Bonsoir,
Je voulais juste signaler une nouvelle découverte en passe d'être publiée dans Nature.
Un peu plus d'eau - si j'ose dire - au moulin de l'évolutionnisme.
Bruno
Les fossiles continuent de parler
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Re: Les fossiles continuent de parler
Eh bien merci, je n'étais même pas au courant 
Je suis allé jeter un oeil au matériel qui vient d'être mis en ligne : les auteurs soulignent le degré auquel ce fossile ressemble aux intermédiaires prédits entre Tiktaalik et Acanthostega.
Ce fossile représente la vérification d'une prédiction évolutive, mais on peut en faire encore d'autres. Par exemple, le squelette n'est pas complet : les auteurs ont surtout décrit le crâne et les os de l'épaule mais il manque, par exemple, l'avant-bras. En fait, normalement, les poissons n'ont pas d'avant-bras (c'est-à-dire un cubitus et un radius accrochés à l'humérus - paradoxalement, ça n'empêche pas d'avoir des nageoires, il suffit d'ajouter des rayons au bout). Même le coelacanthe n'en a pas de bien définis. Cependant, les Sarcoptérygiens au milieu desquels ce poisson tombe sur l'arbre évolutif (et qui sont connus par une bonne quantité de squelettes complets) et qui sont, d'une façon générale, très "tétrapodomorphes" possédaient tous des avant-bras. Ca permet de faire une prédiction : si le squelette complet de ce poisson est découvert, il en aura très probablement lui aussi.
Cela dit, il n'y a pas que les fossiles qui parlent : dans le même numéro de Nature, il y a un article sur la façon dont la structure quaternaire des protéines évolue : des scientifiques israéliens ont examiné les différentes modes évolutifs possibles d'apparition d'une protéine homomérique (composée de plusieurs sous-unités identiques). Ils ont classifié les différentes façons dont une telle protéine pouvait apparaître dans l'évolution à partir de sous-unités isolées, ont comparé des protéines dans différents taxons (par exemple, l'adénylyl-transférase est dimérique chez la bactérie Bacillus subtilis mais hexamérique chez l'homme) et en ont tiré des conclusions sur la façon dont ces multimères étaient apparus dans l'évolution. Or, l'évolution ne peut pas faire n'importe quelle structure à partir de n'importe laquelle : il y a des contraintes, et ces contraintes leur ont permis de formuler des prédictions sur l'ordre d'assemblage (jusqu''alors inconnu) des sous-unités de ces protéines qu'ils ont ensuite testées en déterminant cet ordre par des techniques physico-chimiques. Dans 91 % de cas, l'ordre d'assemblage observé était cohérent avec la trajectoire évolutive reconstituée ; c'est un exemple tout aussi joli - mais dans un autre domaine - de la façon dont les concepts évolutifs permettent d'interpréter les données disponibles sous un angle nouveau, d'orienter les recherches, de faire des prédictions précises et de les vérifier.
On peut ajouter un détail sur la structure multimérique des protéines. Dans le cas de l'enzyme que j'ai citée, la protéine humaine est composée de trois simili-"protéines bactériennes" assemblées entre elles. Ce n'est pas un cas isolé : on considère en général que les eucaryotes possèdent, peu ou prou, les mêmes protéines que les bactéries mais ont bien davantage tendance à les assembler en gros complexes plutôt qu'à les maintenir isolées. Ces gros complexes sont en effet capables d'adaptation très rapide aux changements de l'environnement, par modification coordonnée des différentes sous-unités (un phénomène appelé allostérie) - mécanisme dont les bactéries se passent très bien car elles peuvent réagir très vite aux variations du milieu en activant/réprimant l'expression des gènes. Chez les eucaryotes, la synthèse des protéines est beaucoup plus lente et une telle "réactivité génétique" serait difficilement envisageable, mais cet inconvénient est compensé par la synthèse d'un surplus de protéines multimériques, permettant l'allostérie.
Bref, les cellules eucaryotes ont une caractéristique (le noyau) qui possède des avantages (protection et isolement du génome) mais aussi des inconvénients (il faut pouvoir en entrer, en sortir, passer certains filtres... ce qui fait que tout est très ralenti). Ces inconvénients sont contournés par une modification ailleurs (faire des protéines multimériques à partir de protéines monomériques - phénomène dont ces scientifiques viennent de vérifier qu'il reflétait correctement le fonctionnement biochimique de ces protéines). Le monde vivant est plein de compromis et de bricolages où un défaut à un endroit est compensé par une autre modification ailleurs - le tout aboutissant à un organisme, dans l'ensemble, plus efficace. Donc quand on lit que la résistance aux antibiotiques n'a rien à voir avec l'évolution "parce que les mutations qui créent la résistance ont aussi des effets néfastes, qui ne sont compensés qu'en bricolant un peu ailleurs", c'est d'autant plus absurde que c'est très exactement ce que l'on observe : les compromis fonctionnels réels que l'on observe dans la nature sont exactement le type de solutions auquel aboutissent les mécanismes ordinaires de l'évolution. La vie a évolué, et pour cette raison, elle n'est ni parfaite, ni figée : elle fabrique des solutions efficaces avec les moyens du bord. Nos protéines multimériques, issues des protéines monomériques bactériennes, en sont une trace au même titre que les poissons à pattes ou les dinosaures à plumes.

