Couleurs aposématiques chez les animaux

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Greem
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Couleurs aposématiques chez les animaux

#1

Message par Greem » 20 janv. 2010, 13:06

Certains animaux arborent des couleurs vives et contrastées, dites aposématiques, qui avertiraient ou blufferaient les prédateurs de sa toxicité. Mais ils me semble que les animaux ne perçoivent pas les couleurs comme nous, une couleur qui nous parait éclatante ne l’est peut-être pas aux yeux d’une grenouille, et quand bien même, en quoi la couleur d’un insecte avertirait en quoi que ce soit ses prédateurs ?

Il me semblent que c'est plus l'Homme qui connote certaines couleurs à la toxicité, les animaux eux s'en foutent, non ? Mais je peux me tromper, je voulais savoir ce qu'il en était réellement, est-ce que certains animaux pressentent vraiment la toxicité d'une proie en voyant certaines couleurs ?

Il y a aussi cette histoire d’ailes de papillons, comme celles du Caligo eurylochus, qui susciterait l’effroi chez ses prédateurs. C’est vrai aussi ça ? Attention, mes questions ne concernent pas l’évolution, mais sur les conséquences de ce genre de caractéristiques sur les prédateurs, je sais pas trop ce que valent ses théories aujourd'hui donc je demande...
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Jean-Francois
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Re: Couleurs aposématiques chez les animaux

#2

Message par Jean-Francois » 20 janv. 2010, 14:15

Greem a écrit :et quand bien même, en quoi la couleur d’un insecte avertirait en quoi que ce soit ses prédateurs ?
De la même manière que vous êtes averti, en regardant un aliment qui vous a rendu malade, que vous n'avez pas très envie de manger cet aliment. Pour cela, il faut effectivement qu'il y ait un lien dans l'"esprit" du prédateur, entre les signes sur la proie potentielle et la toxicité de celle-ci. Ce lien s'apprend soit par l'expérience (le prédateur a été rendu malade par l'ingestion d'une espèce "toxique"*), soit par l'enseignement par les parents ou autre membre du groupe.

D'ailleurs, il bien démontré que les animaux qui recourent au mimétisme batesien (animaux non "toxiques" qui imitent des espèces "toxiques") fréquentent les mêmes aires que les animaux qu'ils imitent. Lorsqu'ils sont dans une aires où les prédateurs ne connaissent pas l'espèce imitée, leur mimétisme ne les avantage pas.
Il me semblent que c'est plus l'Homme qui connote certaines couleurs à la toxicité, les animaux eux s'en foutent, non ?
Non. Les vertébrés diurnes** (dont l'humain, qui est un animal), qui possèdent des yeux suffisamment développés, sont généralement très sensibles aux stimuli visuels dont les couleurs. Les mammifères autres que de nombreux primates*** (dont l'humain) ont une vision des couleurs moins bonne que celle des autres vertébrés, mais ils sont sensibles à certaines couleurs.

S'il est vrai que certaines couleurs éclatantes pour nous ne le sont pas forcément pour d'autres animaux, le contraire est aussi vrai: de nombreux oiseaux possèdent des marques visibles dans l'ultra-violet qui sont éclatantes pour eux mais pas pour nous. Il est vrai que ce que nous remarquons n'est pas forcément ce que remarquent les autres animaux, mais cela ne veut pas dire que les autres animaux ne font pas attention aux couleurs.
Il y a aussi cette histoire d’ailes de papillons, comme celles du Caligo eurylochus, qui susciterait l’effroi chez ses prédateurs. C’est vrai aussi ça ?
Ce genre de marques peut avoir plusieurs fonctions:
- créer une certaine surprise (voire un "effroi") chez le prédateur, ce qui donne le temps au papillon de fuir: chez Caligo, cela peut faire penser à des yeux de chouette ou autre rapace; il y a des chenilles et des papillons qui imitent assez bien la tête de serpents, cela peut avoir un effet dissuasif sur un prédateur potentiel.
- Divertir l'attention du prédateur des zones sensibles de l'animal: si le prédateur attaque la cible la plus visible, en visant sur l'aile il a plus de chance de rater le papillon.

