Gwanelle a écrit : 23 mai 2024, 08:38En lisant la page wikipédia sur le principe de Mach (une
conjecture en fait) qui énonce que
toute accélération est relative (autrement dit si on ne sait pas déterminer localement par rapport à quoi un objet accélère alors il accélère par rapport aux "étoiles fixes", c'est à dire celles qui nous semblent fixes tellement elles sont éloignées de nous)
Je rajoute à ta remarque, une remarque complémentaire.
James F. Woordard, principe de Mach, origine de l'inertie, T-symétrie et retrocausalité des interactions gravitationnelles
James F. Woodward a mis en évidence la possibilité de réconcilier le
principe de Mach avec la
Relativité Générale (cf.
The origin of inertia). En effet, Woodward fait remarquer (et il cite
Dennis Sciama 1953 en appui de sa proposition) que l'on peut avoir une
interprétation de l'inertie qui soit à la fois :
- respectueuse du principe de Mach. On accélère forcément par rapport à quelque chose et ce quelque chose (cf. le seau de Newton évoqué par thewild notamment), il est tentant de penser, selon le principe de Mach, que c'est le contenu énergie-matière de l'univers (le poulpe de référence comme se plaisait à le désigner Einstein)
.
- respectueuse de la symétrie T de l'interaction gravitationnelle
.
- respectueuse de l'invariance locale de Lorentz de l'interaction gravitationnelle
.
- de nature gravitationnelle (la force d'inertie est interprétée par Woodward comme une interférence entre ondes gravitationnelles avancées et ondes gravitationnelles retardées)
Les corrélations T-symétriques seraient-elle des interactions pouvant remonter le temps en violation du principe de causalité ?
La 1ère fois que j'ai vu ce travail de Woodward (en 2000), je n'y ai pas cru. J'ai considéré l'approche time-symmetric de l'inertie proposée par Woodward (1) comme présentant un caractère mathématiquement cohérent mais physiquement fantaisiste.
En bon réaliste que j'étais à l'époque, j'interprétais l'interaction entre :
- ondes gravitationnelles retardées se propageant du présent vers le futur (en direction de l'ensemble du contenu énergie-matière de l'univers)
.
- et ondes gravitationnelles avancées se propageant du futur vers le présent (émises en réponse à cette excitation)
comme une
violation du principe de causalité. J'étais (à l'époque, et ça a duré plus de 10 ans) très attaché à une interprétation réaliste,
objective, du principe de causalité. J'attribuais à ce principe un caractère de
loi fondamentale de la nature ne devant absolument rien à
l'observateur et rien à ses limitations d'accès
à l'information.
Peut-on se servir de corrélations time-symmetric pour provoquer un effet grâce à la préparation d'une cause remontant le temps ?
Quand un observacteur
- d'une part a connaissance de corrélations systématiques entre des effets 1 et des effets 2, par exemple entre mesures quantiques dites fortes et mesures quantiques dites faibles,
.
- d'autre part peut préparer un effet 1, par exemple sélectionner des spins 1/2 en état de spin up (suite à des mesures quantiques fortes de spin vertical) car il dispose des informations requises pour cela.
L'observacteur peut alors se servir de l'effet 1 comme cause provoquant l'effet 2.
En sélectionnat des spins 1/2 en état de spin up, notre action peut servir de cause pour provoquer des résultats de mesure faible de spin up. Toutefois, quand on poursuit l'analyse, on constate (sans surprise) qu'il ne peut
pas se servir "d'effets time-symmmetric en leur faisant remonter le temps".
Pourquoi est-ce impossible en fait ?
Parce que l'observacteur n'a pas de connaissances
du futur.
Dans notre exemple, visant à exploiter la corrélation mesures fortes-mesures faibles dans un sens rétrocausal, l'observacteur ne peut pas le faire. En effet, au moment où l'observacteur procède, par exemple, à des mesures faibles de spin horizontal, l'observacteur ne peut pas se servir des résultats de mesure fortes postérieures de spin horizontal right obtenus par post-selection (en sélectionnant les spins 1/2 en état de spin horizontal right) pour provoquer, avant post-sélection, des résultats de mesure faible de spin right.
Il ne peut pas sélectionner les spins 1/2 en état ultérieur de spin horizontal right car il n'a pas connaissance des ces résultats futurs. Elle est là la protection du principe de causalité (interprété comme propre à l'observacteur). Cette impossibilité de transformer une corrélation en action rétrocausale est une conséquence directe de nos limitations d'accès à l'information, notre
ignorance des évènements
futurs. Elle est là, en fait, l'origine du principe de causalité.
L'observacteur ne dispose donc pas des informations qui lui permettraient de se servir de ces ondes gravitationnelles avancées provenant du futur pour provoquer un effet à l'instant présent.
Evidemment une
objection à cet argument (d'apparence profondément illégitime en 1ère approche) fuse à la vitesse de la lumière.