Je suis allé jeter un oeil au matériel qui vient d'être mis en ligne : les auteurs soulignent le degré auquel ce fossile ressemble aux intermédiaires prédits entre Tiktaalik et Acanthostega.
Ce fossile représente la vérification d'une prédiction évolutive, mais on peut en faire encore d'autres. Par exemple, le squelette n'est pas complet : les auteurs ont surtout décrit le crâne et les os de l'épaule mais il manque, par exemple, l'avant-bras. En fait, normalement, les poissons n'ont pas d'avant-bras (c'est-à-dire un cubitus et un radius accrochés à l'humérus - paradoxalement, ça n'empêche pas d'avoir des nageoires, il suffit d'ajouter des rayons au bout). Même le coelacanthe n'en a pas de bien définis. Cependant, les Sarcoptérygiens au milieu desquels ce poisson tombe sur l'arbre évolutif (et qui sont connus par une bonne quantité de squelettes complets) et qui sont, d'une façon générale, très "tétrapodomorphes" possédaient tous des avant-bras. Ca permet de faire une prédiction : si le squelette complet de ce poisson est découvert, il en aura très probablement lui aussi.
Cela dit, il n'y a pas que les fossiles qui parlent : dans le même numéro de Nature, il y a un article sur la façon dont la structure quaternaire des protéines évolue : des scientifiques israéliens ont examiné les différentes modes évolutifs possibles d'apparition d'une protéine homomérique (composée de plusieurs sous-unités identiques). Ils ont classifié les différentes façons dont une telle protéine pouvait apparaître dans l'évolution à partir de sous-unités isolées, ont comparé des protéines dans différents taxons (par exemple, l'adénylyl-transférase est dimérique chez la bactérie Bacillus subtilis mais hexamérique chez l'homme) et en ont tiré des conclusions sur la façon dont ces multimères étaient apparus dans l'évolution. Or, l'évolution ne peut pas faire n'importe quelle structure à partir de n'importe laquelle : il y a des contraintes, et ces contraintes leur ont permis de formuler des prédictions sur l'ordre d'assemblage (jusqu''alors inconnu) des sous-unités de ces protéines qu'ils ont ensuite testées en déterminant cet ordre par des techniques physico-chimiques. Dans 91 % de cas, l'ordre d'assemblage observé était cohérent avec la trajectoire évolutive reconstituée ; c'est un exemple tout aussi joli - mais dans un autre domaine - de la façon dont les concepts évolutifs permettent d'interpréter les données disponibles sous un angle nouveau, d'orienter les recherches, de faire des prédictions précises et de les vérifier.
On peut ajouter un détail sur la structure multimérique des protéines. Dans le cas de l'enzyme que j'ai citée, la protéine humaine est composée de trois simili-"protéines bactériennes" assemblées entre elles. Ce n'est pas un cas isolé : on considère en général que les eucaryotes possèdent, peu ou prou, les mêmes protéines que les bactéries mais ont bien davantage tendance à les assembler en gros complexes plutôt qu'à les maintenir isolées. Ces gros complexes sont en effet capables d'adaptation très rapide aux changements de l'environnement, par modification coordonnée des différentes sous-unités (un phénomène appelé allostérie) - mécanisme dont les bactéries se passent très bien car elles peuvent réagir très vite aux variations du milieu en activant/réprimant l'expression des gènes. Chez les eucaryotes, la synthèse des protéines est beaucoup plus lente et une telle "réactivité génétique" serait difficilement envisageable, mais cet inconvénient est compensé par la synthèse d'un surplus de protéines multimériques, permettant l'allostérie.
Bref, les cellules eucaryotes ont une caractéristique (le noyau) qui possède des avantages (protection et isolement du génome) mais aussi des inconvénients (il faut pouvoir en entrer, en sortir, passer certains filtres... ce qui fait que tout est très ralenti). Ces inconvénients sont contournés par une modification ailleurs (faire des protéines multimériques à partir de protéines monomériques - phénomène dont ces scientifiques viennent de vérifier qu'il reflétait correctement le fonctionnement biochimique de ces protéines). Le monde vivant est plein de compromis et de bricolages où un défaut à un endroit est compensé par une autre modification ailleurs - le tout aboutissant à un organisme, dans l'ensemble, plus efficace. Donc quand on lit que la résistance aux antibiotiques n'a rien à voir avec l'évolution "parce que les mutations qui créent la résistance ont aussi des effets néfastes, qui ne sont compensés qu'en bricolant un peu ailleurs", c'est d'autant plus absurde que c'est très exactement ce que l'on observe : les compromis fonctionnels réels que l'on observe dans la nature sont exactement le type de solutions auquel aboutissent les mécanismes ordinaires de l'évolution. La vie a évolué, et pour cette raison, elle n'est ni parfaite, ni figée : elle fabrique des solutions efficaces avec les moyens du bord. Nos protéines multimériques, issues des protéines monomériques bactériennes, en sont une trace au même titre que les poissons à pattes ou les dinosaures à plumes.
L'ignorance donne plus facilement confiance en soi que la connaissance. Darwin
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