notre excellent soudeur ou notre excellent chef d'entreprise ou d'une grande organisation commerciale sans l'entreprise ou l'organisation lui permettant de valoriser ses talents).
(2) Ceux qui coûtent des vies humaines ou des vies malheureuses ou encore mettent en danger l'avenir de notre planète.
(3) Pour des raisons dont nous ne sommes pas toujours conscients, des raisons trouvant selon moi, pour une bonne part, leur origine dans un système de valeurs (à revoir) bien plus partagé que nous n'avons tendance à le croire.