C'est absurde, les causes naturelles agissent dans un sens conforme au principe de causalité
C'est absurde ! Les causes naturelles agissaient déjà dans un sens conforme au principe de causalité bien avant qu'un singe un peu plus malin que les autres ne se dresse sur ses 2 pattes de derrière. Une cause peut très bien être une cause
naturelle, ne devant strictement rien aux observacteurs, car ayant agi, par exemple, bien avant qu'ils n'existent. Comment refuser à l'
astéroide de Chicxulub, dont la chute a provoqué en 30 000 ans l'extinction des dinosaures il y a
66 millions d'années, un caractère de cause de cette extinction... ...soyons un peu sérieux !
Solidité de l'objection à l'attribution du principe de causalité à l'ignorance du futur par une famille d'observateurs
(les êtres vivants en fait, et non pas seulement la nombriliste classe des êtres humains)
...Voui mais (selon moi) il s'agit là d'une piège assez Sioux de type projection
anthropocentrique implicite.
Quand nous
interprétons un phénomène physique comme une cause naturelle objective provoquant un effet naturel tout aussi objectif, nous projetons sur la nature (sans même le réaliser) un rôle implicite d'observacteur (qu'elle n'a pas).
En effet, un observacteur peut
se servir d'une corrélation cause-effet pour provoquer un effet souhaité seulement s'il
détient des informations sur "la cause" dont il veut se servir (2). C'est possible seulement si les
informations caractérisant cette cause sont
accessibles à l'observacteur. Pour cela, ces informations doivent être irréversiblement enregistrées dans des
traces du passé (nous n'avons pas d'accès stable, décodable et reproductiblement lisible aux traces du futur). C'est donc possible seulement si le phénomène dont l'observacteur veut se servir comme cause, précède dans le temps, l'effet qu'il veut provoquer.
En prétant un caractère d'enchaînement cause-effet à une succession d'évènements, dans le sens passé-futur, liés les un aux autres par des relations de corrélation, nous
projetons sur la nature (sans le réaliser) notre façon d'agir en tant qu'
observacteurs et une notion d'information propre aux traces du passé émergeant de
notre grille de lecture d'observacteur macroscopique.
Une interprétation positiviste du principe de causalité évite d'attribuer aux corrélations time-symmetric un caractère de cause pouvant remonter le temps
Quand on adopte l'interprétation positiviste du principe de causalité, la modélisation explicitement time-symmetric des interactions gravitationnelles proposée par Woodward (3) respecte le principe de Mach (pas d'inertie dans un univers vide car sans référentiel par rapport auquel définir une accélération) et 2 autres symétries fondamentales de la physique
sans aucunement
violer le
principe de causalité...
...dès lors que l'on prend en compte le rôle que joue l'absence de traces du futur (décodables et reproductiblement lisibles) qui soient accessibles à l'observacteur. C'est (selon moi) de notre
absence d'accès à des traces du futur qu'émerge le principe de causalité.
Les
succès de la
modélisation time-symmetric de la physique quantique, procédant de la même démarche (la prise en compte explicite d'une symétrie fondamentale : la symétrie (CP)T. Elle permet une modélisation time-symmetric d'un phénomène pourtant emblématique de l'assymétrie temporelle :
la mesure quantique) devraient nous inciter à surmonter nos préjugés reposant sur une intuition classique parvenant à se cacher habilement à nos propres yeux.
(1) L'approche de Woodward est d'ailleurs très similaire à l'interprétation time-symmetric de l'électromagnétisme un temps proposée par Wheeler et Feynman dans leur
absorber theory (avec interférence entre ondes e.m. avancées et ondes e.m. retardées). Cette approche est très similaire aussi au handshake de John Cramer dans son
interprétation dite transactionnelle de la physique quantique.
(2) La notion d'information est indissociable des traces du passé émergeant de notre grille de lecture d'observacteur macroscopique, cf.
Incomplete description and relevant entropies.
(3) A rapprocher aussi de la formulation time-symmetric de la mesure quantique par les Aharavnov, Vaidman, Popsecu, Tollaksen et consort dont on connait les très beaux succès expérimentaux (cf.
Weak measurement and its experimental realisation). Cette formulation time-symmetric de la mesure quantique donne lieu à la même tendance à interpréter ces effets time-symmetric comme présentant un caractère rétrocausal (cf.
Can a future choice affect a past measurement's outcome ?). Cela découle (selon moi) de l'interprétation réaliste des weak measurements que privilégient ces physiciens (cf.
Weak mesurement elements of reality, Vaidman).
Avec tout le respect que j'ai pour ces travaux de très haut niveau (qui plus est sanctionnés par de belles réussites expérimentales), cette interprétation réaliste prend sa source, selon moi, dans la
culture scientifique réaliste dont la physique du 19ème siècle nous a imprégnés. Cette culture scientifique a été violemment percutée par les avancées extraordinaires que sont la relativité d'une part et, largement pire encore, la physique quantique. Notre culture scientifique
fin 19ème, fortement teintée de réalisme, nous n'en sommes (à mon sens) pas encore suffisamment détachés (un changement de paradigme ça ne se fait pas en 10 ans).