Jean-François

* S'il en meurt, la question de l'apprentissage ne se pose évidemment pas.
** Les animaux nocturnes, eux, se foutent des couleurs, pour des raisons assez évidentes.
** Les singes africains et les grand singes (humain, compris) et certaines espèces diurnes sud-américaines sont trichromatiques - ils possèdent la capacité de percevoir trois couleurs différentes, alors que la majeure partie des mammifères sont dichromatique. Les poissons, amphibiens et reptiles autres que mammifères sont au minimum trichromatiques mais peuvent être tétrachromatiques voire plus.
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Re: Couleurs aposématiques chez les animaux

#3

Message par Greem » 20 janv. 2010, 16:19

Merci pour ta réponse Jean-Francois!

Si je simplifie, les couleurs permettent aux prédateurs de reconnaitre plus facilement leurs proies, mais au lieu d’une couleur que l’animal apprend à reconnaitre, ça aurait pu tout aussi bien être une forme spécifique, ce n’est qu’une question de caractéristiques physiques qui permettent plus ou moins l’identification, et donc de retenir si telle ou telle caractéristiques est synonyme de danger.

Pour ce qui est de la chenille qui imite le serpent j’en avais aussi entendu parler, si la ressemblance est là, elle reste relative et je me demandais si réellement ça avait un impacte sur les prédateurs. J’avais lu un article sur le net (ici : http://svt.ac-bordeaux.fr/ressciences%2 ... epage4.htm) qui disait comme toi que ça "peut avoir un effet dissuasif" sur un prédateur, mais y a t-il des observations de faites ?
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Re: Couleurs aposématiques chez les animaux

#4

Message par Jean-Francois » 21 janv. 2010, 15:34

Greem a écrit :Pour ce qui est de la chenille qui imite le serpent j’en avais aussi entendu parler, si la ressemblance est là, elle reste relative et je me demandais si réellement ça avait un impacte sur les prédateurs
Des expériences classiques en éthologie, par Nikolaas Tinbergen (et Karl lorenz), ont montré que souvent seuls certains caractères étaient importants pour déclencher des comportements. L'exemple le plus connu est celui de la tache rouge sur un faux bec de goéland qui déclenche le comportement de quémandage de nourriture chez le jeune. De nombreuses études ont confirmé ce genre de résultats et montrer qu'une ressemblance très relative est souvent suffisante pour déclencher un comportement car certains éléments sont souvent plus importants que l'ensemble (et c'est aussi valable pour l'humain).
mais y a t-il des observations de faites ?
Oui, depuis le XIXe siècle en fait. Vous pouvez en juger par une recherche sur Pubmed* avec "predation batesian mimicry" qui renvoie 33 articles. Par exemple: Kikuchi & Pfennig (2009) High-model abundance may permit the gradual evolution of Batesian mimicry: an experimental test. Proc Biol Sci.

Jean-François

* Comme elle est axé plus "médicale", Pubmed ne donnera qu'un échantillon limité des articles - compte-rendus primaires d'expériences et revues de littérature -, une recherche sur d'autres banques de données (ISI, Current Contents) devrait donner plus de résultats.
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Re: Couleurs aposématiques chez les animaux

#5

Message par Greem » 21 janv. 2010, 18:22

Merci pour tous ces renseignements, c’est dommage que tout soient en anglais par contre...

Un cas impressionnant de mimétisme batésien est celui de la chenille Leucorampha Ornatus qui se tord sur elle-même pour ressembler à un serpent quand elle se sent menacer (elle tromperait même les hommes : http://memsic.ccsd.cnrs.fr/docs/00/33/4 ... 000484.pdf p28). C’est dommage qu’une telle performance chez une bestiole ne soit quasiment pas référencé sur les pages francophones, voici la seule image que j'ai trouvé sur google :

Image

Faudrait peut-être devancer les arguments des tenants du Dessein Intelligent qui pourraient voir en ces animaux la preuve de leur dessein, à moins que ça soit déjà trop tard...
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