Mais, dirons nos amis zozos, et si la bonne explication n'était pas testable empiriquement ? En toute objectivité, on ne peut pas le nier. Il se pourrait, en effet, que la cause réelle d'un phénomène soit non testable empiriquement, autrement dit, qu'elle soit transcendante. En l'occurence, on ne peut pas nier que les explications de la science ont parfois des lacunes. Le néodarwinisme, par exemple, explique beaucoup de choses, mais il n'explique pas tout. Faut-il faire intervenir une cause transcendante (Dieu, les esprits, le point Oméga, etc.) pour boucher les trous explicatifs ? Ce serait une stratégie tentante, à laquelle succombent trop souvent les zozos.
Je leur répondrai simplement ceci : et si l'erreur était de vouloir tout expliquer à tout prix ? En effet, face à un phénomène, il existe toujours trois possibilités :
1°) le phénomène a une cause immanente : par cause immanente, il faut entendre une cause située dans notre monde, une cause que l'on peut identifier et étudier, c'est-à-dire une cause observable, avec laquelle on peut interagir, une cause que l'on peut expérimenter.
2°) le phénomène a une cause transcendante : par cause transcendante, il faut entendre une cause située dans un aspect du réel inaccessible, par principe, à notre investigation, donc une cause que l'on ne peut identifier et étudier, une cause inobservable, avec laquelle on ne peut pas interagir, une cause que l'on ne peut pas expérimenter.
3°) le phénomène n'a pas de cause : on néglige trop souvent cette possibilité, cela paraît impossible qu'il n'y ait pas une cause pour tout, pourtant, manifestement, Tout (avec une majuscule) - comprendre l'espace-temps considéré dans sa globalité - n'a pas de cause. Sinon cette cause serait quelque chose extérieur à Tout, et Tout ne serait donc pas tout. On a donc démontré qu'il existe au moins un phénomène sans cause. S'il en existe au moins un, alors il est possible qu'il en existe plusieurs. En revanche, il n'est pas démontré qu'il existe ne serait-ce qu'au moins un phénomène avec une cause transcendante ; et pour cause, puisqu'une telle cause transcendante éventuelle serait indémontrable, pour au moins deux raisons :
a) une cause transcendante se situe dans une réalité inaccessible à l'investigation (cf. la définition du point 2°))
b) une cause transcendante est fonctionnellement équivalente, de notre point de vue, à une absence de cause.
Par conséquent, il semble toujours préférable, face à un phénomène que l'on ne parvient pas à expliquer, de considérer que ce phénomène est sans cause, plutôt que de lui affubler une cause transcendante. De plus, il existe une infinité de causes transcendantes possibles, alors qu'il n'y a qu'une seule manière de ne pas avoir de cause, qui est... de ne pas avoir de cause

Bien sûr, dire d'un phénomène que l'on n'arrive pas à expliquer qu'il est sans cause, c'est encore faire de la métaphysique, mais de la métaphysique minimale, par défaut, qui suffit ou devrait suffire à calmer l'angoisse liée à l'incompréhension et le déferlement fantaisiste d'explications transcendantes de ceux qui veulent à tout prix boucher les trous de notre ignorance par un appel à des forces surnaturelles.
De toute façon, il convient de remarquer que les explications métaphysiques (acausales ou transcendantes) peuvent malgré tout demeurer quand bien même l'on dispose d'une explication scientifique valable, ce qui devrait souligner que ces explications ne sont pas du même ordre et donc que la science ne peut pas plus cautionner une démarche métaphysique lorsqu'elle ignore quelque chose que lorsqu'elle le connaît. En effet, la cause immanente - mise en évidence scientifiquement - d'un phénomène, peut toujours être considérée comme le moyen utilisé, par une entité transcendante, pour produire ce phénomène. On passera ainsi, par exemple, d'un Dieu créateur de tout en 6 jours il y a 10 000 ans, à un Dieu créateur de tout de manière echelonnée dans les temps géologiques, puis à un Dieu qui manipule les mutations pour diriger l'évolution, puis à un Dieu qui fixe les conditions initiales lors du Big Bang, etc. Au fur et à mesure que la science progresse, la représentation de l'action du Dieu (des trous) évolue, mais Lui, demeure, comme hypothèse métaphysique possible. La raison en est que quel que soit l'avancement de notre connaissance, il y aura toujours des choses que nous ignorerons, des choses qui, par principe même, sont inconnaissables.
C'est d'ailleurs aussi pourquoi les hypothèses métaphysiques sont scientifiquement inutiles, car elles ne peuvent pas être le moins du monde influencée par l'évolution de la science, tout au plus adaptées pour mieux épouser en creux ses résultats, jusqu'à rejoindre le domaine de l'inconnaissable. Là je parle de ce qui se passe dans le meilleur des cas. Dans le pire, hélas, on voudra nier les faits de la science pour imposer une vision métaphysique qui n'a pas à intervenir dans sa démarche propre.
Miky