Pierpaf a écrit :Entrevue de trois heures avec Chris Edges auteur de 9 livres dont 'The world as it is' et journaliste
J'ai toujours du mal avec les journalistes qui prétendent nous expliquer le monde tel qu'il est, alors que ce n'est pas leur métier et qu'ils n'ont certainement pas les moyens de le faire
(la sociologie a déjà beaucoup de mal, le journalisme ne risque pas d'y arriver si facilement.)
J'ai encore plus de mal quand ils passent par des raccourcis qui font des puissances d'argents des monstres totalitaires.
Que des corporations prennent de l'importance politique, c'est indéniable, qu'elles aient parfois noyauté le fonctionnement normal de république, c'est aussi indéniable, mais ça n'est ni nouveau, ni signe de l'arrivée d'un totalitarisme.
Il n'y a pas d'un coté la démocratie et de l'autre la dictature, comme on le lit trop souvent dans les éléments de journaux justement, mais toute une gamme de régime politique qui vont de la dictature de la majorité au commandement d'un seul.
Actuellement on assiste d'avantage à une transformation des républiques en oligarchie, c'est à dire qu'ils se crée un groupe d'élite qui organise le pouvoir en son sein et pour elle même, à son avantage d'abord.
Des dizaines de dizaines de régimes politiques ont fonctionné comme ça dans l'histoire (c'est même le régime le plus commun à l'humanité) et ça n'a jamais pour autant été nécessairement à l'origine de dictature ou même de moindre liberté pour les citoyens, si ce n'est que leur pouvoir de décision était réduit par l'illusion entretenue d'une forme de démocratie.
Après, je ne dis pas que c'est une raison pour laisser faire, au contraire, mais ça n'est pas non plus l'arrivée d'une dictature ou d'un coup d'Etat, juste une transformation des sociétés à la conjonction de plusieurs facteurs.
Pour inverser la tendance il faudrait bien plus que chacun se réapproprie le rôle de citoyen et qu'on modifie un certain nombre de lois électorales plutôt que d'aller se battre contre des corporations qui, au final, n'ont en réalité pas manigancé pour parvenir à avoir le pouvoir. Elles ne l'ont que parce que c'est constitué une élite qui réunit les politiciens et les riches en général et que les premiers côtoient et écoutent donc les seconds, voir dépendent financièrement d'eux parfois.
va créer un nouveau totalitarisme au détriment du peuple
Arrêtez de jouer avec les mots, on en perd le sens au final.
Le Peuple, ça n'existe pas. C'est une catégorie fourre-tout qu'on sort le plus souvent pour l'opposer à une "élite" qui comploterait contre lui. Autant dire "les braves gens" et on sera ouvertement dans la caricature.
D'abord, je vous signale que les corporations, c'est aussi le peuple (même les patrons très riches sont citoyens...), ensuite, ce qu'on appelle le peuple n'est en rien un ensemble homogène, mais tout un ensemble de groupe sociaux agissant avec des intérêts parfois contradictoire.
Le fait que des associations de personnes (ici des entreprises) agissent dans leur intérêt et gagne le rapport de force ne doit pas faire oublier que des milliers d'autres groupes tentent de faire la même chose et de gagner aussi.
Prétendre qu'il y en a un contre tout le reste, c'est caricatural. La réalité c'est que si ça n'était pas l'entreprise qui avaient le plus d'influence, ça serait un autre groupe qui imposeraient aussi ses vues.
On est là dans le fonctionnement normale d'une société humaine, simplement le rapport de force c'est déplacé à la faveur du monde financier et des grosses entreprises de manières exagérée au court des dernières décennies pour permettre le fonctionnement optimal d'une république.
A voir si c'est la république qui est à réformer ou pas.
De la même façon, un totalitarisme, c'est un régime dans lequel l'Etat tente de contrôler l'ensemble de la société et dans lequel l'Etat est tout (voir les messages de propagande fasciste italien pour s'en convaincre).
Même en supposant une adaptation où ce ne serait pas l'Etat, mais l'entreprise qui seraient tout, ça supposerait qu'il existe des corporations capable d'une telle main-mise sur leur salarié. Or il n'en existe pas et d'ailleurs, la chasse aux profits actuelles va carrément dans l'autre sens (s'occuper de tout les aspects de la vie d'un salarié demande du temps et de l'argent. Les entreprises ont plutôt tendance à, au contraire, s'occuper le moins possible du salarié pour éviter le surcoût et ne s'occuper de ce qui peut le rendre plus productif à moindre frais).
Jouer sur les mots, c'est trop facile.
D'ailleurs, dans une telle idée, même la libéralisation de l'économie prônée par un certain nombre d'entreprises va à l'encontre d'un procédé dictatorial, puisque la libéralisation implique de la concurrence qui implique un choix du consommateur, donc sa liberté de choisir et qui implique aussi que les entreprises ne peuvent pas être toutes puissantes car mise en face de concurrentes et n'ont donc pas le temps de s'occuper d'autre chose que de gagner de l'argent.
Même si elles influencent le politique, elles le font plus souvent pour s'assurer un revenu que pour le pouvoir en réalité, faute d'avoir le temps d'exercer ce pouvoir et parce qu'une entreprise ce n'est pas une personne, c'est un groupe qui, comme tout groupe, avance un peu à l'aveugle.
Au final, et c'est un paradoxe, les idées libérales assurent autant l'influences des entreprises sur le politique qu'elles n'assurent que cette influence ne créera pas de dictature (alors qu'à l'inverse, des sociétés où la concurrence est restreinte amène certaines entreprises à se comporter comme Etat dans l'Etat car ayant le temps de se consacrer à la meilleurs gestion de ses clients captifs et de son personnel, les systèmes corporatistes d'ancien régime sont de bon exemple de cette collusion entre pouvoir politique et entreprises dès lors que les corporations deviennent influente. On peut aussi citer l'oligarchie russe récente.).
Je ne dis pas que c'est pour autant une bonne idéologie par contre, mais comme elle est actuellement dominante, ça nuance l'idée d'un complot des entreprises pour prendre le pouvoir.
Ce qui se passe actuellement c'est juste le fait que le rapport de force entre les composantes des sociétés est à l'avantage du plus mondialisés, actuellement la finance, parce que son champs d'action est plus large, ses profits plus important et donc sa capacité d'action au delà des autres composantes de la société (les grosses entreprises américaines étant souvent mondiales, elles ont les moyens de financer d'énorme campagne politique et donc de financer les candidats qu'elles veulent mieux qu'une collecte de fond auprès de la population.)
Inverser le rapport de force n'est pas si difficile, il demande simplement que la population impose la séparation entre sphère entrepreneuriale et sphère publique, par exemple en refusant que les campagnes politiques soient financé par des entreprises, en imposant la transparence dans l'attribution des marchés publics, en réglementant l'activité de lobbying...
Cela dit, à mon sens, c'est un combat un peu perdu d'avance. Atteindre une société où la richesse ne déterminera pas l'influence politique me semble utopique, tout ce qu'on peut faire, c'est règlementer le rapport de force pour qu'ils soient aussi équilibré que possible entre les forces en présence, selon le régime politique du moment.
Mais je suis peut-être trop cynique.
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)